« Emu » par les scènes captées à l’abattoir municipal diffusées le 14 octobre par l’association de protection animale L214, le maire d’Alès Max Roustan (Les Républicains) a procédé le jour même à sa « fermeture immédiate à titre conservatoire ».
La commune lance dans la foulée une enquête administrative interne sur « d’éventuels manquements aux normes d’abattage des animaux », tout en soulignant que « l’abattoir, comme l’ensemble des abattoirs de France, est sous l’exclusive responsabilité sanitaire des services de l’Etat ».
« La responsabilité première est celle de l’exploitant, sur la protection animale comme sur l’hygiène et l’environnement, rétorque le 16 octobre Olivier Lemarignier, chef du service sécurité sanitaire des aliments à la préfecture du Gard.
Trois techniciens et un vétérinaire sont affectés à l’abattoir d’Alès pour des contrôles quotidiens, « de l’entrée à la sortie des animaux. Les contrôles portent sur de très nombreux points et documents. Ce qui dépend exclusivement de l’Etat est l’examen ante-mortem et la décision ou non de libérer une carcasse. »
Manquements repérés
La préfecture du Gard a dévoilé qu’une visite d’inspection des services vétérinaires en septembre avait identifié des « manquements » entraînant le 22 septembre une mise en demeure administrative contre l’abattoir d’Alès. « Une précédente visite avait déclenché un avertissement en juillet, précise Olivier Lemarignier. A chaque fois, une copie du rapport a été envoyée à la commune. Les problèmes de non-conformité étaient moins graves que les images des vidéos, où il y a des choses choquantes. Si nous avions vu cela, nous serions intervenus. »
A cause de la fermeture provisoire de l’abattoir décidée par le maire, la visite de vérification des corrections exigées, programmée début novembre, aura lieu lors de la réouverture du site.
La commune d’Alès n’a pu être jointe ce vendredi, mais avait affirmé mercredi 14 octobre : « Si des fautes sont reconnues, des sanctions seront prises pouvant aller jusqu’à la fermeture définitive ». Tout en exprimant son inquiétude : « Une fermeture définitive condamnerait la filière agro-alimentaire locale, tant dans son volet agricole, de transformation et de commercialisation, qu’au niveau économique, avec 120 emplois directs et indirects ».
Poursuites engagées
« La commune, en tant qu’exploitant, porte la responsabilité des pratiques qui s’y déroulent quotidiennement », insiste L214, l’association qui a lancé l’affaire. Elle « déplore que seul un scandale médiatique soit de nature à inciter les autorités à agir ».
Le montage vidéo – tourné clandestinement en avril et mai 2015 après un refus du maire sur une demande de visite de l’abattoir – a été vu près de… 930 000 fois sur YouTube ; la pétition « Stop à la cruauté à l’abattoir d’Alès » a recueilli près de 200 000 signatures au 16 octobre. La polémique a fait réagir l’interprofession Interbev, qui a condamné le 15 octobre « des manquements graves à la réglementation ».
L214, qui n’a eu aucun contact avec la commune d’Alès depuis la diffusion des vidéos, a engagé dès mercredi des poursuites judiciaires pour mauvais traitements et violation de la réglementation. « Nous sommes rejoints par plusieurs associations nationales ou locales, qui se portent partie civile sur notre plainte », affirme Sébastien Arsac, l’un des porte-paroles. Le parquet d’Alès a décidé d’ouvrir une enquête sur des « faits d’actes de cruauté et mauvais traitements sur animaux ».
Dénonciation de l’insuffisance des contrôles
« Nous estimons que seuls 5 % des abattoirs respectent les réglementations sur la protection animale, lance Frédéric Freund, directeur de l’association Oaba (œuvre d’assistance aux bêtes d’abattoirs). 60 % refusent nos demandes de visites. Celui d’Alès avait refusé en juin… »
Il dénonce parallèlement « la trop rare présence des inspecteurs vétérinaires au poste d’abattage. Même le Syndicat national des inspecteurs de santé publique vétérinaire le dit. Regardez Alès : il faudrait au moins deux vétérinaires, ne serait-ce que pour suivre une journée complète de travail ! »
Sébastien Arsac (L214) ajoute : « Tous les rapports de l’office alimentaire et vétérinaire européen, l’OAV, épinglent la France sur son système d’inspection… » Les associations veulent pousser leur avantage : l’Oaba demandera le 5 novembre, lors de la réunion du « Comité Bien-être animal » du Conseil national d’orientation des politiques sanitaires animales et végétales, que la Brigade nationale d’enquêtes vétérinaires et la Mission d’audit sanitaire de la Direction générale de l’alimentation (DGAL) « soient saisies aux fins d’inspections dans tous les abattoirs ». Il en existe environ 280 en France.
Références
Les textes de réglementation sur la protection animale
- Convention européenne sur la protection des animaux d’abattage du 10 mai 1979,
- Arrêté du 12 décembre 1997 relatif aux procédés d’immobilisation, d’étourdissement et de mise à mort des animaux et aux conditions de protection animale dans les abattoirs,
- Règlement (CE) n° 1099/2009 du Conseil du 24 septembre 2009 sur la protection des animaux au moment de leur mise à mort,
- Décret n°2011-2006 et l’arrêté du 28 décembre 2011 relatifs aux conditions d’autorisation des établissements d’abattage à déroger à l’obligation d’étourdissement des animaux,
- Arrêté du 31 juillet 2012 relatif aux conditions de délivrance du certificat de compétence concernant la protection des animaux dans le cadre de leur mise à mort.
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