Le principal mérite du rapport « Pêcheur » est d’avoir identifié des axes d’action qui correspondent aux besoins des trois fonctions publiques. Débattre de la stratégie des employeurs publics, instaurer des observatoires communs, réaliser des études prospectives et fixer un cadre déontologique sont des idées fondamentales.
Souhaitant restaurer la confiance dans la fonction publique, elles permettront de poser un cadre rénové au sens du service public et d’instaurer un nouveau dialogue social.
Attendues de longue date, certaines propositions sont très positives. Par exemple, des bourses des emplois inter-administration amélioreraient la mobilité entre les trois fonctions publiques sur un même territoire.
Ce serait une avancée en faveur de la transparence, une mesure dynamique et facile à mettre en œuvre en s’appuyant sur les centres de gestion de la FPT et les plates-formes interministérielles RH.
Reconnaître la notion de métier – Certaines idées sont innovantes comme la création de cadres d’emplois communs, le partage des répertoires des métiers ou la répartition des emplois par fonction plutôt que par catégorie. Cela permettrait de reconnaître la notion de métier, essentielle pour une gestion des ressources humaines moderne, et valoriserait des spécialités professionnelles comme les compétences en matière de marchés, de finances ou de RH.
La simplification des régimes indemnitaires et de la nouvelle bonification indiciaire (NBI) (devenue un système abscons), la disparition des différences de charges sociales entre l’Etat et les autres fonctions publiques sont des propositions qui procèdent de la même démarche de transparence et de partage des valeurs du service public.
Celles qui concernent les rémunérations et l’attractivité de la fonction publique sont également positives mais ont bien peu de chances d’aboutir en période de contrainte budgétaire.
Pourtant, l’objectif visant à définir un cadre salarial motivant et à assurer des parcours professionnels de qualité est primordial car il sort du schéma statutaire traditionnel.
Définir un niveau de fonction pour chaque corps ou cadre d’emplois serait positif, permettant une cotation des emplois inter-fonctions publiques favorable à la mobilité.
En revanche, certaines propositions sont sujettes à controverses. L’organisation de sélections professionnelles pour les recrutements de catégorie C serait un acte en faveur de la transparence pour certains DRH, afin d’éliminer le clientélisme. Ils constatent que les jurys mis en place dans le cadre de la loi Sauvadet, avec des membres extérieurs à la collectivité, ont été positifs pour l’impartialité des recrutements.
Pour d’autres, il s’agirait d’une lourdeur administrative supplémentaire. Pour les collectivités sollicitées sur les emplois d’avenir ou l’apprentissage, un tel dispositif serait contre-productif.
En matière de gestion des carrières, la suppression des ratios d’avancements ou l’alignement des procédures de passage d’échelon des trois fonctions publiques seraient des retours en arrière. Pourtant certaines collectivités s’y essayent et constatent que la « réduction d’ancienneté » pratiquée à l’Etat est appropriée.
Cela peut donner un nouveau levier aux collectivités pour réguler le rythme des avancements d’échelon et ainsi avoir une maîtrise plus approfondie de leur glissement vieillissement technicité (GVT). Quant à l’évaluation quinquennale de la durée du travail, elle semble être une proposition de circonstances pour rassurer l’opinion publique sur l’activité des fonctionnaires.
Pas de modalités de recrutement simplifiées pour les apprentis – Quelques autres idées auraient pu figurer dans le rapport : des mesures en faveur de l’emploi des jeunes ou des modalités de recrutement simplifiées pour les apprentis. Il aurait pu aussi préconiser un accès plus facile à la fonction publique pour certains métiers qui peinent à recruter comme les médecins ou les infirmières.
Sur le recrutement de non titulaires, les DRH ne trouvent pas dans le rapport de réponses à leurs besoins : les secteurs de l’éducation, de l’accueil familial, de l’enseignement artistique ont besoin de dispositions nouvelles.
Les priorités du gouvernement en matière de parité ne sont pas traduites non plus en propositions. Il est vrai que l’alignement des régimes indemnitaires des filières les plus féminisées (sociales, culturelles, administratives) sur les filières techniques, qui serait une mesure efficace pour l’égalité salariale, représenterait un coût important.
Enfin, au moment où, dans le secteur privé, la formation professionnelle est réorganisée, il faudrait proposer de réformer ou supprimer le DIF mais aussi de simplifier les dispositifs de formation des fonctionnaires pour les rendre plus équitables et adaptés aux nouveaux enjeux du service public.
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Le statut de la fonction publique, flexible malgré tout
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