Quels sont les grands enjeux du congrès 2017 de l’AATF ?
Le congrès est d’abord une fête conviviale. Les administrateurs territoriaux se retrouvent entre collègues, camarades de promotion. Nous sommes attentifs à cet aspect. Cette année, nous avons un cadre idéal pour nous retrouver chaleureusement, puisque le congrès a lieu à l’Unesco. Cette dimension n’est pas négligeable. Le rôle de l’association est de faire en sorte que les liens de fraternité, de solidarité restent forts entre les membres. Nous sommes au début d’un nouveau cycle politique. Pour cette raison, nous avons voulu que le congrès se tienne après l’élection présidentielle et les législatives.
Quel est votre objectif par rapport à ce nouveau cycle politique ?
Nous allons nous attacher à réfléchir à ce qui est devant nous en termes de réforme des services publics, de l’administration etde la fonction publique en nous appuyant sur les vingt propositions adressées par l’association aux candidats à l’élection présidentielle, en février dernier.
Nous aurons un certain nombre de débats sur les grands sujets qui vont structurer l’action du gouvernement autour des missions de service public et autour de la fonction publique dans les mois qui viennent.
Par exemple, nous avons été parmi les premiers à poser la question des déserts médicaux et de l’éventuelle obligation de primo-implantation pour les médecins généralistes. Un représentant des médecins va venir donner son avis sur la situation et sur les mesures envisageables. Nous aurons également une séquence, un peu prospective, sur le cycle d’action publique qui s’engage et des échanges sur le futur pacte Etat-Collectivités et sur la diversification de la haute administration.
Comment envisagez-vous ce pacte Etat-Collectivités territoriales ?
Un tel pacte ne doit pas fixer de contraintes de dépenses aux élus locaux, mais doit plutôt conduire à s’engager sur solde de financement. Un pacte de responsabilité entre l’Etat et les collectivités locales, c’est très bien.
On voudrait que le pacte Etat/Collectivités n’enlève pas du pouvoir de décision aux élus locaux.
Mais on voudrait qu’il n’enlève pas du pouvoir de décision aux élus locaux. Or, ce dont on parle aujourd’hui, et ce qui était plus ou moins annoncé dans le programme d’Emmanuel Macron, c’est un pacte de responsabilité par lequel on impose aux élus locaux une contrainte en matière de masse salariale et de recrutements. En clair, on dit aux élus locaux : faites baisser votre masse salariale, ou vos effectifs, et nous stabiliserons votre DGF. Il y a une autre façon de faire. Effectivement, il faut que les collectivités s’engagent dans le redressement des comptes publics. Mais elles peuvent s’engager sur leur solde de financement, sur le résultat de leur exercice et garder leur choix en matière de dépenses et de recettes. C’est une autre philosophie pour fabriquer un pacte entre l’Etat et les collectivités.
Quelles sont vos attentes en ce début de quinquennat ?
Nous sommes tous dans l’expectative. Les signaux sont un peu contradictoires. Avoir des administrateurs territoriaux dans les cabinets ministériels est très positif. Ils vont donner une coloration territoriale à cette équipe gouvernementale.
L’absence de ministre ou de secrétaire d’Etat en charge de la fonction publique me paraît être un problème. Ce n’est pas seulement une affaire d’efficacité gouvernementale, mais aussi une affaire de symbole.
Le président de la République se saisit aussi du sujet de la métropole, notamment du Grand Paris. Madame Gourault [ministre auprès du ministre de l’Intérieur, ndlr] est une spécialiste des collectivités locales. Tout cela est très bien. Mais d’autres signaux nous laissent perplexes, notamment l’absence de ministre ou de secrétaire d’Etat en charge de la fonction publique. Cela me paraît être un problème.
Pourquoi l’absence de ministre dédié la fonction publique pose un problème ?
La fonction publique est un sujet important qui, en soi, mérite d’être traitée par un ministre qui a la responsabilité spécifique du dossier. La fonction publique n’est pas un petit sujet, et n’est pas un élément parmi d’autres d’un portefeuille ministériel. Quel que soit le talent des ministres, leur temps est toujours compté.
Mais ce n’est pas seulement une affaire d’efficacité gouvernementale, mais aussi une affaire de symbole. Les symboles comptent en politique. Là, il y a cinq millions de fonctionnaires qui n’ont pas de ministre dédié… Je ne suis pas sûr que cela soit un excellent signal. Je suis, comme beaucoup, dans l’attente de voir ce que seront les premières initiatives, les premières annonces du Président de la République et du gouvernement. Nous défendrons nos convictions.
Le sujet « collectivités » n’est-il pas trop éparpillé au sein du gouvernement ?
Il y aura certainement une clarification dans les jours qui viennent au sein du gouvernement pour savoir qui est en charge de quoi. Si le congrès sera une piqûre de rappel de nos convictions et de nos propositions, nous avons déjà commencé à travailler avec les uns et les autres, notamment sur le Grand Paris. Il faut une pause institutionnelle, mais nous pensons que le territoire vaste de l’Ile-de- France a besoin d’une structuration de proximité. Aujourd’hui, ce niveau de proximité rationnalisé existe, fonctionne bien, il faut le consolider : c’est le couple EPCI/communes en grande couronne et le couple EPT/communes en petite couronne. Il faut finir de donner aux EPT le même statut qu’aux EPCI de grande couronne. Mais l’Ile-de-France est très inégale, il faut donc aussi un autre niveau à plus grande échelle, pour agir sur des sujets comme les transports, le foncier, le logement. C’est là qu’il y a besoin d’avancer en réglant les problèmes d’articulation entre les différents acteurs (région, métropole, départements). Il faut que ces acteurs travaillent ensemble.
Qu’allez-vous défendre ?
Le pays a besoin de collectivités locales, respectées, qui ne sont pas mises sous tutelle, et dirigées par des élus qui méritent un statut et qui ont le pouvoir d’agir et de décider de leurs dépenses et de leurs recettes. Le pays a besoin de fonctionnaires et d’une fonction publique. Même si les concours d’accès peuvent évoluer, même s’il y a énormément de travail à faire en matière de parité, de diversité des profils.
On jugera les initiatives gouvernementales à l’aune de ces convictions. On va être vite fixé avec, dès mi-juillet, la conférence des territoires. Nous nous réjouissons qu’un certain nombre de nos propositions de février, même si l’association est transpartisane, aient été reprises par plusieurs candidats à l’élection présidentielle, dont Emmanuel Macron.
On peut être pour le statut, mais il n’y a pas de raison de faire de différence entre le public et le privé, notamment sur les retraites.
Nous avions dit qu’il fallait un régime de retraite commun entre le public et le privé. On peut être pour le statut, pour une différence de traitement entre les salariés du privé et la fonction publique, ceux qui servent l’intérêt général. Mais en matière de droits sociaux, il n’y a pas de raison de faire de différence entre le public et le privé, notamment sur les retraites.
Nous sommes aussi pour le rétablissement du jour du carence, pour élargir l’obligation de parité, pour qu’une nomination sur trois dans la haute administration ne provienne pas de la fonction publique l’Etat. Le congrès sera une piqûre de rappel public de ce à quoi on croit et de ce que l’on aimerait voir dans les initiatives futures du gouvernement.
Pourquoi est-ce si important d’avoir une fonction publique ?
Il y a besoin de collectivités locales respectées, qui aient une liberté d’action. Et il y a besoin d’une fonction publique et d’une haute fonction publique. Le statut peut être modernisé, le contenu des concours évoluer, etc. Mais il faut toujours un statut, et toujours des fonctionnaires. Il ne peut pas y avoir que des contractuels dans les collectivités. Ils doivent rester une exception. Le principe, c’est le recrutement de fonctionnaires, par concours. A un moment, nous avions, au sein de l’association, demandé un plafond du nombre de contractuels dans les directions générales.
Le contrat n’est pas moins cher et n’est pas plus souple.
Il ne faut pas se bercer d’illusion avec cette idée que demain les contractuels pourraient remplacer les fonctionnaires. Cela coûterait plus cher puisqu’il n’y aurait plus de grilles indiciaires. Tout le monde négocierait sa rémunération. Pour amener des talents, il faudrait augmenter tel ou tel. Quand une nouvelle équipe d’élus arriverait dans une collectivité, elle changerait les gens en contrats, donc avec une indemnisation à la clé pour cause de licenciements. Le contrat n’est pas moins cher et n’est pas plus souple ! Le grade appartient à l’agent, l’emploi à la collectivité. Un directeur général fonctionnaire, qui en a la volonté, peut transformer son organisation, redéployer des agents d’une mission sur une autre.
Je lance un appel à ne pas mollir sur le sujet de la fonction publique et des collectivités respectées.
Une administration composée de fonctionnaires peut être un instrument souple. Le contrat ne permet pas non plus forcément d’avoir une collaboration plus fructueuse : un fonctionnaire a une capacité à la distance avec l’élu. Cette distance permet de fabriquer des échanges contradictoires qui font progresser la réflexion, de construire une bonne décision publique. Un contractuel que l’on peut virer du jour au lendemain est peut-être plus servile et moins constructif. Parfois, je trouve que les voix du service public local s’éteignent un peu sur cet attachement à la fonction publique…
Vous aviez l’Entente, pourtant…
… je lance un appel à tous les acteurs connus et reconnus du secteur public local à ne pas lâcher sur ce sujet. Il faut garder ses convictions : le pays a besoin d’une fonction publique et d’une haute fonction publique. Il ne faut pas mollir. Nous sommes à un moment où il faut affirmer des choses. Il faut des collectivités locales respectées, libres de leurs choix budgétaires, de recruter. C’est un modèle de service public local. Tous les présidents et les présidentes de l’Entente ont été invités. Le premier semestre a été le temps de chacune des associations qui ont fait chacune leur congrès. L’Entente n’est pas vorace. Elle n’est pas là pour démonétiser les associations qui la composent. Au deuxième semestre, il faudra un moment d’expression plus collective via l’Entente. Tout cela est en train s’organiser.
Cet article est en relation avec le dossier
Cet article fait partie du Dossier
Le statut de la fonction publique, flexible malgré tout
Sommaire du dossier
- Le statut de la fonction publique, flexible malgré tout
- 40 ans de la loi « Le Pors » : retour aux sources d’un « statut » qui résiste
- « Opérons une transformation progressiste de la fonction publique »
- En Europe, les régimes des agents de droit privé et public coexistent
- Détricotage ou évolution ? Les mutations du statut font débat
- Emploi : le contrat de projet dans la fonction publique en 10 questions
- Le statut : 40 ans d’adaptations, en un clin d’œil
- Avenir de la fonction publique : les associations de territoriaux recadrent le débat
- Une médaille de la fonction publique qui en cache d’autres
- Avenir du statut de la fonction publique : l’analyse de Stéphane Pintre, président du SNDGCT
- Evolution du statut de la fonction publique : les douze propositions de l’ADGCF
- Avenir du statut de la fonction publique : le point de vue de Claude Soret-Virolle, ADT-Inet
- Avenir de la fonction publique : les évolutions du statut selon Jean-Charles Manrique, président de DGC
- Avenir du statut de la fonction publique, les demandes d’Emmanuelle Dussart, présidente de 2ACT
- « Le pays a besoin de fonctionnaires et de collectivités libres d’agir », Fabien Tastet, président de l’AATF
- Le statut de la fonction publique en voie de rénovation
- Quel avenir pour le statut et les fonctionnaires ? Face à face Le Pors – Sauvadet
- « Il faut sortir d’une vision budgétaire de la fonction publique »
- « Trois catégories, cela ne correspond plus aux besoins de l’administration » – Bernard Pêcheur
- Rapport « Pêcheur » : de bonnes propositions, des sujets à controverses mais aussi des manques
- « Le statut est un facteur de souplesse. Il faut en retrouver les fondements » – Arnaud Freyder
- « L’architecture juridique du statut est toujours debout » – Anicet Le Pors, ancien ministre de la Fonction publique
- « Le statut n’a rien à voir avec la question des effectifs » – Didier Jean-Pierre, professeur de droit public
- Atout ou fardeau ? Le statut vu par les administrateurs
- Pourquoi certains élus veulent casser le statut
- Avenir de la fonction publique : une nouvelle lecture du statut