Depuis la loi du 13 juillet 1983 du ministre communiste Anicet Le Pors, qui avait défini pour la première fois les traits communs aux trois versants de la fonction publique (Etat, Territoriale et Hospitalière), le statut général des fonctionnaires n’avait pas été revu de façon globale.
« Au bout de trente ans de ce statut, nous avons décidé de le réécrire », a expliqué la ministre de la Fonction publique Marylise Lebranchu mercredi 17 juillet sur RMC-BFM TV. « Je veux que les fonctionnaires portent les valeurs républicaines de ce pays. Je veux que chaque citoyen puisse trouver en face de lui quelqu’un qui va représenter l’impartialité, qui va porter la laïcité, qui va garantir le service, quelle que soit la personne qu’il a en face de lui », a ajouté la ministre.
Plutôt qu’une réelle réécriture, il s’agit surtout d’une réaffirmation des valeurs de la fonction publique, explicitement prévues dans le nouveau texte, ainsi que de la généralisation de pratiques qui pouvaient avoir cours dans certains établissements publics en matière de déontologie. La Gazette avait déjà décrypté les grandes lignes de ce texte, à partir de l’avant-projet de loi que nous nous étions procuré.
Protection des lanceurs d’alerte – Les récentes affaires politiques, dont la dernière en date, le mensonge de Jérôme Cahuzac, ont conduit le gouvernement à décliner, pour les fonctionnaires, les mesures prévues dans les projets de loi sur la transparence de la vie publique : renforcement de la lutte contre les conflits d’intérêts, et création d’un « statut » pour les lanceurs d’alerte, enfin protégés.
Ainsi, l’article 3 du projet de loi instaure une protection de « l’agent public qui relate ou témoigne, de bonne foi, de faits susceptibles d’être qualifiés de conflits d’intérêts dont il aurait eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions, afin d’interdire que cela puisse nuire d’une quelconque manière au déroulement normal de sa carrière ».
La charge de la preuve ne porte plus sur le lanceur d’alerte, mais sur l’auteur de la mesure contestée. La bonne foi du lanceur d’alerte est enfin présumée.
La prévention des conflits d’intérêts, qui se traduit par la mise en place de déclaration d’intérêts à la charge des agents (les fonctions visées seront précisées par décret en Conseil d’Etat) est accompagnée d’une « double garantie » :
- les informations relatives aux opinions ou aux activités de l’intéressé ne sont pas inclues dans la déclaration d’intérêts ;
- la déclaration d’intérêts est conservée par l’autorité hiérarchique pendant un délai limité, au-delà duquel elle est détruite, et n’est pas communicable aux tiers.
La notion de devoir de réserve, que le gouvernement avait l’intention d’introduire dans le texte, mais contre laquelle s’est prononcée le CSFPT n’est finalement pas présente dans le projet de loi, hormis une référence, à l’article 10 qui porte sur les membres du Conseil d’Etat.
Simplification du régime des positions statutaires – Le titre II du projet de loi est relatif à la modernisation des droits et obligations des fonctionnaires. L’article 18 « dispose que le fonctionnaire ne peut être placé que dans une seule des positions statutaires suivantes : l’activité, le détachement, la disponibilité ou le congé parental ».
Lorsqu’un fonctionnaire est titularisé ou intégré dans une autre fonction publique, il est radié des cadres dans son corps ou cadre d’emplois d’origine.
L’article 19 unifie la structure des corps et cadres d’emplois entre les trois versants de la fonction publique autour des trois mêmes catégories hiérarchiques (A, B et C). La catégorie D qui pouvait subsister est ainsi supprimée.
Renforcement de la protection fonctionnelle – Le projet de loi prévoit, dans son article 25, une clarification des droits du fonctionnaire mis en cause, ainsi que ceux du fonctionnaire victime et de ses ayant-droits. Plusieurs notions sont introduites par le texte, déclenchant la protection fonctionnelle :
- atteinte volontaire à la vie,
- atteinte volontaire à l’intégrité de la personne
- agissements constitutifs de harcèlement, sexuel ou moral.
« De même, lorsqu’un agent est entendu en qualité de témoin assisté, placé en garde à vue ou se voit proposer une mesure de composition pénale dans des cas où les faits conduisant à de tels actes de procédure pénale n’ont pas le caractère d’une faute personnelle détachable de l’exercice de ses fonctions, il est prévu que la protection fonctionnelle lui soit accordée », précise l’exposé des motifs.
Evolution des procédures disciplinaires – L’article 27 du projet de loi met fin à l’imprescriptibilité de l’action disciplinaire. Désormais, tout fait passible de sanction disciplinaire devra être, à compter de sa connaissance par l’administration poursuivi dans un délai de trois ans. L’interruption de ce délai n’est possible qu’en cas de poursuites pénales.
L’échelle des sanctions est harmonisée entre les trois versants de la fonction publique (nouvel article 19 bis dans la loi du 13 juillet 1983).
Assurer « l’exemplarité des employeurs publics » – Le titre III du projet de loi contient plusieurs dispositions dont l’objectif est d’assurer « l’exemplarité des employeurs publics ». La première d’entre elles prévoit d’avancer d’un an l’échéance prévue pour les obligations en matière de « répartition équilibrée des nominations » issues de la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012.
L’article 40 porte sur le Conseil commun de la fonction publique et prévoit de regrouper au sein d’un même collège les différentes catégories d’employeurs publics, de sorte que ces employeurs regroupés se prononcent ensemble.
Le CCFP devient en outre compétent pour connaître des questions et projets de textes communs à au moins deux des trois versants de la fonction publique.
Résultats collectifs – Enfin, ancienne revendication d’une partie des syndicats, et mesure sans doute plus symbolique qu’autre chose, l’article 42 remplace la notion de « performance collective », introduite par l’article 38 de la loi n° 2010-751 du 5 juillet 2010 par celle de « résultats collectifs », « plus adaptée aux services publics », commente l’exposé des motifs.
Références
Exposé des motifs et projet de loi relatif à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires, 17 juillet 2013
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Le statut de la fonction publique, flexible malgré tout
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