Considérant que la société exerçait à la fois une activité de service public administratif et de service public commercial, la chambre s’interroge sur la « régularité » de cette activité au regard du droit de la concurrence. Elle reproche également à Enjoy de ne pas respecter les règles de publicité et de concurrence découlant du droit européen. La direction conteste cette analyse, arguant du caractère commercial des activités d’Enjoy.
Contrôlée majoritairement par la communauté d’agglomération de Montpellier et la région Languedoc-Roussillon, Enjoy Montpellier, société anonyme d’économie mixte locale, gère 4 équipements publics montpelliérains dans le cadre de délégations de service public : l’opéra-palais des congrès Le Corum, le Zénith Sud, le parc des expositions et l’Arena Park&Suites. Elle est également organisatrice de salons et manifestations.
Dans son rapport, la chambre régionale des comptes fait valoir que la société exerce une double activité de service public administratif et de service public commercial.
« Conformément à la justice administrative, écrivent les magistrats, lorsque des collectivités publiques confient une mission d’intérêt général d’animation culturelle, de promotion touristique ou, plus généralement, la prise en charge de l’événement culturel, sportif et l’animation locale à une entité, celle-ci intervient dans le cadre d’une mission de service public administratif. »
Constatant que l’activité de la société avait évolué vers la production de manifestations et la prestation de services, la chambre estime par ailleurs que cette activité « appelle des interrogations sur sa régularité au regard du droit de la concurrence ».
« L’intervention accrue d’Enjoy Montpellier dans ces nouvelles activités, dit le rapport, pourrait être contraire au principe d’égale concurrence entre opérateurs dès lors qu’il n’est pas certains que la société ne bénéficie pas des avantages découlant des moyens et des ressources procurées par son activité de gestionnaire de service public. »
Des manquements en termes de marchés publics – La chambre reproche également à Enjoy Montpellier des manquements à ses obligations en matière de marchés publics. Selon elle, la société devrait mettre en œuvre les règles de publicité et de mise en concurrence prévues par l’ordonnance du 6 juin 2005, qui traduit en droit français la directive européenne 2004/18 du 31 mars 2004.
Selon la juridiction financière, « la directive européenne dispose que les sociétés d’économie mixte sont des pouvoirs adjudicateurs en raison de leur qualité d’organismes de droit public. » La chambre met également en avant la double activité de service public administratif et de service public à caractère commercial d’Enjoy.
« Il ressort de la jurisprudence européenne, précise le rapport, que la présence d’activités d’intérêt général autres qu’industrielles et commerciales suffit à caractériser l’organisme de pouvoir adjudicateur, même si la satisfaction de tels besoins ne représente qu’une part minoritaire des activités de l’organisme. »
Sur cette base, le rapport dissèque les marchés passés dans le cadre de la construction de l’Arena (69 millions d’euros HT de travaux) et émet une série de critiques : recours « contestable » à une procédure non formalisée et à des lettres de commandes pour certains marchés, recours important au caractère infructueux des marchés, « recours irrégulier et répété à la procédure négociée », rupture d’égalité entre soumissionnaires dans certains cas, recours à la négociation dans un appel d’offres ouvert…
« Un opérateur commercial » – Dans sa réponse, la direction d’Enjoy Montpellier réfute l’analyse de la chambre régionale des comptes. Elle fait valoir que la société « est un opérateur commercial, dont l’ensemble des activités, dans le cadre de délégations de service public, s’exercent dans 3 domaines ultra-concurrentiels : accueil de congrès, accueil de divertissements, accueil et/ou organisation de salons ».
« Le fait que les collectivités aient souhaité rattacher les équipements confiés en DSP à Enjoy Montpellier dans telle ou telle de leur compétence (aménagement, construction, gestion d’équipement culturel pour le Zénith, développement économique pour le Corum) ne permet pas de déduire que l’activité du gestionnaire de ces équipements est une activité administrative », argumente le directeur général d’Enjoy – qui a, depuis, pris une retraite anticipée.
Dès lors, la direction d’Enjoy estime que la société « ne remplit pas l’ensemble des critères cumulatifs permettant de retenir la qualification de pouvoir adjudicateur au sens de l’ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005, ce qui a pour conséquence de l’exclure du champ d’application de cette dernière. »
« Il découle de ce qui précède, écrit encore la direction d’Enjoy, que la quasi-totalité des observations de la CRC sur les marchés de la Park&Suites Arena sont sans fondement, dès lors que le cadre juridique n’est pas celui d’un pouvoir adjudicateur […] mais d’un simple concessionnaire de travaux publics. »
« Sous réserve de l’appréciation souveraine du juge du fond, conclut le rapport, la chambre émet des réserves sur cette analyse, dès lors que la société apparaît comme un organisme dont l’activité ne revêt pas uniquement un caractère commercial. »
Evaluation – La direction d’Enjoy regrette par ailleurs « que la CRC ait presque totalement “omis“ de porter un regard sur ce qui constitue la finalité de l’entreprise et sur les résultats atteints. » « Au regard de cette finalité, précise la direction, Enjoy Montpellier a totalement rempli sa mission. »
Ce point fait précisément l’objet d’une autre observation de la chambre qui reproche à Enjoy de ne pas évaluer ses activités : « Les indicateurs d’activité d’Enjoy ne permettent actuellement aucune mesure de son impact socio-économique, en dépit de l’importance de l’engagement public », souligne le rapport.
Dans sa réponse, la direction d’Enjoy affirme son intention de « lancer une réflexion dans le cadre de sa démarche qualité pour définir et suivre de tels indicateurs ».
Références
Rapport d'observations définitives sur la SAEM Enjoy Montpellier - CRC Languedoc-Roussillon - juin 2012
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