L’évaluation des politiques publiques, beaucoup s’en prévalent, mais qui la fait vraiment et dans quel but ? Hier encore à l’Assemblée nationale, le député Alain Péréa, député (LREM) de l’Aude, défendait l’assouplissement de la loi Littoral discuté dans le cadre du projet de loi logement Elan, au nom, entre autre de l’évaluation des politiques publiques.
Pas facile pourtant de faire le lien, si ce n’est en embrassant la plus large acception du terme – et encore – , défini par Jérôme Dupuis, maître de conférence en sciences de gestion à l’université de Lille, lors des Entretiens de l’innovation territoriale (EIT) de la chaire Optima mercredi 30 mai, comme « l’identification, l’analyse et la compréhension des écarts pouvant naître entre les intentions et les réalisations concrètes ».
Jugement de valeur, avec ou sans valeur…
Autrement dit, il s’agit pour une puissance publique de porter un « jugement de valeur » sur un service public donné. D’où la méprise fréquente entre évaluation objective, rigoureuse et distanciée d’un service pour en améliorer l’efficience, et jugement politique. La première est aride, complexe et pas toujours valorisante, le second est devenu un élément de langage commun dans un contexte financier de plus en plus contraint.
De fait, si on entend parler d’évaluation des politiques publiques un peu partout, elle n’est encore que balbutiante dans les faits. L’Afigese en sait quelque chose. Depuis quelques années, l’Association Finances, gestion et évaluation des collectivités territoriales ne peut décerner le prix de l’innovation financière dans la catégorie « Evaluation des politiques publiques », faute de candidats…
Gageure financière
En effet, pour les financiers, faire un jugement de valeur est une gageure. « Les chiffres ne peuvent pas tout dire », prévenait ainsi Hélène Berenguier, directrice adjointe du Fonds pour l’insertion des personnes en situation de handicap dans la fonction publique (FIPHFP) aux EIT. L’impact budgétaire par rapport à l’usage peut correspondre aux objectifs fixés, sans pour autant faire le tour du problème. « Il existe des spécificités de services, prévient la DG adjointe. Il y a par exemple une différence entre un chef de service qui utilise toute son enveloppe pour embaucher 6 % d’handicapés, comme le prévoient les textes, et un autre qui effectue la même dépense mais pour garder 6 % de personnes rendues handicapées par le travail effectué dans son service. Le ratio moyen consommés/résultats ne rend pas compte de tout ».
Des collectivités comme Saint-Paul-les-Dax (40) ou le département de la Seine-Saint-Denis (93), venus témoigner lors des EIT, ont ainsi intégré la fonction financière dans un processus plus vaste dépassant le simple objectif de sobriété financière : la ville thermale landaise a certes diminué ses charges à caractère général de 6 % et d’énergie de 5 %, mais a surtout pu certifier une vingtaine de services, améliorer la relation citoyenne, réduire son empreinte carbone, sa marge d’erreur dans les procédures métiers, etc.
Si les collectivités se lancent dans l’évaluation des politiques publiques, elles doivent donc surpasser les postures politiques qui engendrent des projets parfois sans objectifs et souvent sans réalisation, mais aussi décentrer la question financière pour en faire ce qu’elle doit être : un moyen et non une fin.
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