La réforme territoriale laisse planer une grande incertitude sur le sort des départements et par conséquent sur les services départementaux d’incendie et de secours (Sdis). Êtes-vous inquiet pour l’avenir de ces Sdis ?
Ne tirons pas des plans sur la comète ! Le conseil départemental existe et va continuer à exister. Les scénarios d’évolution préconisés récemment par le Premier ministre, Manuel Valls, sont annoncés pour l’après 2020. On n’y est pas encore. La question qui prévaut aujourd’hui, porte sur les compétences qui doivent être rattachées aux départements. C’est tout l’enjeu du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, bientôt examiné au Parlement.
Au demeurant, le département assume aujourd’hui ses responsabilités et fait la preuve de son efficacité.
La sécurité civile en est une illustration. Je tiens d’ailleurs à faire observer que près de 50 Sdis sont aujourd’hui présidés par des présidents de conseils départementaux. Cela montre clairement l’intérêt que nous avons pour cette compétence extrêmement importante.
Pour ma part, j’appartiens à ceux qui considèrent que cette responsabilité est un « plus » pour le conseil départemental, en termes de visibilité notamment. Même si, je le conçois, les Sdis ne sont pas faciles à gérer.
Vous êtes donc défavorable à la suggestion, émise au début de l’été par le secrétaire d’Etat à la réforme territoriale, André Vallini, d’étatiser les Sdis ?
Je peux vous dire que cette proposition d’étatisation ou de nationalisation des Sdis est régulièrement mise sur la table depuis 25 ans. Mais elle ne s’est jamais réalisée.
Faut-il rappeler que les départements financent entre 50 et 60% des Sdis de France qui représentent une dépense de 5,5 milliards d’euros par an ?
Par ailleurs, posons-nous la question : en nationalisant les Sdis, que deviendraient les 220 000 sapeurs-pompiers volontaires ? Irait-on vers une professionnalisation totale des effectifs de sécurité civile ? De toute évidence, l’Etat aurait de grosses difficultés à gérer ces personnels de proximité…
J’appelle donc à faire attention à ne pas casser un service public qui fonctionne plutôt bien et qui est apprécié par l’ensemble de nos concitoyens. Je rappelle à cet effet que Manuel Valls, lui-même, quand il était ministre de l’Intérieur, reconnaissait les progrès considérables dus à la réforme de la départementalisation des services d’incendie et de secours.
Peut-on imaginer de transférer la gestion des Sdis à un autre niveau de collectivité territoriale ?
Les communes ? Après tout, pourquoi pas ? Il faudrait alors envisager un établissement public placé sous leur autorité. Mais une telle situation se heurterait à l’absence de leadership, jusque-là exercé par le département en tant que garant de l’égalité républicaine sur son territoire et communément admis par les maires.
Quant à un éventuel transfert vers les régions, je n’y crois pas. Les régions ne sont pas faites pour gérer des services publics de proximité. Elles inscrivent plutôt leurs actions dans la stratégie, dans l’aménagement du territoire et dans les grands enjeux de l’innovation, du développement économique et de l’emploi.
Que disent les présidents de Sdis, membres de votre ADF ?
Nos membres suivent de très près cette question de l’avenir des Sdis, qui représentent une masse budgétaire très importante. Certains estiment que la gestion des Sdis et des sapeurs-pompiers est difficile et se disent plutôt favorables à la nationalisation. Ce n’est pas la majorité.
Et puis il y a ceux qui assument cette responsabilité. Parmi eux, certains vont même jusqu’à proposer de départementaliser totalement le Sdis, en faisant de cet établissement public autonome un service intégré au département. Cette piste n’est pas nouvelle : elle avait été lancée au début des années 2000 par Daniel Vaillant, alors ministre de l’Intérieur. Mais les officiers pompiers l’avaient rejetée en bloc, par crainte de se retrouver sous la houlette des directeurs généraux des départements. A mes yeux, pourtant, cette solution me semble inéluctable. Sous réserve que le lien étroit avec les élus soit préservé dans la gestion politique des Sdis.