Les collectivités et les gestionnaires d’aires d’accueil seront-ils éclaboussés par les éventuelles conséquences de la nouvelle plainte contre les fichiers minorités ethniques non sédentaires (MENS), déposée mi-juin par 10 associations ?
« Il ne faut surtout pas généraliser. Chaque situation est différente ; tant que le métier de gestionnaire d’aire d’accueil ne sera pas reconnu et encadré, nous rencontrerons des pratiques illégales », prévient Marc Pilot, délégué Unsa et gestionnaire de l’aire de Bischwiller (Bas-Rhin).
Méconnaissance des textes – « Certains de mes collègues reçoivent l’ordre de communiquer des fiches de police sur les résidents et installent des caméras de vidéosurveillance dans des conditions illégales. Mais ces situations sont souvent la conséquence d’une méconnaissance des textes par les élus responsables et de pressions de la part de riverains inquiets », ajoute le syndicaliste.
Il rappelle les règles qui soumettent agents, gestionnaires et travailleurs sociaux intervenant sur les aires d’accueil aux mêmes règles que ceux qui travaillent avec d’autres publics.
Informations détruites le jour du départ – « Les informations administratives recueillies sur les sujets pendant leur séjour sont naturellement détruites le jour de leur départ. Nous collaborons avec les forces de l’ordre uniquement sur réquisition de la justice dans le cadre d’enquête de police judiciaire. Les gendarmes et les policiers pour la plupart comprennent très bien et respectent ce partage des tâches », confie le gestionnaire, soucieux que toutes les collectivités ne soient pas mises dans le même sac.
Le 18 mai 2010, l’aire de Bischwiller a été le théâtre d’une perquisition générale menée dans le cadre d’une opération baptisée « Balkan 68 » ayant débouchée sur l’arrestation de ressortissants Croates surveillés depuis des mois par une cellule constituée à cet effet.
« Si j’avais été associé à cette enquête, je n’aurais pas été en mesure de calmer les familles de commerçants et artisans bretons qui eux aussi avaient été perquisitionnés bien qu’ils n’aient aucun lien avec leurs voisins cibles de l’opération », raconte Marc Pilot qui n’a aucun moyen de savoir si cette opération de police visant des Roms est ou non le fruit de l’utilisation de fichiers MENS.
Nouvelle enquête – Pour Henri Braun, Françoise Cotta et William Bourdon, les avocats des associations plaignantes, il ne fait aucun doute que le juge d’instruction qui sera désigné pour enquêter suite à cette plainte avec constitution de partie civile fera la lumière sur les fichiers ethniques. « La Cnil, qui ne peut enquêter que sur ce que lui montrent les administrations, a trouvé de nombreuses anomalies », remarque Henri Braun.
A la suite, d’une première plainte déposée en octobre dernier, elle avait concentré ses investigations sur les services de la gendarmerie. Sans découvrir de fichier spécifiquement baptisé MENS, la Commission avait émis des recommandations ayant aboutit, le 29 mars dernier, à un décret du Premier ministre recadrant l’usage des fichiers de la gendarmerie.
La nouvelle plainte incite la justice à prolonger ses investigations dans tous les services de l’Etat, des collectivités et des entreprises susceptibles d’alimenter des fichiers illégaux.