80 ou 90 km/h ? Malgré la promulgation de la loi Mobilités le 24 décembre dernier, la question est loin d’être tranchée. Et il suffit de regarder la carte de France pour s’en rendre compte. Selon notre recensement, 58 départements ont déjà pris une décision parmi lesquels 26 ont rétabli la vitesse à 90 km/h ou envisagent de le faire, et 32 ont annoncé ne pas modifier la limitation de vitesse.
Pour rappel, l’annonce de cette mesure en juillet 2018 avait suscité la colère des élus locaux et des automobilistes, qui fustigeaient une décision déconnectée de la réalité, impactant directement les départements les plus enclavés.
« C’est une décision unilatérale venue de Paris, prise sans concertation, avec des impacts importants sur la vie des administrés », déplorait dans la Gazette Jean-Marie Bernard, président (LR) du département des Hautes-Alpes.
Les résultats de cette mesure sont aussi décriés. Alors que le bilan provisoire de l’Observatoire national interministériel de la sécurité routière présenté par le ministre de l’Intérieur le 10 juillet 2019, soit un an après la mise en œuvre de l’abaissement de la vitesse, fait état de 206 vies sauvées par rapport à la moyenne sur cinq ans (2013-2017), le président du Tarn, Christophe Ramond, affiche un contre exemple avec + 62% d’accident corporels et +25% d’accidents mortels en 2019 dans son département.
Face à la fronde, le Premier ministre avait alors ouvert la voie à un assouplissement, tout en renvoyant la responsabilité aux présidents de département.
18 000 km de routes départementales à 90 km/h
Pour repasser la limitation de vitesse à 90 km/h, les élus doivent respecter certaines conditions. L’arrêté doit être pris sur la base d’une étude d’accidentalité, réalisée grâce aux éléments d’aide à la décision établis par le comité d’experts du Conseil national de la sécurité routière, avec l’éclairage de la commission départementale de la sécurité routière présidée par le préfet.
Cette commission rend alors un avis consultatif qui peut tout de même se révéler déterminant. En effet, s’il est défavorable et que l’élu choisi de passer outre, il peut voir sa responsabilité engagée en cas d’accident.
Un choix assumé par Nicolas Lacroix, président (LR) de la Haute-Marne. Malgré un avis négatif de la commission départementale de sécurité, il est le premier élu à avoir rétabli la vitesse à 90 km/h dans son département, sur 476 kilomètres de routes, dès le début du mois de janvier.
En tout, selon un décompte établi début mars 2020, 18 000 kilomètres de route départementale vont retrouver une limitation de vitesse à 90 km/h, soit environ 600 kilomètres en moyenne par département. Au moins 4 000 kilomètres sont à l’étude dans d’autres départements.
Enfin, les trois départements les moins peuplés de France (la Creuse, la Lozère et les Hautes-Alpes) ont annoncé revenir à une limite de 90 km/h sur certaines portions.
Choix politique ou recul devant les conditions fixées
32 départements ont annoncé qu’ils conserveraient la limitation de la vitesse à 80 km/h, dont l’intégralité des départements bretons. Pour certains c’est un choix politique, pour d’autre cela s’explique par l’impossibilité à remplir les conditions fixées.
«Très franchement, elles rendent le rétablissement de la vitesse à 90 compliqué et induiraient des coûts d’aménagement de sécurité importants », indique par exemple Jean-Hugues Bonamy, vice-président (UDI) du conseil départemental de l’Eure en charge des infrastructures routières où le sujet est toujours en réflexion.
Reste 29 départements dont une partie étudie un possible rétablissement de la vitesse à 90 km/h, tandis que les autres ont remis leur décision à plus tard. Pour rappel, l’abaissement de la vitesse à 80 km/h est une expérimentation qui doit prendre fin cet été. Plusieurs élus en attendent les résultats pour pouvoir prendre leur décision.
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