Au Sénat, les outils pour lutter contre les discriminations ne font pas consensus, preuve en est l’ambiance qui a prévalu lors de la présentation, le 11 novembre 2014, en commission des lois, du rapport de Esther Benbassa (EELV) et Jean-René Lecerf (UMP). « Si notre travail a finalement été adopté, c’est au second essai, avec des votes contre et plusieurs abstentions. Ce qui est extrêmement rare », souligne Esther Benbassa .
Polémiques –Trois propositions, sur les onze développées, ont été particulièrement discutées :
L’autorisation des statistiques ethniques (proposition n°1). Les sénateurs ont renoncé à préconiser le recours systématique à des statistiques intégrant la question ethnique et souhaitent plutôt « introduire, une fois tous les cinq ans, dans le recensement, une question sur le pays de naissance des ascendants et la nationalité antérieure afin d’obtenir des résultats mesurables sur l’ampleur des discriminations et leur déploiement ».
Le renforcement de l’enseignement du fait religieux (proposition n°11). Les deux parlementaires proposent un renforcement de cet enseignement dès l’école primaire, une évolution qui devra s’appuyer sur une formation spécifique des enseignants. « Bien entendu, nous défendons une vision laïque de cet enseignement », commente l’élue EELV.
Le développement des carrés confessionnels dans les cimetières (proposition n°7). Les auteurs du rapport ont relevé le faible nombre de ces carrés, ce qui oblige des citoyens, en particulier ceux appartenant à la communauté musulmane (selon le croisement de différents recensements, la France compte aujourd’hui moins de 200 carrés musulmans), à enterrer leurs proches loin du sol français.
« Actuellement, la création de ces carrés confessionnels repose sur des circulaires, qui sont peu appliquées, et sur la volonté politique. Ne pas pouvoir enterrer les siens sur son lieu de vie est une forme de discrimination. Pour rétablir l’égalité et favoriser le vivre-ensemble, nous proposons de conférer une base légale à cette pratique », annonce Esther Benbassa.
Discrimination indirecte –Parmi les autres préconisations du rapport, on note « Introduire dans le code pénal une disposition incriminant l’usage abusif du droit de préemption à des fins discriminatoires » (proposition n°4) ; « Envisager l’extension du recours collectif en matière de discrimination », (proposition n°6) ou encore « Améliorer la formation des différents acteurs de la lutte contre les discriminations, tout particulièrement des fonctionnaires et des magistrats ».
Sur ce dernier point, Esther Benbassa estime que la formation est « inexistante », et ajoute : « Pas formés, les fonctionnaires peuvent être responsables de discrimination indirecte, par exemple, les forces de police qui pratiquent le contrôle au faciès ou les agents chargés d’accueil qui peuvent avoir des pratiques professionnelles entachées d’a priori ». Selon l’élue, « en formant les agents, on fera respecter le principe de non-discrimination et on améliorera le service public ».
Dans ses promesses de campagne, le candidat Hollande avait proposé de lutter contre le contrôle au faciès en instaurant un récépissé qui aurait été délivré par les policiers, idée abandonnée par l’actuel Premier ministre, Manuels Valls.
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