La Curée. Au moment où débutent les négociations entre le gouvernement et les associations d’élus sur les modalités de la future réforme de la fiscalité locale, toutes les associations d’élus du bloc communal cherchent à maintenir leur niveau de ressources fiscales à pouvoir de taux et/ou territorialisées, quitte à les prendre à la dernière strate qui en a encore, les départements.
Ces collectivités historiques se feraient ainsi dépouiller de leur taxe foncière, voire de leur cotisation sur la valeur ajoutée (CVAE), préférée au transfert de TVA proposé par le CFL et la mission Richard-Bur. L’Etat n’est pas en reste puisqu’il lorgne sur les droits de mutation à titre onéreux, jugés très inégalitaires et parmi les plus élevés d’Europe, assurent les représentants du bloc local. L’Etat les convoite donc pour mieux les répartir, mais également peut-être les réduire pour améliorer la mobilité de l’emploi, alors que l’ADF a, au contraire, fait la proposition hier au gouvernement de les augmenter de 4,5 à 4,7 %, libérant potentiellement 490 ME de ressources nouvelles. Une proposition à laquelle Edouard Philippe n’a pas opposé de véto de principe.
Départements dépassés ?
De son côté, le bloc local argue que la fiscalité territorialisée des départements ne correspond plus ni à leurs compétences, ni à la nouvelle organisation territoriale centrée sur les bassins de vie plutôt que sur des frontières administratives fixées à la Révolution.
En effet, la perception de la CVAE semble aujourd’hui anachronique quand les départements n’ont plus la compétence économique. De même, difficile d’imaginer un lien logique entre la taxe foncière, les DMTO et le financement d’allocations individuelles de solidarité (AIS) devenues la principale charge départementale. C’est d’autant moins défendable cette année que si le pouvoir de taux pouvait s’entendre jusqu’à présent comme un moyen d’accompagner la hausse des besoins de financement sociaux, ces derniers stagnent désormais, voire reculent pour certains départements.
Reste à charge en suspens
Mais même stables, ils ne sont toujours pas couverts intégralement par l’Etat, contrairement à ses promesses. Pas plus que la suppression intégrale de la taxe d’habitation, à l’origine de ce chamboule-tout fiscal. Si l’Etat payait ce qu’il devait, il lui faudrait trouver les 10 milliards qui permettraient de financer la suppression de la TH à tous les contribuables, auxquels s’ajoutent donc les 4,5 milliards de reste à charge acquittés par les départements au titre du financement des AIS.
Dans ces conditions, savoir à qui attribuer telle ou telle partie de fiscalité locale – qu’elle soit nationale, partagée, territorialisée ou à pouvoir de taux – ressemble à un jeu de bonneteau dont on connait bien le principe : sous trois verres en carton se cache une seule balle que quelqu’un promène pour faire perdre le verre plein des yeux.
Alors que dans le jeu auquel participent les associations d’élus aujourd’hui, il devrait y avoir en fait une balle sous chaque verre.
En conséquence, au lieu d’achever la dévitalisation de l’échelon départemental en faisant main basse sur son produit fiscal, le bloc local gagnerait à exiger un accord convenable, pérenne et soutenable sur le financement des AIS avant d’aller plus loin dans la répartition d’une ressource fiscale qui, en l’état actuel des choses, fera forcément défaut à une strate de collectivités.