Depuis sa création il y a déjà 80 ans, l’AITF a toujours organisé des rencontres, sous des appellations qui ont évolué : « Assises » ou « Rencontres de l’ingénierie publique ». Mais cette année, l’AITF et le CNFPT co-organisent les « Rencontres nationales de l’ingénierie territoriale (RNIT).
Qu’attendez-vous des RNIT les 1er et 2 juin prochains, au Havre ?
L’ambition commune, c’est d’en faire des « Entretiens territoriaux de Strasbourg (ETS) pour la filière technique ». Mais sans qu’il y ait une frontière marquée. Avec ce partenariat avec le CNFPT, et grâce à leur labellisation, les RNIT sont ouvertes gratuitement à tous les agents de la fonction publique territoriale. C’est une démarche d’ouverture, qui nous permet aussi d’envisager d’ors et déjà une affluence sensiblement plus importante.
En mai 2018, les RNIT devraient se tenir à Montpellier et, en 2019, à Lille.
Pourquoi une manifestation dédiée à la « résilience des territoires » ?
D’abord, il nous a apparu évident de tenir compte de la ville d’accueil des RNIT. Le Havre, compte tenu de son histoire est remarquable : entre sa destruction pendant la seconde guerre mondiale, sa reconstruction, la crise économique et aujourd’hui, son classement au patrimoine de l’Unesco, c’est, à l’évidence, une ville résiliente. Les malheurs subis par cette ville lui ont permis, l’ont obligée, à rebondir et à se reconstruire. Et de façon remarquable en termes d’équipements ou d’architecture. Le Havre est aussi redevenu un port d’importance mondiale.
Quelle est la définition de la résilience, selon le prisme de l’ingénieur territorial ?
C’est l’idée d’un traumatisme ayant entraîné une réaction, dans le sens d’une amélioration.
L’ingénieur l’aborde évidemment sous l’angle de la gestion des crises, suite à une catastrophe naturelle (submersions, inondations, séisme, intempérie) ou industrielle, de type AZF à Toulouse. L’ingénieur doit alors non seulement être en capacité d’aider à gérer ces crises, mais aussi à les anticiper et à en assurer la prévention. Se sont souvent les ingénieurs territoriaux qui sont en charge de la mise en place des plans de prévention.
La résilience, c’est aussi assurer la reconstruction des villes sur elles-mêmes et la reconversion des territoires.
Mais la résilience s’applique aussi à l’anticipation et à la gestion de crises qui peuvent être moins spectaculaires. Je pense à la reconstruction des territoires, avec la gestion des friches industrielles et la reconversion de certains secteurs. La résilience, c’est aussi assurer la reconstruction des villes sur elles-mêmes et la reconversion des territoires. Ces derniers évoluent sur des cycles, et leurs équipements aussi. La résilience est ainsi liée à la notion de réversibilité, en fonction des évolutions sociales et économiques. C’est en ce sens assurément du développement durable.
Comment sera traitée cette thématique lors des RNIT ?
Boris Cyrulnik (Médecin, éthologue et auteur) sera notre grand témoin. Il tracera des parallèles entre son expertise et nos métiers d’ingénieurs. Nous avons voulu cette confrontation. L’AITF prône l’idée que l’ingénieur ne doit pas rester hors-sol, détaché des usagers des territoires.
La plénière d’ouverture posera le concept de résilience à l’échelle des territoires. La plénière de clôture s’ouvrira à l’international, notamment sur les territoires en reconversion économique. Entre les deux, se tiendront des ateliers thématiques qui déclineront le thème de la résilience dans les différents métiers de l’ingénierie territoriale (nuisances sonores, RH, bâtiments durables « flexibles et adaptables »…).
Est-ce que les ingénieurs territoriaux doivent eux aussi, faire preuve de résilience ?
Oui. L’atelier « Evolution du service public : quel statut pour demain ? » en est un signe… Nous devons nous interroger sur l’exercice de nos métiers. La question est de savoir les filières techniques territoriales doivent être protégées par un statut ou si elles doivent être libérées de toutes contraintes.
Le risque est que demain les collectivités territoriales puissent recruter qui elles veulent, sans cadre. Ou passer systématiquement par le secteur privé. Il faut des règles pour éviter le clientélisme et que des élus, en fonction de leur humeur, prennent des collaborateurs sur des temps courts politiques. Alors qu’il faut au contraire maintenir une vision au long terme.
« Le risque est que demain les collectivités territoriales puissent recruter qui elles veulent, sans cadre. Ou passer systématiquement par le secteur privé. »
La question pour les ingénieurs territoriaux est donc à poser en ces termes : devons-nous aujourd’hui nous arc bouter sur le statut et sa pratique actuelle ? Ou devons-nous plutôt continuer à le moderniser ?
L’AITF croit évidemment à la nécessité de préserver le statut, fondé sur plusieurs filières, dont une Technique. Notre objectif est donc de le moderniser pour le rendre le plus efficace possible au service des élus et des usagers. Notre mission est d’anticiper auprès des élus pour prévenir l’évolution des territoires. Nous devons renforcer notre rôle d’assistant à la maitrise d’ouvrage. Ne serait-ce que pour assurer une homogénéité minimale d’action sur tout le territoire.
« Le « défi résilience » de l’ingénieur territorial est de maintenir une certaine cohésion et un niveau minimal d’ingénierie au sein de tous les territoires »
Notre « défi résilience » est le suivant : nous devons maintenir une certaine cohésion et un niveau minimal d’ingénierie au sein de tous les territoires, de métropole et d’outre-mer…
Cela passe par un dispositif qui renforce la sélection et la formation des ingénieurs territoriaux.