Le protocole Parcours professionnels, carrières et rémunération (PPCR) sera bien mis en œuvre pendant le quinquennat. Mais le gouvernement le reporte d’un an pour des raisons budgétaires. Cet accord, signé seulement par une partie des organisations syndicales en 2015, aurait coûté 800 millions d’euros en 2018, selon les estimations du ministère de l’Action et des Comptes publics, « 4 milliards en 2020, lors de l’année d’application en de pleine charge, et 11 milliards si l’on cumule les années de 2017 à 2020. Et il reste à budgétiser 82% des dépenses », a expliqué le ministre Gérald Darmanin, lors du point presse tenu à l’issue du rendez-vous salarial des agents publics le 16 octobre.
Dans son dernier rapport sur les finances locales présenté le 11 octobre, la Cour des comptes jugeait la mise en œuvre de ce protocole comme la mise en œuvre normative la plus coûteuse pour les collectivités.
La rencontre avec les syndicats, qui a duré plus de trois heures, a permis de trouver un accord sur une application au 1er janvier 2019, au lieu du 1er juillet 2019 date initialement envisagée par le gouvernement. Mais ce report mécontente les syndicats, notamment les signataires.
Outre la pénalisation des agents mise en avant par les organisations syndicales, ce report risque aussi de provoquer un autre dommage pour Claire Le Calonnec (Interco CFDT), « cela va faire mal aux syndicats ».
Pour la FA, « le report de PPCR pénalisera à la fois toutes celles et ceux qui avaient intégré l’application de cet accord dans leur déroulement de carrière pour 2018 (filière médico- sociale notamment) et l’ensemble des agent.e.s concerné.e.s. La remise en cause de cet accord pose clairement la question du respect de la parole de l’Etat et des Organisations syndicales qui s’engagent dans une démarche constructive de dialogue social ».
Le report de PPCR, un « ballon d’oxygène » pour les employeurs
« Villes de France est soulagée du report de PPCR qui allait peser cher sur la masse salariale dès 2018, les villes dénombrant 80% de catégories C, cibles principales de l’accord », explique Armand Pinoteau, conseiller de l’association d’élus. Même satisfecit du côté de l’Assemblée des départements de France. Son directeur général, Pierre Monzani, considère que cette mesure « rendra moins difficile l’élaboration des budgets pour 2018, c’est un petit ballon d’oxygène ».
Johan Theuret, président de l’Association des DRH des grandes collectivités territoriales, fait tout de même remarquer que le report de l’application de l’accord PPCR impactera leurs services RH : « les décrets d’application sont sortis tard, et ils avaient fait de leur mieux pour les anticiper et préparer leur application de façon rétroactive. Ils vont devoir reconsidérer dans l’urgence tous les paramétrages… En résumé, ils ont dû gérer depuis plusieurs mois un alourdissement administratif pour rien », déplore-t-il. Pascal Fortoul, président de l’Association des directeurs généraux des communautés de France, relève que « le report de PPCR permet certes aux collectivités de respirer un peu, mais aucune méthode n’a été délivrée pour gérer en interne ce report ». En tout état de cause, « il faudra réaliser une étude impact de cette mesure, notamment organisationnelle », selon Frédéric Eon, conseiller fonction publique à Régions de France.
Cotisations supprimées, prime compensatoire créée
La hausse de la CSG sera, elle, « intégralement compensée pour l’ensemble des agents publics », a assuré le ministre de l’Action et des Comptes publics. Seront ainsi pris en compte les contractuels, les temps partiels et autres situations particulières comme les congés longue maladie… Mais aussi les nouveaux entrants dans la fonction publique.
Les cotisations qui peuvent l’être (contribution exceptionnelle de solidarité pour une partie des agents, cotisation maladie pour les contractuels) sont supprimées ; une prime compensatoire est créée ; la garantie individuelle de pouvoir d’achat (GIPA) perdure en 2017 (celle-ci concernera 63000 agents publics cette année selon Bercy). Pour les employeurs, l’Etat prendra à sa charge le versement de la prime compensatoire en supprimant les cotisations employeurs.
Au sortir de ce premier rendez-vous salarial du quinquennat (le prochain est annoncé pour octobre 2018), les syndicats se disent « mécontents », « déçus », « insatisfaits ». « Ce n’est pas une augmentation du pouvoir d’achat des fonctionnaires qui est proposée là », souligne Luc Farré (secrétaire général Unsa Fonctions publique), « il y a inadéquation entre les propos du ministère et la réalité de ce que ces mesures vont engendrer ». Pour Christian Grolier (FO fonction publique) « même si la décorrélation du point d’indice n’a pas été évoquée lors de cette réunion, on est quand même très loin du compte ». « Ce qui est à l’ordre du jour au sortir cette réunion, c’est le prolongement de la journée » de mobilisation du 10 octobre, affirmait lundi soir Baptiste Talbot (CGT services publics). L’intersyndicale se réunit le 26 octobre pour discuter des suites à donner à ce premier rendez-vous salarial.
Réflexion sur la protection sociale et la rémunération au mérite en janvier 2018
Pour le ministre, le gouvernement remplit sa feuille de route fixée par le président de la République, puisque la CSG est compensée, alors que le « pouvoir d’achat des agents publics augmente plus vite que celui des salariés » : +2% attendus en 2018, compte tenu de la faible inflation qui font suite à une hausse de 4% en 2017, selon Gérald Darmanin… [Selon les derniers chiffres disponibles publiés par l’Insee en septembre dernier, le salaire net moyen dans la territoriale n’a augmenté que de 0,8 % en euros constants et de 1% hors bénéficiaires de contrats aidés entre 2014 et 2015. Selon une autre note de l’Insee publiée le 12 octobre, le salaire mensuel en équivalent temps plein (EQTP) d’une personne travaillant dans le secteur privé a augment de 1,1 % en euros constants entre 2014 et 2015, ndlr]. Le ministre a aussi assuré que le quinquennat durant cinq ans, la promesse de gain de pouvoir d’achat sera tenue.
Il compte ouvrir pour cela d’autres chantiers dès janvier 2018 sur la protection sociale complémentaire. Le fait d’aborder la question de la rémunération de manière « plus globale » constitue une piste intéressante, selon Philippe Laurent, secrétaire général de l’Association des maires et président du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale (CSFPT).
Le gouvernement travaillera aussi à la « transformation » de la rémunération des agents en l’orientant davantage sur le mérite, dès le début de l’année prochaine et sur les retraites, parallèlement à la réflexion sur les services publics qui s’ouvre avec Action publique 2022. Puis il entamera le chantier de la différenciation du point d’indice, du statut et de la plus grande autonomie des employeurs, notamment territoriaux, sur ces mêmes périmètres…