Décomplexés les administrateurs territoriaux. Après avoir publié, voici trois ans, un manifeste appelant au suffrage universel direct sans fléchage dans les intercommunalités et à une nouvelle législation en matière de cumul des mandats, ils se sont penchés sur un texte en cours d’examen devant le Parlement.
Le projet de loi portant Nouvelle organisation territoriale de la République a même été au cœur de leur congrès de Bordeaux, le 11 et le 12 juin 2015. Un pied de nez à tous ceux pour qui les hauts-fonctionnaires des collectivités n’ont pas à marcher sur les platebandes des élus. Aux yeux son président, Fabien Tastet, l’Association des administrateurs territoriaux de France (AATF), doit assumer son rôle d’aiguillon.
« Empilement baroque »
A cette fin, l’AATF a reçu la ministre de la Décentralisation et de la Fonction publique, Marylise Lebranchu ainsi que le secrétaire d’Etat au Budget, Christian Eckert. L’ancienne ministre du Logement et de l’Egalité des Territoires, Cécile Duflot était également présente, au même titre que le député (PS) et président du conseil départemental de la Dordogne, Germinal Peiro.
Un casting, proche, d’un congrès d’association d’élus… Un choix qu’assume parfaitement le leader des administrateurs territoriaux. « Il n’y a rien de pire que l’endogamie ! », a lancé Fabien Tastet, à la tribune d’un palais des congrès plein comme un œuf.
En matière de débats contradictoires, les administrateurs territoriaux ont été servis. Épousant des positions proches de l’Association des maires de France, le vice-président (UMP) de Bordeaux Métropole Christophe Duprat s’en est pris au chapitre « Intercommunalité » du projet de loi NOTRe. Un instrument, selon lui, de la dilution des communes.
Un point de vue aux antipodes des positions de Vincent Aubelle. Devant « l’empilement baroque des structures », le professeur à l’université de Paris / Marne-la-Vallée prône une révolution copernicienne. Son idée ? Des communes nouvelles d’au moins 5 000 habitants au sein d’intercommunalités regroupant, a minima, 40 000 habitants.
Vers une troisième lecture ?
Face aux tenants du statu quo et aux émules du big-bang, Marylise Lebranchu a eu beau jeu d’emprunter une voie médiane. Elle a promu l’arbitrage intervenu à l’Assemblée nationale en première lecture : un seuil intercommunal de 20 000 habitants, assorti de quatre adaptations liées notamment à la densité de population.
« Cela signifie que, dans la Creuse, la barre sera fixée à 9 000 habitants. Dans d’autres départements, ce sera 11 000 », a aussitôt traduit la député (PS) de Seine-Maritime, Estelle Grelier (PS).
Un arbitrage sur lequel la parlementaire n’entend pas transiger. Très remontée contre un Sénat accusé de bloquer toute réforme communale d’envergure, elle a semblé parier sur un échec de la commission mixte paritaire. Une réunion qui doit se dérouler après la deuxième lecture qui débute à l’ l’Assemblée le 29 juin.
« J’imagine qu’il y aura une troisième lecture… », a glissé Estelle Grelier. Manifestement, la député, proche de l’Assemblée des communautés de France, ne se situe pas sur la même ligne que Manuel Valls, soucieux depuis des mois d’obtenir un consensus avec le Sénat…
SEM, EPL et autres OPH : le véritable millefeuille
Offices publics de l’habitat (OPH), établissements publics de coopération culturelle (EPCC), entreprises publiques locales (EPL), sociétés d’économie mixte (SEM), etc… : autant de satellites des collectivités que les élèves de la dernière promotion « Vaclav Havel » de l’Institut national des études territoriales (INET) ont passés à la loupe.
L’enjeu n’est pas mince. A elles seules, les EPL représentent 12,3 milliards d’euros de chiffre d’affaires et emploient la bagatelle de 74 000 salariés !
Dans leur étude réalisée pour le compte de l’Observatoire social territorial de la MNT, les élèves de l’INET pointent les difficultés de pilotage de ces entités. « La diversité de statut des personnels génère des risques dans la gestion quotidienne des RH : multiples conventions collectives, temps de travail et avantages différents, relâchement du lien entre les agents publics et la collectivité d’origine, etc. »
D’où, en avant-propos, de cette étude, l’interrogation de Fabien Tastet : ces satellites ne constituent-ils pas le véritable millefeuille territorial ? « Il faudra sans doute que la loi apporte son concours en créant des outils nouveaux rendant le pilotage stratégique des satellites plus aisés », juge le président de l’AATF.