La fonction publique n’est pas du tout paritaire dans l’accès à la haute fonction publique – notamment. Les quelques chiffres disponibles le montrent bien. Dans la FPT par exemple, moins d’un directeur général des services (DGS) sur dix et à peine plus d’un directeur général adjoint (DGA) sur cinq est une femme, selon le rapport de janvier 2011 de la députée (UMP, Seine-Maritime) Françoise Guégot.
Le taux de DGS femmes tombe même à 6 % dans les grandes collectivités, dénonce un autre rapport de février 2011, réalisé par Muriel Sam-Giao pour l’Association des administrateurs territoriaux de France (AATF).
Le constat est sans appel. Les inégalités touchent de la même manière toutes les fonctions publiques. Dans l’hospitalière, « seulement 16 % des chefs d’établissement et 9 % des emplois fonctionnels sont des femmes », souligne Sophie Beaupère, directrice financière de l’Institut Gustave Roussy.
« Ne jamais être prise en défaut » – Contribuer à ce que, demain, les statistiques sur l’égalité dans la haute fonction publique reflètent une autre image que celle d’aujourd’hui est l’objectif de Bénédicte Boyer, auteur d’un livre sur « les femmes et la haute fonction publique » publié en mars 2013. Les 20 hautes fonctionnaires dont la journaliste a dressé le portrait ont eu du mal à se laisser convaincre pour figurer dans l’ouvrage : « Pourquoi moi ? Je ne travaille pas mieux qu’une autre », ont-elles indiqué. « Ce sont des bosseuses acharnées qui ont besoin d’en faire encore plus, dans le soucis de ne jamais être prises en défaut », relate encore la journaliste.
L’AATF a choisi de nommer un homme vice-président « promotion de l’égalité professionnelle femmes-hommes ». « Car c’est un sujet qui s’adresse à tous nos membres », explique l’intéressé, Jérémie Daussin-Charpantier, chef de projet, référent finances locales et décentralisation à l’Agence française de développement. Mais s’il s’agit d’un thème qui « intéresse » – en principe – toute la fonction publique, le chemin à parcourir reste long pour que ce soit véritablement le cas, souligne Bénédicte Boyer.
Lenteur – La loi du 12 mars 2012, dite loi Sauvadet impose qu’en 2018, 40 % au moins des nominations dans les emplois d’encadrement supérieur bénéficient à des femmes. Plutôt qu’un système de quota, Bénédicte Boyer estime que ce qui fera changer les choses un jour, c’est l’effet de masse. Mais la journaliste se dit plutôt pessimiste sur la vitesse de propagation d’un tel changement. « Le récent rapport PISA notamment (qui permet d’évaluer les écoliers à travers le monde, ndlr) pointe du doigt le manque de confiance en soi des filles. Celui de Bernard Pêcheur sur l’avenir de la fonction publique n’évoque à aucun moment la question de la parité… »
Pour tout un chacun – Des leviers d’action locaux peuvent être mis en place, et ils profitent à tout un chacun quel que soit le sexe, insiste Jean-Christophe Erard, DGS de la ville de Caen. Cette collectivité, où les femmes bénéficient seulement « de 20 % des promotions internes et de 26,8 % des avancements de grade, alors qu’elles représentent 48,5 % des effectifs », a ainsi pris le parti notamment d’accompagner la reprise de poste après un congé (quel qu’il soit).
Caen souhaite aussi lutter contre la précarité des professions féminisées. Les auxiliaires de vie du centre communal d’action sociale (CCAS), qui bénéficiaient de contrats qui étaient renouvelés chaque année, ont ainsi été « déprécarisées ».
Les réunions des élus avec leurs collaborateurs de l’administration sont en outre prioritairement fixées sur le temps de midi, ou des demi-journées spéciales, plutôt que le soir. « Nous ne parvenons pas à faire changer les mentalités chez tous les élus, mais nous observons un mouvement », précise Jean-Christophe Erard.
Poisons au quotidien – Enfin, les résistances sont aussi et surtout ancrées dans les consciences. « Il existe des verrous à l’intérieur de nous dont nous n’avons pas conscience », souligne Yvette Mathieu, Préfète chargée de mission auprès du Défenseur des droits et vice-présidente de l’association Femmes de l’Intérieur. « Il faut apprendre à les détricoter, et pour ça il faut en parler. Il s’agit de véritables poisons au quotidien. »
Se donner les moyens – L’ancienne DGS de Nancy souhaite délivrer des conseils à la jeune génération, pour que peut-être, un jour, les choses bougent. « Pour ne pas être reconnue simplement dans son activité, il faut se tourner vers les réseaux, et montrer que ses champs d’intérêts sont beaucoup plus larges. Aller aussi vers les chasseurs de tête, qui valident les nominations de postes à hautes responsabilités. »
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