Quelle est la portée des deux décrets du 12 août 2013 ?
Laurence Chenkier (SNDGCT) – Le décret n° 2013-738 du 12 août 2013 et le décret n° 2013-739 du 12 août 2013 étaient attendus depuis longtemps. Le SNDGCT a beaucoup œuvré pour leur publication et a notamment milité pour la mise en place d’un « tour extérieur », en tête de nos revendications statutaires, mesure portée aussi par d’autres associations. En effet, l’accès au grade d’administrateur par la promotion interne se faisait sans règle objective et partagée, et sans que cela soit basé sur le mérite : plus une collectivité recrutait d’administrateurs territoriaux venant de l’extérieur, plus elle pouvait nommer en interne. Cette règle, sensée limiter le nombre d’administrateurs issus de la promotion interne par rapport à ceux issus du concours, était inflationniste, en favorisant les collectivités les plus recruteuses. Par ailleurs, les agents de petites et moyennes collectivités (seuil de déclenchement du grade d’administrateur de 40 000 habitants), ne pouvaient en aucun cas espérer être nommés dans leur propre collectivité ! La réforme nous satisfait donc sur ce point.
Robert Limmois (AATF) – Les deux décrets comportent des avancées significatives qui répondent aux préoccupations que l’AATF souligne depuis plusieurs années, concernant l’échelonnement des grilles indiciaires de ce cadre d’emploi. Ce premier point est très important, car on accédait très rapidement au bout de l’échelle du cadre d’emploi. Les agents pouvaient donc « plafonner », sans aucune possibilité de promotion et de valorisation des responsabilités et de l’expérience acquise. La mise en place de nouveaux échelons et d’un nouveau grade répond à cette préoccupation.
La seconde réforme importante est celle de la régulation nationale de la promotion au sein du cadre d’emplois, portée par l’AATF avec, notamment, le SNDGCT. Elle était nécessaire, car les décisions étaient individuelles et menaient à une forme de discrimination suivant les strates de collectivités : certaines pouvaient promouvoir de façon libre et autonome, contrairement aux petites et moyennes collectivités. On était parvenu, de fait, à un statut à deux vitesses, avec des administrateurs qui, après dix mois de formation, passaient un concours très sélectif et, de l’autre côté, des promotions avec six mois de formation. Mettre en place un examen professionnel nous semble très positif, tout comme le fait que son organisation soit confiée au CNFPT.
Pourquoi la réforme a-t-elle mis tant de temps à voir le jour ?
Laurence Chenkier (SNDGCT) – C’est une réforme qui favorise les agents des petites et moyennes collectivités et qui, d’une certaine façon, limite le pouvoir de nomination des grandes collectivités. Ces dernières y ont vu en effet une atteinte à leur libre gestion managériale.
Par ailleurs, certains ont pu y voir une atteinte au principe du concours. C’était un argument fallacieux car, auparavant, le système était parfaitement partial et incontrôlé. Mais il s’agit en fait d’objectiver le système, et d’assurer la parité avec les fonctionnaires d’Etat qui bénéficie déjà d’un tour extérieur pour l’accès au grade d’administrateur civil.
Robert Limmois (AATF) – Autant les associations professionnelles sont favorables à cette réforme, autant les associations d’élus ont renâclé car elles perdent un pouvoir de promotion. On passe à un système de régulation nationale, avec un quota établi de 70 % du nombre de postes ouverts au concours.
Une autre explication réside dans la difficulté à assurer la parité entre les différentes fonctions publiques. Certains services de l’Etat n’étaient peut-être pas favorables à cet alignement avec les administrateurs civils. Les indices terminaux commencent ainsi à se rapprocher.
Obtenir une revalorisation indiciaire, c’est assez rare, par les temps qui courent…
Robert Limmois (AATF) – Effectivement, mais l’accès à ces nouveaux indices va être peu significatif. L’impact sera limité. Beaucoup de conditions sont posées pour accéder aux échelons spéciaux et aux indices terminaux. Le « Glissement vieillesse technicité (GVT) va concerner un nombre restreint de collègues.
Laurence Chenkier (SNDGCT) – Ces décrets ne sont qu’une simple transposition de ce qui existe pour les administrateurs civils de l’Etat. Ils mettent en place un grade à accès fonctionnel et un troisième grade d’administrateur général et revalorisent en conséquence le système d’indice des administrateurs. Cette mesure de transposition nous satisfait, mais, avec des conditions très restrictives, elle concerne en réalité très peu de personnes. Encore une fois, il ne s’agit que du rattrapage d’un retard important et de l’alignement sur le régime des administrateurs civils.
Que faut-il désormais parfaire ?
Robert Limmois (AATF) – Il faudra être attentif à la mise en place, à compter du 1er janvier 2014, du nouveau système de promotion interne et les conditions d’organisation et d’accès à la promotion interne. Il va falloir construire des grilles d’entretien et d’évaluation. Il faudra aussi être vigilant sur les conditions réelles de promotion et éviter de nouveaux « reçus collés ».
Laurence Chenkier (SNDGCT) – Les textes d’application devront se pencher sur la mise en place des jurys, la détermination des épreuves orales et les critères d’appréciation retenus. Il faudra éviter que cela se transforme en examen théorique bis, et reste bien axé sur les compétences et mérites des candidats. Autrement dit, cela doit être « professionnel », et non un nouveau concours.
La question du nombre se posera aussi : le texte prévoit que le quota annuel d’administrateurs territoriaux nommés au tour extérieur correspondra à 70 % des inscrits au concours. C’est, là encore, analogue à ce qui est prévu pour les administrateurs civils. Il faudra s’assurer que cela correspond aux besoins réels.
Références
Décret n° 2013-738 du 12 août 2013 modifiant le décret n° 87-1097 du 30 décembre 1987 portant statut particulier du cadre d'emplois des administrateurs territoriaux
Décret n° 2013-739 du 12 août 2013 modifiant le décret n° 87-1098 du 30 décembre 1987 portant échelonnement indiciaire applicable aux administrateurs territoriaux