A quatre mois des élections municipales, les sondages d’opinion placent la sécurité au premier rang des priorités des Français. Quelle est votre réaction ?
Laurent Nuñez : Ce n’est pas une surprise. L’expansion du narcotrafic suscite une vive inquiétude dans la population. Grâce à l’action des forces de l’ordre, nous obtenons des résultats avec le démantèlement de réseaux et la multiplication des saisies mais le trafic de stupéfiants se développe. Les violences aux personnes augmentent, c’est aussi une source de préoccupation, même si les atteintes aux biens – cambriolages, vols de véhicules…- baissent. Les attentes de nos concitoyens et des maires sont donc totalement légitimes.
Marie-Pierre Vedrenne : Ce qui est frappant, c’est que la délinquance touche désormais tous les territoires, y compris les zones rurales, où l’on perçoit bien souvent un sentiment d’abandon parmi les habitants comme les élus locaux. C’est tout l’enjeu de notre action de répondre à ce sentiment.
Le narcotrafic gangrène le territoire, les règlements de compte meurtriers se succèdent. Avec la loi du 13 juin 2025, les pouvoirs publics disposent de nouveaux leviers d’action pour s’attaquer à ce fléau. En mesurez-vous les premiers effets ?
LN : La loi narcotrafic commence à porter ses fruits, quand bien même toutes les mesures ne sont pas encore entrées en vigueur. En matière de coordination et à l’instar de la lutte anti-terroriste, un état-major a été mis en place pour assurer la coordination des services et un parquet national de lutte contre la criminalité organisée verra le jour au 1er janvier 2026. Sur le volet de l’investigation, les agents du renseignement comme les services judiciaires bénéficient désormais de nouveaux pouvoirs pour lutter contre les réseaux.
Enfin, les préfets se voient confier de nouvelles mesures de police administrative comme la mesure d’interdiction de paraître [qui consiste à interdire à « toute personne participant » à des activités de trafic de se rendre sur le point de deal où elles opèrent, NDR]. 1004 mesures ont été prises à ce jour.
Les maires doivent également savoir que le préfet peut dorénavant procéder à la fermeture d’un commerce suspecté de blanchiment lié au narcotrafic, 57 arrêtés ont d’ores et déjà été pris. De même, une injonction préfectorale avec pouvoir de substitution peut être adressée aux bailleurs sociaux pour lancer une procédure d’expulsion contre les personnes qui troublent la jouissance de l’immeuble ou du quartier. Plusieurs dizaines sont en cours d’instruction.
Au cours de leur congrès annuel, les maires ont demandé des moyens contre la délinquance du quotidien, à laquelle ils sont confrontés en permanence. Quelles réponses leur apportez-vous ?
LN : Nous y travaillons. A la demande de mon prédécesseur, nos services ont identifié au cours de l’année écoulée une série de thématiques relevant de la sécurité du quotidien : les rodéos urbains, la consommation de protoxyde d’azote, les rassemblements musicaux illégaux, les tirs de mortier, les refus d’obtempérer, les violences dans le sport ou encore certaines problématiques autour des citoyens itinérants dits « gens du voyage ». Plusieurs mesures ont été avancées dans le but de durcir les sanctions et renforcer les polices administratives. Nous présenterons un projet de loi dédié à la sécurité du quotidien avant l’été 2026.
MPV : Sur la consommation du protoxyde d’azote, il y a un gros travail de prévention à mener en direction de la jeunesse pour les avertir des risques encourus. Sans oublier les conséquences environnementales occasionnées par les déchets. Deux propositions de loi sont en cours d’examen parlementaire sur le sujet.
Vous avez annoncé que vous ne reprendrez pas les mesures de reconnaissance faciale portant sur la vidéosurveillance. Pouvez-vous préciser ?
LN : En effet, le projet de loi n’intégrera pas cette mesure de reconnaissance faciale qui avait été initialement proposée. Par expérience, je sais combien ces sujets technologiques peuvent susciter des craintes mais l’Etat ne doit pas être en décrochage sur ces questions essentielles, dans le respect inaliénable des libertés individuelles. Le texte que j’entends porter permettra de généraliser la vidéosurveillance algorithmique pour aider les opérateurs dans les centres de supervision urbains (CSU).
Un autre enjeu important pour les maires, ce sont les polices municipales. Un projet de loi visant à étendre leurs compétences a été adopté fin octobre en conseil des ministres. Ces nouvelles prérogatives vont-elles changer la donne sur le terrain ?
LN : Oui car l’objectif est bien de permettre aux policiers municipaux de constater davantage de délits, sans actes d’enquête. Cela passera par de nouvelles compétences judiciaires rendant possible la verbalisation directe, via les amendes forfaitaires délictuelles (AFD), des occupations de halls d’immeuble, la consommation de stupéfiants, la vente d’alcool aux mineurs ou encore la vente à la sauvette. Autant d’infractions touchant à la tranquillité publique, compétence des élus.
MPV : Cette réforme des polices municipales va répondre aux besoins des maires et va dans le sens du continuum de sécurité. Ces nouvelles compétences de police municipale permettront également aux forces de l’Etat de se consacrer à d’autres types de délinquance et de se recentrer sur leur cœur de métier.
Les maires n’ont pas cessé de rappeler leur exigence de garder la main et de respecter la libre administration des collectivités. Pouvez-vous les rassurer ?
LN : Le texte est très clair : ce sera aux élus de décider d’appliquer ou de ne pas appliquer les nouvelles compétences judiciaires proposées par la loi. De la même manière que pour l’armement des agents, c’est le choix des maires, c’est la libre administration !
Le gouvernement est-il décidé à réhabiliter la politique de prévention de la délinquance souvent ignorée ces dernières années ?
MPV : Absolument. Une nouvelle stratégie nationale de prévention de la délinquance sera adoptée avant la fin de l’année. Car nous sommes convaincus de l’importance d’agir en amont, avant même que certains jeunes ne basculent dans la délinquance. Je veux également souligner la dimension interministérielle de cette politique qui mobilise tous les acteurs au plan national comme au plan local, le maire tenant un rôle incontournable à raison des compétences propres dont il dispose en matière de prévention de la délinquance liées notamment à ses pouvoirs de police.
Concrètement, les grandes priorités vont rester les mêmes avec un accent mis sur l’autorité et les publics vulnérables. Je prévois également de faire une série déplacements en décembre pour promouvoir des actions locales qui fonctionnent bien et qui doivent être encouragées.
MI : En tant que ministre, je ne considère pas qu’il faille faire table rase. Il m’appartient en revanche de m’assurer que tout fonctionne, et de dynamiser ce qui nécessite de l’être.
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