[Cet article est le premier d’une série de quatre sur les tendances RH de la fonction publique territoriale à partir de l’enquête 2021 Randstad – La Gazette. Le second volet concernera les recrutements des collectivités, le troisième, le recours au télétravail et le dernier, la mise en place du Rifseep.]
Les collectivités accusent le coup. C’est ce qui transparaît à la lecture du 12 e baromètre sur les ressources humaines (RH) que publie « La Gazette », en partenariat avec le cabinet Randstad (1).
Sur le plan des ressources humaines, elles ne ressortent pas indemnes des dix-huit mois de crise sanitaire qu’elles viennent de traverser. Les priorités opérationnelles de court terme (à horizon un an) se trouvent ainsi bousculées. Pour 66 % des répondants, le premier des objectifs consiste, en effet, à assurer la continuité et la meilleure qualité possible de service au public dans les circonstances actuelles, et ce, particulièrement dans les communes de moins de 5 000 habitants, où le chiffre atteint 72 %.
Les réflexions de fond n’arrivent que dans un second temps, loin derrière. Ainsi, 39 % des collectivités visent une modification de l’organisation des services pour la mettre en adéquation avec les objectifs du mandat et 34 % souhaitent engager une réflexion prospective sur l’évolution de certains rythmes de travail.
Faire face à l’absentéisme
Pour maintenir la qualité du service, les sondés comptent majoritairement sur la mise en place de mobilités et/ou de réorganisations internes, et, dans une moindre mesure, sur l’accélération de la dématérialisation. Quant au recours au télétravail, c’est une piste assez peu exploitée, sauf dans les conseils régionaux et départementaux (33 % d’entre eux).
De façon plus surprenante, le recours à des contrats de travail temporaire ou à durée déterminée est cité en deuxième intention, atteignant même 48 % des réponses dans les communes de 5 000 à 50 000 habitants. Rien de très étonnant alors que les trois quarts des collectivités déclarent que l’absentéisme lié à la Covid (arrêts de maladie, isolement des cas contacts, autorisations spéciales d’absence pour garde d’enfants) a engendré des difficultés d’organisation plus marquées que par le passé, notamment dans les filières technique et sociale.
Pour y remédier, le redéploiement d’agents en interne (68 %), le recours à des contractuels (41 %) ou aux heures supplémentaires (34 %) ont été privilégiés. La conséquence de cette adaptation est implacable : le climat social est en nette dégradation, estimé à la hausse par seulement 8 % des personnes interrogées, 45 % d’entre elles assurant qu’il se maintient.
Des objectifs chahutés
Les objectifs assignés aux directions des ressources humaines sont aussi sérieusement chahutés et prennent du retard. C’est le cas pour l’alignement sur les 1 607 heures de travail annuelles, prévu pour le 1er janvier : 59 % seulement des collectivités sollicitées l’appliquent d’ores et déjà. Mais aussi pour l’adoption des lignes directrices de gestion (LDG). Tenues de les arrêter au 31 décembre 2020 (le gouvernement a, en effet exclu de retarder leur mise en place malgré les difficultés liées à la crise sanitaire), les collectivités sont 42 % à reconnaître ne pas avoir respecté les délais, le chiffre grimpant à 47 % pour les communes de moins de 5 000 habitants.
Un quart des répondants a fixé en totalité leurs LDG, 22 % ayant adopté pour partie seulement le dispositif. Signe que la réforme ne figurait pas dans leurs priorités, 42 % des sondés des communes de plus de 50 000 habitants et 27 % des départements et régions ne sont pas en mesure de répondre à la question. Le délai s’est avéré trop court pour 55 % des personnes interrogées (59 % dans les petites communes), quand 20 % ont été retardés par des interrogations sur l’organisation et le fonctionnement de la collectivité.
De fait, les collectivités qui se sont penchées sur le sujet reconnaissent l’avoir abordé de façon superficielle. L’étude indique que 23 % d’entre elles ont seulement défini des orientations générales, que 41 % ont associé à ces orientations générales des objectifs prioritaires et que 18 % sont allées jusqu’à l’adoption de plans d’actions sectoriels.
Dans le détail, la ligne « valorisation des parcours professionnels » comprend principalement la définition des règles et des critères d’avancement au sein de la collectivité (79 %), la transparence sur les modalités et les possibilités de nomination interne en cas de réussite à un concours (65 %) et des indicateurs permettant de qualifier la valeur professionnelle (55 %). En termes de « stratégie pluriannuelle de pilotage DRH de la collectivité », les principaux axes déployés reposent sur des politiques de prévention des risques et de qualité de la vie au travail, de protection et d’action sociale (53 %), la définition d’objectifs relatifs à la masse salariale (51 %) ainsi que la mise en œuvre d’une politique en faveur de l’égalité professionnelle (49 %).
Effectifs prévus à la hausse
Sur leurs prévisions d’évolution des effectifs, un tiers des collectivités reconnaissent qu’ils vont repartir à la hausse dans l’année à venir, une tendance qui n’a fait que croître depuis 2019. Cette augmentation entend répondre à deux enjeux principaux : renforcer leurs moyens et leurs compétences (63 %) et répondre à de nouveaux besoins (60 %), deux items en progression de 7 points. Parmi ces derniers (voir le graphique n° 2), la création ou le développement de nouveaux services et les enjeux de transition énergétique progressent nettement, tandis que les enjeux de sécurité publique marquent le pas.
Gestion ou fonction stratégique ?
Le prolongement de la crise sanitaire aurait-il fait passer au second plan les grandes réformes RH et reléguer les directions des ressources humaines à une pure mission de gestion du quotidien ? C’est ce qui semble ressortir de ce 12e baromètre (voir le graphique n° 3). Ainsi, 64 % des répondants indiquent que le positionnement accordé aux DRH se cantonne à l’administration du personnel, la paie, etc. (+15 points en un an), 34 % l’envisagent comme une fonction stratégique, alors qu’ils étaient 43 % à la sortie du premier confinement, à l’été 2020. Les DRH interrogés ne partagent cependant pas cette vision, estimant à 46 % assumer une fonction stratégique. Parmi les enjeux qui se posent à eux, la maîtrise de la masse salariale reste d’actualité, avec, comme principal levier, la révision des temps de travail, la maîtrise des recrutements et la mutualisation (- 9 points néanmoins en un an sur celle-ci).
Cet article est en relation avec les dossiers
- Coronavirus : les services publics face à la crise sanitaire
- Manager et travailler au temps du Covid-19
Thèmes abordés
Notes
Note 01 Étude réalisée en ligne pour « La Gazette » et Randstad, du 6 mai au 13 juin 2021, auprès de 572 répondants (élus, DRH, DGS et DGA, secrétaires généraux et de mairie) ; 79 % d’entre eux travaillent dans une commune qui, dans 54 % des cas, compte moins de 5 000 habitants. Retour au texte