Quelle a Ă©tĂ© lâapproche de la dĂ©lĂ©gation aux collectivitĂ©s sur la fonction publique territoriale ?
Les dĂ©putĂ©s de la dĂ©lĂ©gation essaient dâavoir une approche en qualitĂ© dâexperts, de spĂ©cialistes de la question territoriale, selon une dĂ©marche transpartisane. Notre idĂ©e est de faire Ă©voluer le projet de loi fonction publique sur trois aspects : ouvrir des perspectives aux agents publics en offrant plus de libertĂ©s, de mobilitĂ©s⊠en Ă©tant soucieux de maintenir, voire de renforcer les protections ; permettre aux employeurs publics dâavoir une gestion RH plus souple, plus pratique afin de permettre aux collectivitĂ©s territoriales dâĂȘtre plus efficaces ; avoir une fonction publique territoriale qui rĂ©ponde aux besoin des habitants.
Lâouverture aux contractuels devient totale dans les collectivitĂ©s de moins de 1000 habitants. Pour les EPCI, vous avez souhaitĂ© que la mĂȘme disposition soit plafonnĂ©e Ă 15000 habitants (adoptĂ© en commission des lois). Pourquoi ?
Le projet de texte tel quâil Ă©tait rĂ©digĂ© pouvait permettre Ă un EPCI de 50000 habitants composĂ© de 51 communes Ă la population moyenne infĂ©rieure Ă 1000 habitants de recruter des contractuels pour tous ses emplois. Un tel EPCI a beaucoup dâagents. Clairement, il sâagissait-lĂ dâune atteinte au statut. Lâouverture Ă©tait trop massive et on aurait pu avoir des EPCI avec uniquement des contractuels.
Mais lâouverture totale aux contractuels dans les communes de moins de 1000 habitants ne vous dĂ©range pas ?
Non parce quâelles ont vraiment des difficultĂ©s Ă recruter, pour des raisons dâattractivitĂ© et de rĂ©munĂ©ration. Etre contractuel, ce nâest pas forcĂ©ment subi.
Un contractuel ne coĂ»te pas moins cher. Nây a-t-il pas un risque de dĂ©crochage entre les collectivitĂ©s riches et celles qui nâauront pas les moyens ?
Les besoins ne sont pas les mĂȘmes entre les collectivitĂ©s. Dans une petite, ils sont assez mesurĂ©s. Ensuite il faut mutualiser, notamment avec lâinterco. Et puis, câest aussi un vecteur pour impliquer les compĂ©tences locales qui pourraient partir dans les mĂ©tropoles, dans les zones urbaines. Si elles peuvent travailler dans leur commune ou celle dâĂ cĂŽtĂ©, cela permet de les garder sur le territoire. Par rapport au coĂ»t, le contrat, Ă terme, peut rendre la collectivitĂ© Ă nouveau attractive, lui donner des capacitĂ©s dâinnovation par le recrutement de compĂ©tences locales. Câest rĂ©tablir une forme dâattractivitĂ© par des facilitĂ©s de recrutement.
Lâouverture aux contractuels ne comporte-t-elle pas certains risques ?
Je suis intervenu Ă lâarticle 7 (sur lâouverture aux contractuels, ndlr) pour souligner lâimportance de la formation sur les postes de direction pour que lâon puisse maintenir un minimum de culture territoriale. Cela a Ă©tĂ© entendu. A Ă©tĂ© aussi abordĂ©e la question de la radicalisation. Si on ouvre aux contractuels, il faut aussi faire attention Ă la montĂ©e de tout ce qui est communautarisme, du fait religieux et de la radicalisation dans nos collectivitĂ©s.
Ce projet de texte nâouvre-t-il pas une brĂšche dans le statut ?
Le statut nâa pas que des avantages.
Tout le monde nâa pas vocation Ă ĂȘtre sous statut dans les collectivitĂ©s territoriales.
Aujourdâhui, sans ĂȘtre disruptif, on peut considĂ©rer que tout le monde nâa pas vocation Ă ĂȘtre sous statut dans les collectivitĂ©s territoriales. Mais il y a des missions pour lesquelles il est important que les agents soient sous statut pour des questions de conflits dâintĂ©rĂȘts, de dĂ©ontologie, de diffusion et de promotion des valeurs du service public, de la laĂŻcitĂ©, de continuitĂ© du service, etc. Par exemple, dans la petite enfance, les Atsem doivent ĂȘtre sous statut car elles sont dans lâĂ©cole, dans la communautĂ© Ă©ducative, elles diffusent des valeurs.
Et sur les postes de direction gĂ©nĂ©rale ? Les DGS ont aussi des missions de diffusion de valeurs, de dĂ©finitions de la stratĂ©gieâŠ
Dans les grosses collectivitĂ©s, il y a une direction gĂ©nĂ©rale avec le DGS, des DGA. Quâil y ait des contractuels parmi eux, ce nâest pas gĂȘnant. Par contre, sur une petite commune oĂč il nây aurait quâun DGS contractuel, cela est plus gĂȘnant car oĂč serait la culture territoriale ?
Cela aurait Ă©tĂ© un mauvais signal envoyĂ© dâun point de vue catĂ©goriel que dâinstaurer une forme de quota.
Mais les grosses collectivitĂ©s pourraient trĂšs bien ne recruter que des contractuelsâŠ
Câest un risque. Mais cela aurait Ă©tĂ© un mauvais signal envoyĂ© dâun point de vue catĂ©goriel que dâinstaurer une forme de quota. Le dĂ©bat sur ce sujet a Ă©tĂ© un peu corporatiste. Or ce texte ne peut ĂȘtre ni catĂ©goriel, ni sectoriel. Il nây a pas de raisons quâon nâouvre pas les directions gĂ©nĂ©rales aux contractuels alors quâon le fait pour dâautres. Et ce dâautant plus si on accorde aux DGS un statut auquel je ne suis pas favorable.
Pourquoi ?
Je pense que lâon peut border peut-ĂȘtre un peu plus leurs missions si en contrepartie on peut se sĂ©parer plus facilement dâun DGS. Aujourdâhui, câest un emploi fonctionnel. Mais si on veut sâen sĂ©parer, il faut quand mĂȘme continuer Ă le payer. Il est nĂ©cessaire de trouver un process de sortie de la collectivitĂ© pour quâil ne soit plus Ă la charge de la collectivitĂ©.
Un autre amendement (adoptĂ© en sĂ©ance) que vous avez portĂ© abaisse le seuil de crĂ©ation obligatoire de la formation spĂ©cialisĂ©e remplaçant le CHSCT au sein du nouveau comitĂ© social territorial (CST) Ă 200 agents (au lieu de 300 initialement envisagĂ©) sur une demande des employeurs territoriauxâŠ
On peut en effet se poser la question de la fusion des comitĂ©s techniques et des CHSCT : on retrouvait les mĂȘmes personnes dans ces deux instances. On a un vrai gain dâefficacitĂ© en termes de dialogue social et de force car le CST aura une vraie voix.
On nâest pas non plus le lobby Ă lâAssemblĂ©e des employeurs territoriaux ou des syndicats de territoriaux. Nous essayons avoir une position Ă©quilibrĂ©e.
Les employeurs territoriaux nâĂ©taient pas demandeurs, les syndicats sont contre. Comment la dĂ©lĂ©gation aux collectivitĂ©s peut-elle valider cette mesure ?
Câest une question de cohĂ©rence globale. On nâest pas non plus le lobby, Ă lâAssemblĂ©e, des employeurs territoriaux ou des syndicats de territoriaux. Nous essayons d’avoir une position Ă©quilibrĂ©e. Nous nâavons pas eu de clivage en interne. Cette formation obligatoire spĂ©cialisĂ©e en matiĂšre de santĂ©, de sĂ©curitĂ© et de conditions de travail est rajoutĂ©e car il y a un rĂ©el besoin sur ces sujets, surtout dans la fonction publique territoriale oĂč on peut avoir des gens qui font trĂšs longtemps le mĂȘme mĂ©tier. Le seuil Ă©tait fixĂ© Ă 300 agents. A titre personnel, jâavais proposĂ© un seuil Ă 50. La dĂ©lĂ©gation a dit non car la dĂ©marche est transpartisane. Nous Ă©tions quand mĂȘme dans une logique dâabaissement de seuil.
En revanche, vous nâavez pas abordĂ© la question de lâarticulation entre le Conseil commun de la fonction publique et du Conseil supĂ©rieur de la fonction publique territoriale : le premier, Ă ce stade de lâexamen du texte, ayant la possibilitĂ© de dĂ©cider de travailler des questions intĂ©ressant uniquement la territoriale. Cela ne porte-t-il pas en germe la fin du CSFPT ?
Câest un sujet. Jâai posĂ© la question Ă Olivier Dussopt. Il a fait une rĂ©ponse⊠Mais on en reparlera au retour du SĂ©nat qui va sans doute sabrer la mesure. Il nâa jamais Ă©tĂ© question de supprimer le CSFPT.
La rĂ©forme du CSFPT ouvre le collĂšge aux intercommunalitĂ©s. Nâest-ce pas le prĂ©lude Ă une reconnaissance de cette strate comme vĂ©ritable collectivité ?
Câest clairement une reconnaissance des EPCI. Nous ne pouvions pas faire autrement car les intercos ont beaucoup dâagents. Mais je suis aussi attachĂ© aux communes nouvelles et je ne fais pas de lâinterco lâalpha et lâomĂ©ga de lâorganisation territoriale.
Sur la dĂ©ontologie, sur votre proposition, a Ă©tĂ© votĂ©e lâinclusion dans le bilan annuel des centres de gestion dâun point sur les missions de rĂ©fĂ©rent dĂ©ontologue. Idem pour le CNFPT sur les formations en dĂ©ontologie. Quel est lâobjectif ?
Rendre visible cette question de la déontologie et les actions du CNFPT et des centres de gestion en la matiÚre. La Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) et la Commission de déontologie vont fusionner, réunissant contrÎle et conseil. Au niveau local, il y a aussi besoin du contrÎle des recommandations faites par les référents déontologues. Mais les centres de gestion vont-ils vouloir rentrer dans cette logique de contrÎle ?
La prime de prĂ©caritĂ© pour les CDD a Ă©tĂ© instaurĂ©e et Ă©valuĂ©e Ă 400 millions dâeuros. âŠ
Il Ă©tait difficile de ne pas le faire en contrepartie de lâouverture aux contractuels. Avec cette prime, on aligne sur le mieux disant dans le privĂ©. Le coĂ»t de 400 millions a Ă©tĂ© Ă©valuĂ© pour les collectivitĂ©s. Mais qui dit transfert de compĂ©tences et transfert de budget, dit transfert de responsabilitĂ©s. Cette dĂ©pense nâest que la consĂ©quence dâune dĂ©cision collective de contractualiser un petit peu plus la fonction publique. Dans le contrat, il y a aussi les CDI pour lesquels il nây aura pas de prime de prĂ©caritĂ©. Les employeurs territoriaux ne sont pas obligĂ©s de gĂ©nĂ©rer de la prĂ©caritĂ©. A eux de voir jusquâĂ quel coĂ»t ils peuvent assumer le recours au contrat. Câest une forme de responsabilisation des collectivitĂ©s.
Que pensez-vous du recours aux ordonnances ?
Elles regroupent en effet beaucoup de gros sujets de la fonction publique territoriale : accĂšs Ă la fonction publique, organisation des concours, qualitĂ© de vie au travail, protection sociale complĂ©mentaire, la formation⊠Il y aura une concertation. Le plus dur pour le gouvernement sera peut-ĂȘtre lĂ .
Références
- Projet de loi de transformation de la fonction publique, Assemblée nationale
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