Ce jeudi 25 juin, les travailleurs sociaux des collectivités – assistants de service social, éducateurs spécialisés, éducateurs de jeune enfant ou encore conseillers en économie sociale et familiale… -, inquiets quant au projet de réforme de leur diplôme respectif, arriveront-ils à faire entendre leur voix ? Appelés, par certains syndicats, comme la fédération CGT des services publics, à rejoindre le mouvement de grève nationale du secteur sanitaire social et médico-social, ils manifesteront, pêle-mêle, pour le retrait du projet de loi santé ou l’abandon du plan d’économies pour les hôpitaux.
Les manifestants devraient être reçus dans la journée par le cabinet la secrétaire d’Etat en charge des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion, Ségolène Neuville, puis par celui de la ministre des Affaires sociale, Marisol Touraine.
Pas de front commun
La CFDT a décidé de ne pas intégrer le mouvement estimant qu’il « n’est pas consacré aux problématiques des professionnels et étudiants du secteur social qui seront noyés dans un global revendicatif sans que leurs demandes spécifiques soient identifiés ».
Au contraire, l’Association nationale des assistants de service social (Anas) a choisi de s’associer à la démarche voyant là une occasion de rappeler les revendications qu’elle porte depuis plusieurs mois, « Non au diplôme unique !, Oui, à la diversité et à la complémentarité de nos professions ! », rappelle sa présidente, Anne-Marie Cosson, « d’autant plus que le jour même, la commission professionnelle consultative (CPC) du travail social se réunit pour acter la réarchitecture des diplômes de niveau V ».
Déqualification en marche ?
Évoquée depuis plusieurs années, la perspective d’une réforme des diplômes du secteur est revenue sur le devant de l’actualité à la faveur du lancement, début 2013, des états généraux du travail social. Les informations émanant, courant 2014, de la CPC du travail social, qui travaille à cette refonte des diplômes d’État en travail social, ont laissé entrevoir la mise en place d’une formation commune.
Étienne, éducateur spécialisé de la région parisienne, explique craindre « une remise en cause des métiers avec le projet d’un diplôme unique ». Par ricochet, il redoute aussi « une remise en cause de la convention collective qui garantit un minimum de droits » car « si ces métiers n’existent plus, la convention non plus ».
Refondre les études en « un tronc commun » avec une spécialisation en toute fin, « on n’est pas d’accord », dit Nathalie, une éducatrice de jeunes enfants venue avec deux collègues de Bezons (Val d’Oise) « où toutes les crèches sont en grève ». « Moi je ne pourrais pas être éducateur spécialisé parce que ce n’est pas le même public », s’alarme sa collègue Isabelle. Les deux femmes pointent le risque de devenir « interchangeables », « des pions ».
Face à l’opposition, très forte, du terrain, la ministre des Affaires sociales a chargé la députée (PS) du Pas-de-Calais, Brigitte Bourguignon, de consulter les professionnels sur cette question. « Du simple folklore ! », estime Alain Dru, responsable syndical CGT. « Nous n’attendons rien de cette consultation. Pour défendre nos métiers, nous nous raccrochons aux récentes déclaration de Marylise Lebranchu, ministre de la Fonction publique, qui s’est engagée pour une valorisation du début de carrière, même si les effets ne sont pas attendus avant 2017. »
De son côté, Anne-Marie Cosson estime que la « déqualification » des métiers du social est déjà en marche, « réforme de la formation ou pas ». « Il n’y a qu’à observer les conditions extrêmement difficiles dans lesquelles se font actuellement les stages des étudiants suite à l’instruction ministérielle de mars 2015 qui permet de découper les stages longs en plusieurs d’une plus courte durée », insiste-t-elle. « En allant dans cette direction, on place l’étudiant en position d’observateur,on appauvrit sa compréhension de sa mission, et, en plus, on décourage les maîtres de stage », explique la présidente de l’Anas.
Message entendu
Pourtant, la députée Brigitte Bourguignon, l’assure : elle a « entendu » les attentes des travailleurs sociaux et compte bien « relayer leurs messages aux ministères concernés ». Dans le rapport qu’elle rendra au plus tard mi-juillet, elle entend demander « une redéfinion du travail social, afin de mettre en valeur l’étendue de leur intervention, encore trop méconnue, et qui sera utile aux professionnels comme aux usagers qui ne savent pas toujours à qui ils ont à faire ».
Sur la question, la plus épineuse, de la réarchitecture des diplômes, elle appelle les professionnels à « aller de l’avant », et devrait se prononcer pour l’instauration d’une formation commune au cours de la première année, pour ensuite laisser au futur travailleur social le choix de sa spécialisation. « Rien n’est encore décidé », assure-t-elle encore, « nous aurons l’occasion d’en reparler avec les intéressés dans les moins à venir et tout particulièrement lors des Etats généraux du travail social, qui se tiendront en octobre 2015 ».
Le cortège partira de Bir Hakeim et ira à Montparnasse, où ils se rassembleront avec les travailleurs du secteur sanitaire CGT-FO-SUD pour rejoindre ensuite, ensemble le ministère de la Santé, avenue Duquesne (VIIe). Leur slogan ? « Oui à la spécificité de nos métiers, non au technicien du social interchangeable. » Les travailleurs sociaux sont 1,7 million en France. La majeure partie d’entre eux sont employés, souvent à temps partiel, par des structures privées, qui travaillent majoritairement au service des collectivités territoriales.
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