Les associations d’élus et la Cour des comptes se déchirent sur l’interprétation du rôle de l’investissement – et de son corollaire, le besoin de financement – dans les comptes publics et plus généralement dans l’économie nationale. Et si les uns et les autres se battaient à coup de chiffres sinon faux, du moins « imparfaitement fiables »?
Manquements et anomalies – C’est en tout cas l’expression utilisée par la Cour des comptes dans un petit chapitre de son rapport annuel sur les finances publiques locales, largement délaissé par les commentateurs. « Les écritures censées rendre compte des différents transferts soit entre budget principal et annexes, soit entre des communes et leur groupement manquent de fiabilité », indique le rapport. La Cour relève des « manquements, des anomalies dans les rattachements à l’exercice ». Idem pour les dotations aux amortissements des immobilisations dans lesquels la Cour débusque une « méconnaissance des principes de constitution de provisions ». La liste des récriminations ne s’arrête pas là : imputations comptables erronées, connaissance du patrimoine lacunaire, voire inexistante, insuffisance dans les inventaires physiques, absence d’annexe unique et indissociable de l’information comptable, absence des engagements hors bilan, etc.
La faute à la RGPP – Pas une association d’élus n’a officiellement réagi à ces accusations dans les annexes du rapport : « C’est plutôt adressé aux services de l’Etat et ses directions régionales des finances publiques », glisse un des représentants d’une association : « Tout le monde sait qu’il y a une déperdition de la qualité comptable suite aux mesures de restrictions de personnel dûes à la RGPP (révision générale des politiques publiques) ».
Disparité des comptes des collectivités – Autre grief de la Cours des comptes à l’endroit des collectivités cette fois : le manque d’homogénéité de présentation de leurs budgets dont l’adoption se fait tantôt par nature de dépenses ou de recettes tantôt par fonctions. Si cette dernière « est privilégiée par les régions, elle est peu développée dans les départements et le bloc communal ». Cette disparité rend la centralisation des données peu fiables et « limite l’analyse des déterminants de la dépense totale », alors qu’une charte, signée le 21 mars 2014 entre les associations d’élus, les ministres concernés et la Cour des comptes, « formalise la méthodologie et précise les objectifs » de fiabilisation des comptes. « Des résultats concrets sont attendus », tonne la haute juridiction.
Ces admonestations ne sont pas inutiles. Ainsi aveugle, personne « n’a pu anticiper la croissance de l’investissement local entre 2003 et 2008, pas plus que son repli entre 2009 et 2011 » remarque la Cour. Dans ces conditions, quelle caution apporter aux projections alarmistes des élus et experts sur les conséquences des baisses de dotations sur l’investissement local ? Le CFL réclame d’ailleurs depuis cet été une étude d’impact que tous reconnaissent quasi-impossible à faire.
Un flou opportun ? – De cette fiabilité, dépendent « une meilleure connaissance des déterminants de l’investissement », mais aussi la fixation d’objectifs d’évolution des recettes, des dépenses, du solde et de la dette des collectivités, dans le cadre de lois de programmation des finances locales, voulue par le gouvernement, de façon non-contrainte, mais aussi par la Cour des comptes, de façon « plus prescriptive ».
Une proposition à laquelle les élus sont majoritairement opposés et qui pourraient trouver finalement un intérêt au flou actuel des comptes publics locaux. La transparence et l’open data sont bien, à ce titre, des combats d’aujourd’hui.
Références
Lire la synthèse du rapport de la Cours des comptes sur les finances publiques locales 2014
Thèmes abordés