L’école de guerre et l’Institut des hautes études de défense nationale – dont la ministre de la fonction publique a suivi le cycle – seront-ils les références des hauts fonctionnaires pour la fin du quinquennat ?
Les douze auditions de la mission d’évaluation et de contrôle sur la gestion des carrières et la formation continue dans la haute fonction publique, menées par les rapporteurs et députés Jean Launay (PS) pour la commission des finances et Michel Zumkeller (UDI) pour la commission des lois, se sont appuyéees, depuis le 17 février, sur ces deux institutions de formation de l’armée pour explorer les contours d’une nouvelle gestion « RH » des hauts fonctionnaires.
Sur ce point, la mission a également exhumé le rapport publié discrètement en septembre 2014 sur « l’encadrement supérieur et dirigeant de l’Etat« , ainsi que le rapport Pécheur, publié en 2013.
Discours programmatique
Dans son intervention en clôture de ces travaux, la nouvelle ministre a tracé les grandes lignes de son programme et de ses convictions : pas de réforme des grands corps de l’Etat car sa mission est limitée par l’échéance présidentielle, mais un programme guidé par l’accompagnement du changement et de la mobilité des hauts fonctionnaires, qu’elle encourage à aller vers le secteur privé et sur le terrain.
Son credo : « une fonction publique moderne, agile, performante, à l’image de la société et capable de répondre aux grands défis ».
Laïcité, jeunesse et innovation
Son action devrait tourner autour de trois axes :
- la laïcité,
- la jeunesse
- et l’innovation.
Sur le premier thème, outre les formations mises en place par le Centre national de la fonction publique territoriale, un Conseil de la laïcité de la fonction publique devrait être créé d’ici décembre, afin de prendre des décisions « car les fonctionnaires ne sont pas équipés, il y a de la souffrance sur le terrain et des cadres pas prêts à réagir », a-t-elle expliqué.
Le développement de la diversité dans la fonction publique devrait être un autre cheval de bataille, adressé à la jeunesse, alors qu’une mission d’évaluation sur les voies d’accès aux trois fonctions publiques, qui devait être remise au printemps 2016, a été confiée à l’économiste Yannick L’Horty.
« La diversification des profils passe par le développement du troisième concours », a déclaré la ministre en faisant référence à l’article 36 du projet de loi égalité et citoyenneté, bientôt en débat au Parlement, qui redonne à cette disposition une vocation sociale en l’élargissant notamment aux apprentis et aux catégories B.
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Accompagnement du changement
En matière de formation des hauts potentiels, l’école nationale d’administration (ENA), dont la ministre a rappelé l’aura à l’étranger, « doit mettre les hauts fonctionnaires en situation de préparer le monde de demain ».
Après avoir reçu Nathalie Loiseau, sa directrice générale, également auditionnée par la MEC, la ministre voit dans l’Ena, qu’elle soutient, un potentiel à faire évoluer notamment pour accompagner les changements en cours (numérique, missions et réorganisation par exemple des grandes régions), tout en reconnaissant que des réformes ont déjà été mises en place en 2014 et en 2015.
Une DRH unique pour l’Etat
D’autres propositions pour rénover les recrutements, la composition des jurys, les modalités de titularisation dans les écoles de service public et leur gouvernance devraient être formulées d’ici à la rentrée 2016 par Olivier Roussel, chargé d’une mission sur ce thème.
L’étude d’une direction des ressources humaines (DRH) unique pour l’Etat a en outre été confiée par Manuel Valls en décembre 2015 à Thierry Le Goff, directeur général de l’administration et de la fonction publique.
« Nous travaillons sur une DRH Etat première étape », a expliqué Annick Girardin, qui a précisé que son ministère réfléchissait à l’ouverture des recrutements, à la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences et au renforcement des formations initiales des fonctionnaires.
« Au-delà de cette DRH unique, c’est à une gestion unique qu’il faudrait arriver », a suggéré la ministre lors de l’audition.
« Lever des freins à la mobilité »
La mobilité des fonctionnaires, « une des composantes de l’innovation » devrait aussi mobiliser la ministre. Le discours a déjà été entendu, depuis la loi mobilité de 2009 : mobilité entre ministères et entre versants de la fonction publique. Il s’agit de lever des freins, financiers notamment (entre corps ou fonction publique) ou culturels, avec le secteur privé notamment.
« Il faut des parcours davantage enrichis par ces mobilités et par ces expériences extraordinaires qu’apporte la mobilité fonctionnelle », assure Annick Girardin qui, pourtant élue de Saint Pierre et Miquelon, ne croit pas à la mobilité géographique.
L’expérimentation de plateformes régionales confiées à des préfets ou à des secrétaires généraux aux affaires régionales devraient, selon elle, permettre des mobilités « voulues ». « Le parcours du haut fonctionnaire de demain et d’ailleurs des autres fonctionnaires, devra être facilité » a-t-elle affirmé.
Des primes pour renforcer l’engagement des fonctionnaires
Enfin, la ministre s’est prononcée pour la rémunération au mérite, pour renforcer l’engagement des fonctionnaires, « redonner du sens à cet engagement », et pour l’éviction des hauts-fonctionnaires qui ne seraient pas à leur place, allant jusqu’à regretter un « manque de courage managérial. Quand ça ne va pas, on ne sait pas dire à un haut fonctionnaire qu’il n’est pas à sa place et qu’il peut aller voir ailleurs. Plus on confiera la DRH Etat à la DGAFP, plus ce courage sera assumé ! », estime la ministre, visiblement décomplexée par rapport aux sujets qui fâchent.
Une synthèse de plans managériaux de formation continue et de carrières, là encore demandée par le Premier ministre fin 2015 aux différents ministères, devrait être présentée en juin en Conseil des ministres.
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