Enfin un motif de satisfaction pour le président de la République ! Les emplois d’avenir que François Hollande avait annoncés lors de la conférence sociale de juillet 2012 et qui ont été créés par la loi n° 2012-1189 du 26 octobre 2012, précisée par le décret n° 2012-1210 du 31 octobre 2012 et modifiée par le décret n°2014-188 du 20 février 2014, atteignent leur objectif de formation et d’insertion de jeunes non qualifiés. Si le démarrage a été lent, le dispositif permet à des moins de 25 ans peu ou pas diplômés de trouver un emploi et d’acquérir des qualifications.
Formation à la clé – A ce jour, 139 000 jeunes ont signé un contrat emploi avenir dont 57 000 en 2014 par l’intermédiaire des missions locales (97 %) et de Cap emploi (3 %). Ces contrats, conclus aux ¾ dans le secteur non marchand, font l’objet de renouvellement, signe de contentement des employeurs.
Parmi eux, 28 % sont des collectivités. A la différence de précédents contrats aidés, tels que le contrat unique d’insertion (CUI), les engagements de formation paraissent tenus : 90 % des jeunes présents depuis plus de quatre mois dans le dispositif ont bénéficié, le plus souvent d’adaptation à l’emploi et d’accompagnement des compétences.
Dans les collectivités, comme l’a souligné François Rebsamen, ministre du Travail, les jeunes ne seront pas tous titularisés à l’issue de leur contrat. Mais leur expérience et qualification devraient les conduire à une meilleure insertion professionnelle. « Derrière chaque emploi d’avenir, il y a un jeune sorti de la « galère », un projet de vie qui peut avancer, un nouveau départ, une famille qui reprend espoir », a assuré le ministre.
Insertion professionnelle et personnelle – Illustrant ce propos optimiste, des jeunes qui n’avaient auparavant connus que des petits boulots ont témoigné en vidéos de l’importance de l’aide apportée par ces contrats, non seulement en termes de sociabilité et d’insertion dans l’emploi, mais aussi pour obtenir un logement et pouvoir mener une vie de couple et de famille. « On prend le temps de m’expliquer et on m’accompagne dans ce que je fais », a décrit l’un d’eux. « Sur le plan personnel, cela m’a permis de construire pas mal de choses, de fonder une famille et cela m’a vraiment tiré vers le haut », a exprimé un autre jeune, sortant de sa réserve. Tous ont fait part de leur aspiration à se faire une place dans la territoriale. Pour les former et former leurs tuteurs, le CNFPT a signé en avril 2013 une convention d’objectifs et de moyens avec l’Etat, à laquelle se sont associées plusieurs régions.
Nouveaux métiers dans l’Oise – Sénateur et président du conseil général de l’Oise, Yves Rome, s’est dit rajeuni par ces témoignages, applaudis par la salle qui lui rappelaient les contrats emploi solidarité, les « CES » créés en 1990. « Avec les contrats d’avenir, on redonne aux jeunes une vision positive de leur avenir, et des perspectives à leur famille », a-t-il insisté.
Son département a créé très tôt, avec la mission locale et Pôle emploi, un « Forum emplois d’avenir » qui a attiré 1 500 jeunes. 215 emplois d’avenir ont ensuite été créés au conseil général qui travaille sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences et a développé un nouveau métier de « visiteur de convivialité » chargé d’aller voir les personnes âgées à leur domicile pour rompre leur isolement.
1 050 contrats d’avenir ont été conclus dans ce département qui explore de nouvelles pistes d’emplois en médiation énergétique et dans les métiers du sport et étudie un soutien aux petites collectivités. « Il est primordial que la collectivité départementale s’investisse, car nous avons un effet levier dans ce dispositif tout à fait pertinent (…). Dans la situation dans laquelle nous sommes, il est « républicainement » nécessaire de s’investir massivement », a encore souligné le sénateur.
Freins levés dans les grandes villes et communautés – Menées par l’Association des maires des grandes villes de France (AMGVF), quatre études attestent de l’engagement, tous bords confondus, des grandes villes et grandes intercommunalités, malgré une première période de prudence des élus. « Le commencement a été poussif. Il y avait des réserves de part et d’autres. Le contexte n’était pas favorable, avec la baisse des dotations et des questions sur les capacités de collectivités à intégrer des publics fragiles », a reconnu Emmanuel Heyraud, directeur « cohésion sociale et développement urbain » de l’AMGVF.
1 265 emplois d’avenir ont depuis été recrutés dans les grandes collectivités, avec un effort particulier dans les zones urbaines sensibles, la moitié de ces recrutements étant issus des secteurs prioritaires. Métiers en tension, départs à la retraite, réforme des rythmes scolaires…, les élus se saisissent de ce qui apparait comme une fenêtre d’opportunité.
Hors formation, ces emplois ne coûtent que 600 euros par mois aux grandes villes. Quand le jeune est en situation de handicap, grâce à l’aide du Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP), qui peut aller jusqu’à 10 000 euros sur trois ans, il n’en coûte que 250 euros pour les contrats d’au moins deux ans, 180 euros en deçà, mais les objectifs sont loin d’être atteints.
Du sur-mesure qui demande du temps – Le travail réalisé autour des emplois d’avenir par les différents partenaires et pour faire accéder ces jeunes à la formation est qualifié de « sur-mesure ». Signe que la formule correspond aux besoins, les équipes « statutaires » et tuteurs en redemandent. « Cela les fait changer de posture, c’est extrêmement valorisant, ça les change de leur quotidien, cela soude et oblige à réfléchir autrement », a remarqué Véronique Cantin, directrice de la mission locale des Sables d’Olonne (Vendée). « Les emplois d’avenir sont venus perturber nos habitudes. Certains agents parlaient des « cas sociaux » que nous accueillions. C’est beaucoup d’investissement », a nuancé Samia Ouertani, directrice « cohésion sociale et insertion » au conseil général de l’Oise.
Des élus ruraux décontenancés face à certains jeunes – A l’échelle des petites collectivités, Roland Labrandine, président du centre de gestion du Puy-de-Dôme et maire de Nohanent, a témoigné de la mutualisation de contrats d’avenir, en cours dans son département. Limitée à deux collectivités proches sur des emplois exigeant des profils assez semblables, la priorité est donnée aux communes de moins de 20 agents. Une trentaine de contrats ont été signés pour un objectif de 80.
« La difficulté en milieu rural, c’est le manque de candidats locaux du fait d’une population vieillissante et l’incompréhension d’élus ou d’agents amenés à recruter face à des jeunes parfois difficiles à intégrer. L’engagement de 36 mois fait également peur à certaines collectivités qui se demandent comment pérenniser le poste » a reconnu le président du centre de gestion. La difficulté paraît moindre dans des communes plus grandes.
Secrétaire général de l’association des petites villes de France (APVF) et maire de Wittenheim (Haut-Rhin), Antoine Homé a estimé que le coût annuel de 4 300 euros était « encore acceptable par les collectivités de petite taille ». « Ce dispositif permet de faire des recrutements, mais la première motivation, c’est l’insertion professionnelle et sociale des jeunes. Si nous n’avions pas ce dispositif, nous ne pourrions pas satisfaire les besoins du service public dans un contexte de finances locales très tendues », a confié le secrétaire général.
Effet d’aubaine ou effet « catalyseur » ? – Dans ce tour d’horizon positif, Jean-Charles Belly, DGS de la communauté de communes du chardon lorrain, pourtant persuadé qu’il s’agit pour les petites communes d’une « aide providentielle de l’Etat », a mis en garde contre les effets d’aubaine et déconvenues qui pourraient naître des emplois d’avenir, à l’image des emplois jeunes qui au bout de cinq ans ne pouvaient être pérennisés alors que de nouveaux besoins avaient été créés.
La communauté de communes qu’il dirige a choisi de mutualiser les contrats d’avenir sur des postes de secrétaires de mairie à temps très partiel pour des communes, parfois de 30 à 100 habitants, qui ont des difficultés à recruter mais qui ont besoin de préparer la relève. Mises à contribution, les secrétaires de mairie en poste assurent un tutorat pour lequel elles sont rémunérées au titre d’activités accessoires, et le temps de formation est intégré dans l’emploi du temps.
Les représentants d’organisations syndicales ont déploré que ces contrats se substituent à des créations ou remplacements de postes. Mais plus qu’un « effet d’aubaine » pour maintenir des services publics, Antoine Homé, s’appuyant sur une étude de l’APVF dans laquelle 54 % des maires tirent un bilan positif des emplois d’avenir et 85 % jugent la participation de l’Etat suffisante, préférait parler d’un « effet catalyseur ».