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PLF 2026
Le Sénat adopte le PLF 2026 amoindri pour les collectivités, la CMP prévue ce 19 décembre
Yann Chérel Mariné | A la Une finances | Actu experts finances | France | Publié le 15/12/2025

Le Sénat a adopté le projet de loi de finances pour 2026, en première lecture, ce lundi 15 décembre, après avoir remanié la copie gouvernementale. Sept sénateurs se retrouveront avec sept députés à compter de ce vendredi 19 décembre pour tenter d'arriver à un accord sur un texte qui devra recueillir une majorité de suffrages exprimés, notamment à l'Assemblée nationale, avant le mercredi 23 décembre. Pour les collectivités, les sénateurs ont diminué la portée de leur contribution, qui reste néanmoins importante. Le plus dur reste à faire.

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« Bonne chance pour trouver la voie d’une adoption possible avant le 31 décembre ». Le rapporteur général du budget au Sénat Jean-François Husson (LR, Meurthe-et-Moselle) s’en remet bien à la chance pour croire à l’adoption du PLF 2026 avant la fin de l’année. Le texte du Sénat a été adopté avec 187 voix pour et 109 contre, en première lecture, lors d’un vote solennel organisé ce lundi 15 décembre. L’issue de ce scrutin était prévisible, puisque la majorité de droite qui compose largement les bancs de la chambre haute a profondément remanié le texte gouvernemental à sa sauce. Et le sénateur LR a voulu signifier que le « compromis ne pourrait pas s’asseoir sur le travail du Sénat ».

Pourtant, c’est bien cette version sénatoriale qui constitue désormais la base de travail d’une Commission mixte paritaire (CMP) laquelle devrait se réunir à compter de vendredi 19 décembre et pour une durée indéterminée, le temps de trouver des accords entre les 14 parlementaires titulaires présents dans les négociations. Mais dans le cadre de conciliabules, les discussions se feront aussi en dehors, en tentant de décrocher de nouveau, pour le gouvernement, le vote favorable des socialistes sans perdre pour autant l’appui du « socle commun », à l’image du scrutin, favorable, sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale. [1]

Après le vote du Sénat, le ministre de l’Economie, Roland Lescure, a constaté que le Sénat avait dégradé les soldes, en amenant le texte à 5,3 % du PIB en déficit, alors que le gouvernement a fixé une barrière à 5 %. « A 5,3 %, ça ne passe pas. Personne ici [au Sénat] n’a la vertu de la discipline budgétaire, et nous avons un problème. Dans les jours qui viennent, il faudra travailler ensemble pour faire converger une copie avec une autre qui n’existe pas, mais qui doivent être intégrées, on sait que c’est inédit », a-t-il déclaré, ajoutant que le Gouvernement était « prêt à aider dans ce processus inédit ».

Ainsi, si cette version sénatoriale sera largement remaniée, les débats ont permis déjà de jauger les équilibres politiques, avec des amendements parfois largement adoptés à une très large majorité, au-delà de celle sénatoriale, envoyant ainsi un message de compromis au gouvernement. Ces amendements pourraient ainsi bel et bien figurer dans la version finale du texte, encore plus si, comme il l’a annoncé, Sébastien Lecornu n’a pas recours à l’article 49.3 de la Constitution pour forcer l’adoption d’un texte que le gouvernement aurait défini.

Une partie recettes remaniée

Les parlementaires étudieront ainsi d’abord une première partie sur les recettes largement modifiée par le Sénat, et qui devrait se cristalliser sur la question de la taxation des hauts-patrimoines et des entreprises.

S’agissant des collectivités, on peut rappeler que les sénateurs se sont prononcés en défaveur de plusieurs propositions du gouvernement comme la suppression de la disposition du gouvernement prévoyant de recréer une DGF pour les régions, comme la baisse des « variables d’ajustement », la réduction d’assiette du FCTVA ou encore l’indexation de l’évolution des fractions de TVA sur l’inflation. Les sénateurs ont par ailleurs procédé à un abondement supplémentaire de 300 millions d’euros du fonds de sauvegarde des départements, pour le porter à 600 millions d’euros. Par ailleurs, sur la mesure controversée de baisse de la compensation de la réduction des valeurs locatives des locaux industriels (PSR VLEI), alors que le gouvernement, dans la copie initiale, prévoyait une réduction de 25 %, les sénateurs ont adopté dans un amendement une baisse de 19,3 %.

Les sénateurs ont également retenu des amendements sur le calendrier de la révision des valeurs locatives, sur les dysfonctionnements liés à la taxe d’aménagement mais aussi un certain nombre d’amendements sur la fiscalité locale (TFPB, THRS, CFE, TSCA, etc.).

Les collectivités s’en sortent bien dans la partie dépenses

Après l’adoption favorable, le 4 décembre, à contrario de l’Assemblée nationale, de la partie recettes, les sénateurs se sont attaqués aux dépenses. Pour les collectivités, une grande partie des échanges ont eu lieu le mercredi 10 décembre lors de l’examen des crédits de la mission Relations avec les collectivités territoriales (RCT) et des articles rattachés aux collectivités locales, notamment celui reconduisant le Dilico en 2026.

Les sénateurs ont acté une baisse du montant de « Dilico » de 2 milliards d’euros prévus par le gouvernement en 2026 à 890 M€, en choisissant d’exonérer les communes. Mais cette exonération a créé quelques remous et la ministre de l’Aménagement du territoire et de la Décentralisation Françoise Gatel est même allée plus loin en avertissant les sénateurs : « Attentions aux risques juridiques d’exclusion d’une catégorie de collectivités ». Par ailleurs, l’amendement adopté évacue toute condition de restitution du Dilico comme le prévoyait la nouvelle version de l’article présenté par le gouvernement dans le projet initial. La suppression de l’article visant à instaurer un « Fonds d’investissements des territoires » a été actée par les sénateurs, qui ont voté pour instituer un fonds exceptionnel pour remédier aux dysfonctionnements de la réforme de la taxe d’aménagement d’un montant de 270 M€.

A noter que le Sénat s’est prononcé sur un certain nombre d’amendements ces derniers jours, lors de l’examen des amendements liés à des articles non rattachés aux collectivités, mais qui peuvent les concerner directement. On peut faire mention d’un amendement [2] du gouvernement pour la création d’un régime d’assurance contre les risques résultant des émeutes, ciblant notamment la Nouvelle-Calédonie.  Les sénateurs sont revenus [3] sur la volonté de baisser de 52 M€ la compensation au titre de la mission de service public d’aménagement du territoire assurée par La Poste, largement critiquée par les élus locaux.

Par ailleurs, le sénateur Hugues Saury a présenté un amendement [4] sur la répartition de l’Ifer éolien et de l’Ifer photovoltaïque, notamment dans le cas du renouvellement des installations, alors que les communes perçoivent une part minimale de 20 % de l’Ifer pour les éoliennes construites après janvier 2019 et la même part pour tout parc photovoltaïque implanté à compter de janvier 2023″. Mais cette quote-part « n’est pas garantie pour les installations construites avant ces dates, ni pour celles faisant l’objet d’un renouvellement », regrette-t-il dans l’exposé des motifs. L’amendement propose ainsi d’assurer aux communes d’implantation une part minimale de 20 % à l’occasion du renouvellement d’éoliennes installées avant les dates mentionnées.

Enfin, le gouvernement a présenté deux amendements concernant les agents publics et qui ont été adoptés par les sénateurs. Ainsi, un premier amendement [5]propose une harmonisation du régime de sanctions applicables aux gestionnaires publics quel que soit leur mode de rémunération, quand le deuxième [6]vise à pérenniser le dispositif de rupture conventionnelle dans la fonction publique.

Lors de son intervention après la vote, le rapporteur général du Budget Jean-François Husson a eu une parole à l’égard des collectivités, estimant que le Sénat avait traité les collectivités « dans leur ensemble […] avec considération et avec justice ». Avant d’ajouter : « Nous avons essayé de rendre la copie acceptable. Les associations d’élus ont accepté le chemin que nous avons proposé, et je demande au gouvernement de le prendre en compte, surtout avant les élections municipales où il n’est pas temps de jouer les communes ».

Désormais, on connaît la copie du Sénat, on connaît la copie que l’Assemblée a rejetée ; mais on ne connaît pas encore la copie qui sera issue de la CMP, à condition qu’elle soit conclusive. Une autre affaire, rendez-vous avant le 23 décembre, date limite pour examiner le PLF. Dans le cas contraire, la loi spéciale s’invitera bien sur la table des fêtes.

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[OPINION] PROBITÉ
« Période pré-électorale : cinq erreurs qui angoissent inutilement les collectivités »
Auteur associé | Actu juridique | France | Opinions | Publié le 15/12/2025

À l’approche des élections municipales de mars 2026, la « période pré-électorale » suscite dans de nombreuses collectivités locales une fébrilité parfois démesurée. Dans une tribune à "La Gazette des communes", Farah Zaoui, consultante en prévention de la corruption et fondatrice du cabinet de conseil et de formation Probitas, démonte cinq idées reçues qui paralysent trop souvent les collectivités locales.

[7]

Du 15 au 22 mars 2026 se tiendront les élections municipales, et dans leur sillage, la fameuse « période pré-électorale », ouverte depuis le 1e septembre 2025. Depuis, dans bien des mairies et intercommunalités, on entend les phrases suivantes :

Le résultat ?  Une anxiété croissante chez les agents comme les élus et un risque de paralysie qui n’est pas même exigée par le droit et qui poussé à son paroxysme, peut s’avérer contre-productif pour la continuité du service public.

Pour ne pas laisser la peur vous paralyser, voici 5 idées reçues à déconstruire.

Idée reçue 1 : « on entre en période de réserve »

Contrairement à une légende urbaine bien ancrée, la réserve n’est pas une nouveauté électorale. Les agents publics doivent l’observer tout au long de l’année, au même titre que le devoir de neutralité ou de réserve. Ce qui change en cette période, ce n’est pas l’obligation mais son niveau de vigilance. Il est nécessaire de renforcer les précautions préexistantes pour éviter toute confusion entre l’action publique et la campagne, la propagande et débat électoral.

Idée reçue 2 : «  on ne peut plus communiquer »

Cette assertion est fausse. La communication institutionnelle est une composante essentielle du devoir d’information des collectivités territoriales. Informer les usagers sur les services les travaux, les démarches ou la vie locale reste tout à fait possible à condition d’opter pour un ton factuel et informatif. Ce qui est interdit relève de la communication assimilable à de la propagande électorale et de valoriser personnellement les élus. Le risque ne se situe pas dans la communication mais dans sa transformation en outil de promotion politique.

Idée reçue 3 : « on ne peut plus organiser d’évènement »

La période de réserve ne rime pas nécessairement avec l’arrêt des cérémonies, inaugurations ou manifestations publiques. Ces dernières sont risquées uniquement si elles prennent l’allure de meetings politiques ou qu’elles constituent une rupture brutale avec les pratiques préalablement observées en dehors des temps électoraux. Pour garantir leur légalité, la sobriété et la finalité de service public sont la boussole à rechercher avant d’envoyer les invitations.

Idée reçue 4 : « Un agent ne peut s’engager politiquement »

La liberté d’opinion est un droit fondamental dont bénéficient les agents comme tout citoyen, y compris en période électorale. Toutefois, cet engagement doit rester strictement séparé de leur activité professionnelle pour respecter leur devoir de réserve et éviter toute confusion. De plus, l’utilisation des moyens du service, du temps de travail ou des supports institutionnels demeure interdite et est susceptible de constituer un détournement de fonds publics.

Idée reçue 5 : « Tout ce qui est décidé en période pré-électorale est forcément suspect »

Cette croyance est sans doute la plus répandue. Une décision prise après le 1er septembre serait, par principe, entachée d’instrumentalisation électorale. En réalité, l’inaction peut s’avérer fautive si elle porte atteinte à la continuité du service public. Le véritable en jeu de se situe pas dans l’arrêt des chantiers par prudence excessive, mais par mieux justifier ce qui devrait déjà l’être en dehors de toute période d’élection.

Il y a là une opportunité pour renforcer la collégialité, sécuriser juridiquement les procédures et les actes, documenter les arbitrages et objectiver les décisions publiques.

La période pré-électorale n’est donc pas une parenthèse anxiogène : c’est un test de légalité et de maturité éthique et juridique des collectivités.

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COMMANDE PUBLIQUE
« Acheteurs, si vous trouvez moins cher ailleurs, l’Ugap s’alignera ! »
Mathilde Elie | Actu Expert | Actu juridique | France | Publié le 15/12/2025

Le ministre délégué chargé de la Fonction publique et de la Réforme de l’Etat, David Amiel, a annoncé la mise en œuvre d’une « alerte prix » d’ici le printemps 2026. Un mécanisme qui doit permettre aux acheteurs d’effectuer un signalement en cas d’écarts de prix observés et un alignement en temps réel des centrales d’achat. Une annonce qui fait mouche mais qui, dans la pratique, laisse les acheteurs sceptiques.

geld zollstock [8]

« Si un acheteur public trouve moins cher ailleurs, à service égal et à qualité égale, l’Ugap s’alignera. » C’est la promesse formulée par David Amiel, ministre délégué chargé de la Fonction publique et de la Réforme de l’Etat, dimanche 14 décembre, sur Instagram. Grâce au dispositif « alerte prix » qui devrait être mis en place au premier trimestre 2026, les acheteurs pourront signaler en temps réel les écarts constatés sur le marché pour un ajustement rapide du catalogue. Cela devrait concerner les commandes supérieures à 80 euros, hors promotions exceptionnelles sur une période comparable, hors santé et véhicules, pour les produits strictement comparables.

Cette annonce, confirmée lundi 15 décembre à l’occasion des rencontres annuelles des achats de l’Etat, à Bercy, et qui a vocation à concerner toutes les centrales d’achat, intervient dans un contexte où l’Ugap fait l’objet de critiques récurrentes sur les prix pratiqués pour certains produits.

« Nous avons travaillé avec le ministère sur ce dispositif d’alerte afin montrer notre volonté en termes de transparence et éteindre la polémique qui anime le débat public, reconnaît Jérôme Thomas, directeur général adjoint de la centrale d’achat. Nous sommes sûrs de nos prix mais quand vous avez plus de 500 000 références en catalogue, il est impossible de l’être à 100%, à l’instant T. C’est donc un levier supplémentaire pour assurer la performance de nos prix. » Cela devrait concerner les fournitures administratives, micro-informatiques, courantes et le mobilier. Des typologies de produits sur lesquelles peuvent être constatés des prix ponctuellement un peu plus élevés.

Suspension de la commercialisation

Concrètement, un nouveau bouton devrait donc apparaître prochainement sur le site de l’Ugap afin de permettre aux clients d’effectuer leur signalement en temps réel. « Ils devront préciser la référence et la date où l’écart de prix a été observé, détaille Jérôme Thomas. A partir de là, nos équipes contacteront le client concerné pour poursuivre la qualification du différentiel et s’assurer qu’il s’agit de prestations équivalentes en termes de livraison, de garantie… Si l’écart de prix est confirmé, on fera en sorte qu’il soit corrigé. » Pour cela, l’Ugap affirme qu’elle ouvrira une discussion avec le fournisseur pour essayer d’obtenir une baisse du prix. Si c’est impossible, alors elle s’engage à suspendre la commercialisation de la référence. Le tout dans un délai d’une semaine.

Une intention « louable » selon les acheteurs, mais qui pose de nombreuses questions. « Je m’interroge fortement sur les modalités de mise en œuvre, déclare Laëtitia Philippon, cheffe de service commande publique et achats de la communauté d’agglomération Grand Paris sud Seine Essonne Sénart. Il faut savoir ce que l’on compare : les prix des centrales d’achat comprennent des prestations associées, du conseil, un service après-vente… j’ai du mal à percevoir comment on va faire, d’autant que nous n’avons pas de référentiel de prix par ailleurs. »

Impacts sur les acheteurs et les entreprises

Malgré une proposition « dans l’air du temps », Pierre-Ange Zalcberg, avocat au sein du cabinet Nemrod Avocat, s’interroge pour sa part sur les effets d’une telle mesure pour l’ensemble des acteurs : « Pour les acheteurs, est ce que cela ne va pas systématiser les actions de traçabilité pour être sûr que vous avez saisi votre chance d’obtenir un moindre prix ? »

Septique, Arnaud Latrèche, vice-président de l’Association des acheteurs publics, l’est tout autant. « C’est illusoire de penser que demain une collectivité dira à une centrale d’achat : « voilà le prix de vente de votre concurrent, merci de vous aligner. Je n’y crois pas un seul instant ! Le fait que les prix en marchés publics soient plus élevés s’explique économiquement par les conditions contractuelles qui ne sont pas les mêmes. » Il voit aussi des effets néfastes potentiels pour les petites entreprises. « Lorsqu’elles constitueront leurs marchés, les centrales d’achat pourraient être tentées d’augmenter le poids de leurs critères prix au détriment de la qualité offerte par les PME qui ne sont parfois pas aussi compétitives que les grands groupes en termes financier. Cela aurait pour conséquence d’exclure ces petites entreprises des centrales. »

De son côté, l’Ugap pense pouvoir fournir un premier bilan d’exécution d’ici le début de l’été.

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PRÉVENTION
Santé mentale : un kit pour outiller les quartiers prioritaires
Christelle Destombes | A la Une santé social | Actu expert santé social | France | Publié le 15/12/2025

En deux ans, plus de 2 000 habitants, professionnels et bénévoles, ont participé à des sessions de sensibilisation à la santé mentale dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville. Fort de ce succès, un kit “santé mentale dans mon quartier” est maintenant distribué, pour disséminer ces animations locales. Un outillage bienvenu pour les collectivités, alors que le gouvernement vient de décider de prolonger la « grande cause nationale » dédiée à la santé mentale en 2026.

cité rennaise HLM [9]Pendant la crise sanitaire, l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) avait sollicité le Centre national de ressources et d’appui aux conseils locaux de santé mentale pour recueillir des données sur la santé mentale au sein des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), anticipant un risque d’aggravation des inégalités. « La santé mentale était un sujet un peu compliqué à travailler au sein des QPV et les acteurs ne se sentaient pas suffisamment outillés », témoigne Sonia Charapoff, coordinatrice nationale des conseils locaux de santé mentale (CLSM) lors d’un webinaire le 27 novembre.

Un groupe de travail a alors élaboré un dispositif simple : une séance de sensibilisation de trois heures réunissant tous les acteurs du territoire – élus, psychiatres, habitants, animateurs jeunesse, associations – pour aborder la définition de la santé mentale, les ressources disponibles, et présenter le CLSM local, le cas échéant. Ces sessions, organisées dans les centres sociaux et médiathèques, ont permis de décloisonner les approches.

Des dynamiques territoriales concrètes

Ainsi, dans l’Eure, à Seine-Normandie Agglomération, Anne-Lise Denoncin, coordinatrice du CLSM, a saisi l’opportunité face « aux situations complexes, parfois lourdes » rencontrées par les acteurs de terrain. Trois ateliers ont débouché sur la formation de 19 professionnels aux premiers secours en santé mentale et sur la création d’un guide des ressources territoriales, remis à jour depuis. « Deux ans et demi après, nous avons mené les acteurs vers une stratégie plus globale. La santé mentale, ce n’est pas l’asile psychiatrique ! On note une plus grande capacité à orienter vers les ressources », précise-t-elle. Effet collatéral positif : les bailleurs sociaux, difficiles à mobiliser, ont rejoint la dynamique.

À Avignon, Emmanuelle Faure, coordinatrice du CLSM, a collaboré avec la coordinatrice de l’atelier santé ville pour déployer le programme dans trois QPV différents. Elles ont élaboré une feuille de route commune baptisée “les territoires du prendre soin”, un titre qui s’est imposé naturellement. « Les habitants des quartiers, avec leur entraide et leur solidarité, sont porteurs de solutions », souligne-t-elle. Une adulte-relais est aujourd’hui présente sur le terrain et facilite le lien avec les habitantes, les femmes étant en première ligne des questions de santé mentale.

Un kit pour généraliser l’approche

Le kit que vient de publier le Centre national de ressources compile les outils créés durant l’expérimentation. Il contient un modèle d’affiche, le déroulé pédagogique de chaque séance, des fiches pour l’animation, un cahier des charges précis, un bilan détaillé de l’expérimentation… L’objectif : inspirer et faire vivre des dynamiques collectives similaires sur d’autres territoires.

Contre toute attente, en effet, la mobilisation autour de la santé mentale a été forte dans ces QPV, avec une approche de “santé communautaire” appréciée. Les CLSM ont été mieux identifiés par les acteurs, ce qui a permis de construire une culture commune, des réseaux, et de développer des partenariats entre acteurs qui ne se connaissaient pas forcément, notamment entre les CLSM et les intervenants de la politique de la ville.

REFERENCES


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AGENTS PUBLICS
Autorisations spéciales d’absence : le Conseil d’Etat donne 6 mois à l’Etat pour publier le décret tant attendu
Léna Jabre | Actu juridique | France | Jurisprudence | Jurisprudence RH | Toute l'actu RH | Publié le 15/12/2025

Le Conseil d'Etat a enjoint au Premier ministre, dans une décision du 10 décembre 2025, d'enfin prendre le décret d'application de la loi du 6 août 2029 qui doit harmoniser le régime des autorisations spéciales d’absence des agents publics. Une très bonne nouvelle pour les collectivités territoriales.

doigt pointé [10]

Cela fait six ans que les gestionnaires RH des collectivités territoriales attendent la parution du décret d’application de la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique [11]. Si le gouvernement respecte l’injonction prononcée par le Conseil d’Etat dans une décision du 10 décembre [12], ils ne devraient plus attendre que six mois.

En effet, le Conseil d’Etat a jugé que le refus du gouvernement de prendre ce décret « méconnaît l’obligation de prendre dans un délai raisonnable les mesures réglementaires d’application » de la loi.

Liste de cas

Actuellement, l’article L. 622-1 du code général de la fonction publique [13] dispose que « les agents publics bénéficient d’autorisations spéciales d’absence liées à la parentalité, notamment les autorisations d’absence prévues à l’article L. 1225-16 du code du travail [14], et à l’occasion de certains évènements familiaux ».

Un décret en Conseil d’Etat devait déterminer la liste de ces autorisations spéciales d’absence et leurs conditions d’octroi et précise celles qui sont accordées de droit. Mais ce décret n’a jamais été publié. Le requérant, devant le Conseil d’Etat, demande au juge du Palais-Royal d’enjoindre au Premier ministre de prendre ce décret d’application pour enfin déterminer la liste des ASA et leurs conditions d’octroi, en y incluant la possibilité, pour le conjoint, le partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou la personne vivant maritalement avec une femme enceinte, de bénéficier d’une ASA afin d’assister à trois examens médicaux obligatoires pendant la grossesse.

Il se trouve que ce dernier point a été résolu par l’article 2 de la loi du 30 juin 2025 [15] qui a précisé que les agents publics peuvent bénéficier des autorisations d’absence prévues à l’article L. 1225-16 du code du travail [14], parmi lesquelles figure justement l’accompagnement de la femme enceinte à ses rendez-vous médicaux de grossesse.

Mais les autres questions ne sont pas résolues, comme l’a souligné le Conseil d’Etat : « L’intervention d’un décret en Conseil d’Etat, qui était d’ailleurs expressément prévue par l’article 45 de la loi du 6 août 2019 [11], est nécessaire à l’application des dispositions de l’article L. 622-1 du code général de la fonction publique [13]« .

Une situation d’insécurité

L’absence de ce décret a eu des conséquences bien réelles pour les collectivités territoriales, même si le juge a eu l’occasion de formuler des solutions. Par exemple, le tribunal administratif de Grenoble avait jugé, en février 2025 [16], qu’en l’absence de décret d’application de l’article L. 622-1 du code général de la fonction publique [13], « le chef de service était seul compétent pour instituer et définir le régime des autorisations spéciales d’absence liées à la parentalité ou aux évènements familiaux », à condition de respecter les catégories fixées par la loi.

Ces derniers mois, faute de décret, dont la publication était prévue en 2020, les collectivités n’ont pas attendu pour permettre à leurs agents de prendre des ASA discrétionnaires liées aux événements familiaux et à l’octroi de congés menstruels, mais les décisions de justice se sont succédées en annulant ou en suspendant ces initiatives locales : cela a été le cas pour la ville et la métropole de Grenoble [17]Plaisance-du-Touch et la Communauté de communes du Grand Ouest Toulousain [18].

La parution de ce décret mettra donc fin à des pratiques locales incertaines, comme l’explique Thomas Bigot [19], DRH adjoint à Roubaix : « Une situation d’insécurité, tant pour les employeurs que pour l’équité entre les agents et les collectivités. Les RH ont continué à bricoler. Jongler entre des vieilles circulaires d’après-guerre et des délibérations locales à la sécurité juridique vacillante, pour tenter de gérer les événements de vie de nos agents, de renforcer la QVT, ou d’en faire un levier d’égalité professionnelle F/H ».

Ce futur décret permettra enfin de sécuriser les droits des agents et les décisions des employeurs publics.

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LOGEMENT
Lutte contre l’habitat indigne : Digneo, un outil qui fait ses preuves
Delphine Gerbeau | France | Publié le 15/12/2025

Depuis 2023, la Foncière logement travaille avec les collectivités territoriales sur la lutte contre l'habitat indigne, via son programme Digneo, grâce auquel 2500 logements ont déjà été traités. Un nouvel appel à manifestation d'intérêt est lancé auprès des collectivités le18 décembre pour rentrer dans le dispositif.

Digneo est intervenu dans le centre ancien de Marignane (Bouches-du-Rhône).

Digneo est intervenu dans le centre ancien de Marignane (Bouches-du-Rhône).

Lancé en 2020 par l’association Foncière Logement, membre d’Action Logement, après le drame de la rue D’Aubagne à Marseille, le programme Digneo [20]vise à accompagner les collectivités territoriales dans la lutte contre l’habitat indigne. L’objectif est de traiter 4000 logements d’ici 2025, et 2500 l’ont déjà été. Un budget de 400 millions d’euros y est dédié. Le 18 décembre, la Foncière logement lance un nouvel appel à manifestation d’intérêt pour les collectivités.

La Foncière Logement travaille en coopération avec les collectivités territoriales, qui ont acquis des logements frappés d’arrêtés d’insalubrité, ou des ilots d’habitat dégradé. Après rénovation, les logements sont rachetés par la Foncière Logement, qui va en assurer la gestion locative, avec des loyers en dessous des prix du marché – plutôt au niveau du logement intermédiaire – puis les revendre au bout d’un certain nombre d’années. Parmi la soixantaine de collectivités ayant bénéficié du programme Digneo, ont peut citer notamment Marignane, qui a réhabilité une partie de son centre ancien dans ce cadre.

« Le traitement de l’habitat indigne est un sujet compliqué, du fait de la maitrise foncière, du modèle économique complexe, explique Yanick Le Meur, Directeur général de la Foncière logement. Nous intervenons quand il existe un projet politique local porté par une équipe municipale avec une volonté forte. Nous travaillons toujours en transparence avec la collectivité : en fonction du niveau de loyer des futurs logements, on peut cibler la stratégie de peuplement que veut la collectivité. »

Adaptation

La Foncière logement s’adapte aux outils de chaque collectivité – que ce soit une SEM d’aménagement, une société publique locale d’aménagement, une foncière commerce pour travailler sur les rez-de-chaussée. Son modèle s’appuie sur la revente des logements rénovés en cours d’exploitation, au bout d’une quinzaine d’années, en priorité aux locataires.

La ville de Mulhouse vient de conventionner avec Digneo via sa SEM, pour la construction de 20 maisons neuves, et 8 logements à rénover, à partir d’une copropriété qui s’est progressivement dégradée, et que la SEM a acquise. La foncière commerciale de la ville va agir pour la création d’une vingtaine de rez-de-chaussées commerciaux, tandis que Digneo va intervenir sur la partie habitat, avec des logements à loyer intermédiaire. La SEM a restructuré les logements en réduisant leur taille, et elle les revend à Digneo, qui les revendra d’ici 15 ans. « L’opération ne sera équilibrée qu’au bout de 25 ans, mais c’est notre mission d’intérêt général de porter ce déficit ». Pour Mulhouse, l’opération représente un volume total de 28 logements (livrés en 2026 et 2027), pour un investissement global de plus de 7 millions d’euros.

A Valenciennes, une convention a été signée avec la ville pour la restructuration du magasin Félix Potin, qui avait été transformé en logements devenus indignes. La Ville est en train de faire les acquisitions, puis la gestion des appartements rénovés sera confiée à Digneo.

A Poitiers, une convention a été signée avec Digneo pour intervenir sur plusieurs îlots dégradés du centre historique. « Grâce au permis de louer que nous avons instauré, nous suivions plusieurs immeubles situés en secteur sauvegardé. Nous avons réussi à les préempter. Cela va permettre d’apporter une offre de logements de qualité, on recrée des cours et des jardins sur cinq îlots, c’est un travail de couture. S’il n’y avait pas ce programme, cela aurait été une intervention très couteuse sans savoir quelle activation exacte nous pourrions faire de ces immeubles, résume Jérôme Baloge, le maire de Niort. C’est un investissement dans la reconquête du bâti, et une garantie de logements de qualité ». La SEM s’occupe de la transformation du bâti, en une quarantaine de logements, pour un budget de 17 millions d’euros.

 

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DOSSIER : Etat des routes : pourquoi il faut agir
Dossier publié à l'adresse https://www.lagazettedescommunes.com/1015552/fusion-de-lidrrim-et-de-piarc-france-pour-suivre-une-route-internationale/

VOIRIE
Fusion de l’Idrrim et de Piarc France pour suivre une route internationale
Frédéric Ville | actus experts technique | France | Publié le 15/12/2025

L’Idrrim et l’association mondiale Piarc France viennent de fusionner, avec la volonté d’inspirer d’autres pays. Sans oublier de mutualiser leurs moyens.

une-routeC’est consommé depuis le mercredi 11 décembre. L’Institut des routes, des rues et des infrastructures pour la mobilité [22] (Idrrim), communauté des acteurs techniques des infrastructures linéaires (routes essentiellement), d’une part (1) [23]) ; et Piarc France – Association mondiale de la route rassemblant les éléments d’une doctrine Routes en France, d’autre part (2) [24], viennent de fusionner. Claude Riboulet, ancien président de l’Idrrim prend les rênes de la nouvelle entité.

Partage de connaissances et bonnes pratiques

L’objectif premier était, pour Piarc France, de « renforcer cette capacité à exporter à l’international l’expertise route française, et à chercher ailleurs les bonnes pratiques et les idées nouvelles », selon Xavier Neuschwander, ancien président de Piarc France et nouveau vice-président de l’Idrrim – Piarc France. Pour l’Idrrim, « c’était promouvoir le savoir-faire français à l’international, ce que nous n’avions jamais fait, et booster l’innovation », selon Jérôme Weyd, ancien directeur de l’Idrrim et nouveau directeur de Idrrim – Piarc France. Il faut dire que Piarc France adhère à Piarc Monde (dont le siège est aussi à Paris) comme 130 autres pays dont une soixantaine ont un comité national. Unies, les deux entités seront plus fortes pour affronter des défis majeurs : changement climatique, adaptation des infrastructures [25] aux territoires et à ce changement climatique, numérique et route…

Evidemment, l’Idrrim et Piarc France fusionnent aussi leurs moyens. La vingtaine de comités techniques mondiaux, déjà en partie communs avec l’Idrrim, et rassemblant une centaine d’experts français de la route (collectivités, entreprises, universitaires, laboratoires…), va continuer à se regrouper et à produire une doctrine élaborée à partir de tous les points de vue. La douzaine de comités opérationnels et miroirs nationaux continueront à suivre et alimenter les travaux des comités mondiaux. En outre, Piarc France, qui n’avait pas de salariés, va s’adosser au fonctionnement de l’Idrrim, qui lui fera bénéficier de son équipe de quatre permanents et une alternante. Sans oublier le recours à des personnels de Routes de France qui pourront être mis à disposition pour des tâches techniques et administratives [26]. Enfin, les congrès organisés tous les quatre ans par Piarc Monde, parfois en France (3) [27], et les Journées techniques déjà communes continueront.

Par ailleurs, Idrrim – Piarc France s’apprête à créer un conseil international chargé d’assurer les missions internationales de l’association et les missions du Comité national français de Piarc (savoir-faire, innovations, échanges…). Les premières nominations de ses membres ont eu lieu la semaine dernière, d’autres viendront ensuite. Alors, si le rapprochement n’a pas toujours été souhaité, si les membres de Piarc France ont pu défendre une affection forte pour leur association, aujourd’hui, la fusion fait l’unanimité, tant dans les votes que dans les esprits.

POUR ALLER PLUS LOIN


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POLITIQUES DE L'HABITAT
L’encadrement des loyers, ça marche. Et après 2026 ?
Rouja Lazarova | France | Innovations et Territoires | Publié le 15/12/2025 | Mis à jour le 14/12/2025

Bordeaux, Lyon, Lille (photo)... La plupart des collectivités qui, depuis 2019, appliquent l'encadrement des loyers réclament la pérennisation de ce dispositif expérimental au-delà de septembre 2026, date prévue de son extinction. Et ce, dans une version expurgée des freins à son efficacité, tels ces "compléments de loyers" abusifs pratiqués par des bailleurs peu scrupuleux.

À Lille, à la suite de l’encadrement du prix des loyers, 23 % d’annonces restaient encore non conformes en 2023, contre 30 % en 2020. [28]

À Lille, à la suite de l’encadrement du prix des loyers, 23 % des annonces restaient non conformes en 2023, contre 30 % en 2020.

23 % d’annonces non conformes à Lille en 2023, contre 30 % en 2020 : le constat est clair, le dispositif fonctionne. Dans les zones tendues, où les habitants ont de plus en plus de mal à se loger, les collectivités territoriales qui expérimentent l’encadrement des loyers sont unanimes à demander sa pérennisation. Une proposition de loi en ce sens vient d’être adoptée en commission, à l’Assemblée nationale.

Des résultats probants

Les élus locaux des villes qui expérimentent l’encadrement des loyers sont unanimes : la mesure est efficace pour limiter la hausse des loyers. Elle constitue en effet un ­élément précieux de la politique de l’habitat. « Cet outil est devenu indispensable, les effets constatés sont positifs », insiste ­Anissa ­Baderi, adjointe au maire de Lille (236 710 hab., Nord), chargée de l’habitat. ­Thomas ­Peeters, ­responsable du service « observatoire et régulation », précise : « Nous sommes partis de 30 % d’annonces non conformes en 2020, pour arriver à 23 % en 2023. »

À Bordeaux, à Plaine commune, à Lyon ou à ­Montpellier, les résultats sont probants : l’encadrement des loyers permet de limiter leur hausse exponentielle. « Aujourd’hui, nous sommes tournés vers la pérennisation du dispositif, qui est censé s’éteindre en novembre 2026. Nous sommes très engagés, en tant que cofondateurs de l’Alliance des villes pour l’encadrement des loyers, aux côtés de Paris et de la Fondation pour le logement des ­défavorisés », témoigne Renaud Payre, vice-président de la métropole de Lyon (58 communes, 1,43 million d’hab.), chargé de l’habitat.

Procédure trop lourde

Instaurée par l’article 140 de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite « Élan », prolongée par la loi « 3DS » du 21 février 2022, l’expérimentation de l’encadrement des loyers mis en place dès 2019 à Paris, puis à Lille, à Lyon, s’étend à 69 communes aujourd’hui.

La mesure s’applique sur demande des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), des établissements publics territoriaux (EPT) et des métropoles, et concerne les zones tendues, définies par quatre critères de l’article 140 de la loi « Élan ». Un décret délimite le territoire concerné.

La procédure étant longue et complexe, certains élus et parlementaires souhaiteraient la voir simplifiée. C’est ­Grenoble-Alpes métropole (49 communes, 449 510 hab., Isère) qui a le plus souffert de cette intrication.

« La métropole a fait une première demande en 2019 et a été retoquée, car elle voulait appliquer le dispositif à l’ensemble de son territoire. Sur nos 49 communes, treize sont entièrement impactées, huit le sont partiellement. Nous avons travaillé avec l’État et l’agence d’urbanisme Iris Conseil, rue par rue. Nous n’avons eu l’accord pour l’application que début 2025 », relate Jérôme Rubes, vice-président chargé de l’habitat, du logement et de l’hébergement.

Maillon faible : l’arrêté

Une fois l’expérimentation démarrée, un arrêté préfectoral définit, chaque année, le loyer de référence, basé sur les loyers médians constatés par les observatoires locaux des loyers. Même s’il est indispensable au process, cet arrêté constitue une faille car il est fréquemment attaqué par les représentants des ­propriétaires bailleurs, telles la ­Fédération nationale de l’immobilier et l’Union nationale de la propriété immobilière.

« Au début, nous avons eu deux contentieux attaquant l’arrêté du préfet sur des vices de forme. C’était une guerre juridique », se souvient Claudine Vassas-Mejri, vice-présidente de Montpellier Méditerranée métropole, qui expérimente l’encadrement depuis juillet 2022 sur le territoire de la ville (lire l’encadré ci-dessous [29]). À la métropole lyonnaise, Renaud Payre déplore un dialogue très complexe et politisé avec les organisations représentatives des propriétaires : « C’est toujours un bras de fer qui fait obstacle à l’­action publique. »

Bruno Le Roy, directeur de l'habitat - Montpellier Méditerranée Métropole [30]« La procédure, un vrai parcours du combattant »

Bruno Le Roy, directeur de l’habitat et des parcours résidentiels à Montpellier Méditerranée métropole (31 communes, 516 660 hab., Hérault)

« L’encadrement des loyers résulte d’une volonté politique très forte du maire et président de la métropole de Montpellier. L’outil était indispensable dans un contexte de prix très élevés des logements, de précarité des habitants, d’une démographie très dynamique. La procédure a été longue, un vrai parcours du combattant. Il y avait une forme de défiance, de peur que la mesure ne bloque le marché locatif. Trois ans après le 1er juillet 2022, date de l’entrée en vigueur de l’encadrement des loyers, nous pouvons affirmer qu’il n’a pas annulé la rentabilité locative. Nous avons beaucoup communiqué auprès des agences immobilières, des bailleurs, nous avons informé les locataires. Nous avons créé un simulateur à destination des locataires et des bailleurs. Malgré deux contentieux au départ, le dispositif a trouvé sa place. C’est une ­question d’intérêt général. »

 

Bras de fer avec les bailleurs

Il est parfois difficile de comprendre la résistance des propriétaires, d’autant que le loyer de référence, établi annuellement, n’est pas hors sol. Il repose sur le loyer médian, qui peut être dépassé de 20 %.

« Sur nos ­territoires, le dispositif est considéré comme permettant de donner une référence aux propriétaires », commente Adrien Delacroix, conseiller ­territorial délégué à l’habitat de Plaine commune (8 communes, 450 000 hab., Seine-Saint-Denis), qui applique l’encadrement des loyers sur l’ensemble de ses communes depuis juin 2021, en raison « des tendances ­spéculatives du marché immobilier, notamment sur les petites surfaces ».

Camille Moreau, responsable du centre Permis de louer à Bordeaux métropole (28 communes, 843 740 hab., Gironde), abonde dans le même sens : « Ce qui est intéressant, c’est que le dispositif donne une norme, un référentiel, et objective la valeur du loyer. On peut l’observer notamment dans la construction de logements. Les promoteurs disent qu’ils le prennent désormais en compte dans le montage financier des nouvelles opérations. »

Compléments de loyer abusifs

Elle déplore néanmoins un élément que l’ensemble des collectivités dénoncent : le complément de loyer. Celui-ci correspond à des « caractéristiques exceptionnelles » du logement, et nombre de propriétaires y recourent de façon abusive. « Ce qui est difficile sur les annonces, c’est de voir si le dépassement tient au complément du loyer, qui n’est pas très bien défini dans la loi, ni sur ce qui le caractérise, ni sur son montant. Il permet une forme de contournement de l’encadrement des loyers », estime Camille Moreau.

De son côté, Renaud Payre pointe « un complément de loyer trop mal défini, [qui] nécessiterait une appellation plus stricte. De plus, le délai du recours le concernant n’est que de trois mois, alors que celui pour contester le loyer de base est de trois ans. Nous demandons une harmonisation par le haut ».

Faciliter les contrôles et sanctions

D’autres éléments viennent perturber le bon fonctionnement de l’encadrement des loyers. En premier lieu, l’accès des locataires à leur nouveau droit. ­Plusieurs voies de recours existent, les solutions amiables étant privilégiées. Les locataires qui font un signalement sont d’abord orientés vers les commissions départementales de conciliation. Si la conciliation échoue, ils peuvent déposer un recours au tribunal administratif.

« Les démarches sont longues et coûteuses. Beaucoup de personnes renoncent. D’autres ont peur des représailles, de ne pas voir leur bail reconduit. L’enjeu est de les accompagner, de ne pas laisser reposer la procédure sur leurs épaules », considère ­Éléonore ­Schmitt, chargée de mobilisation à la Fondation pour le logement des défavorisés, qui publie tous les ans un baromètre de l’encadrement des loyers. Les collectivités soulèvent une autre incohérence.

« C’est nous qui appliquons l’encadrement des loyers, mais c’est l’État qui a la compétence de la sanction des propriétaires réfractaires. Nous demandons le transfert de cette compétence, mais ne pourrions pas l’exercer sans moyens supplémentaires. Seule la ville de Paris l’a reprise car elle a justement les moyens. »

Une solution consisterait à verser aux collectivités les amendes ­perçues pour l’instant par le préfet. Mais leur montant est trop faible : 5 000 euros pour une personne physique et 15 000 pour une personne morale. Les villes engagées dans l’encadrement des loyers demandent le doublement de ces montants. De plus, le nombre d’amendes prononcées sur les territoires n’est pour l’instant pas significatif.

Enfin, la principale revendication des élus locaux demeure la pérennisation du dispositif au-delà de novembre 2026 et son inscription dans la loi.

Une proposition de loi pour améliorer et pérenniser l’encadrement des loyers

Les députés Iñaki Echaniz (Pyrénées-Atlantiques) et Annaïg Le Meur (Finistère) ont présenté, en septembre, les conclusions de leur évaluation de l’encadrement des loyers [32]. Ils ont proposé des changements pour renforcer son efficacité.

Leurs recommandations rejoignent les préoccupations des collectivités : sortir du régime de l’expérimentation, alléger et assouplir la procédure permettant d’appliquer le dispositif. Et ce, en utilisant un seul critère, la taxe sur les logements vacants.

Les deux députés ont présenté une proposition de loi reprenant le contenu de leur rapport et pérennisant l’encadrement des loyers, qui a été adoptée en commission des affaires ­économiques de l’Assemblée le 3 décembre.

POUR ALLER PLUS LOIN

  • « Permettons aux maires de baisser les loyers ! » (Opinion)


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[FICHE FINANCES] FINANCES
Note de conjoncture de la Banque Postale : des finances locales a priori moins impactées que prévu pour 2025 (2)
Auteur associé | A la Une finances | Actu experts finances | Fiches Finances | France | Publié le 15/12/2025

Dans sa dernière note de conjoncture, la Banque postale vient faire un état précis de la santé financière des collectivités locales. Si l'année 2025 se veut plutôt rassurante pour leurs finances locales, l'année 2026 laisserait planer un certain nombre d'incertitudes alors que les collectivités doivent essayer de concilier maîtrise budgétaire et maintien des services publics essentiels.

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Cette année, la publication s’enrichit d’une première analyse des annexes vertes des budgets locaux dans laquelle elle fait ressortir une disparité des pratiques entre les collectivités locales.

Les régions et les collectivités territoriales uniques

L’année 2025 serait marquée à la fois, par une baisse importante de leurs dépenses d’investissement de – 8,5 % (13,2 Md€) et de leurs recettes d’investissement de – 7,2 % (5,6 Md€).

Du côté des dépenses de fonctionnement, celles-ci progresseraient de + 1,1 % pour atteindre 25,5 Md€.

Les charges à caractère général seraient en baisse de – 1 % (6,3 Md€), les dépenses de personnel augmenteraient de + 2,7 % (5 Md€) et les dépenses d’intervention de + 0,7 % (12,8 Md€).

Les intérêts de la dette continueraient à augmenter de + 5 % (0,9 Md€) mais de façon beaucoup plus modérée par rapport à 2024.

Les recettes de fonctionnement seraient quant à elles, en baisse de – 0,6 % pour atteindre 31,3 Md€.

La diminution la plus significative concernerait les dotations et compensations fiscales (1,8 Md€) avec une évolution de – 9 %, suivies des participations (1,9 Md€) (État et fonds européens) avec – 7,5 % et des recettes fiscales (25,6 Md€) avec – 0,5 %.

Les autres recettes (1,9 Md€) augmenteraient de + 16,7 %. Les régions sont les collectivités qui verraient leur épargne brute le plus en baisse de – 7,5 % (5,8 Md€), leurs recettes diminuant et leurs dépenses augmentant légèrement par rapport à 2024.

L’épargne nette (diminuée des remboursements d’emprunts) s’élèverait à 3 Md€ soit une baisse de – 17,1 %.

Du côté des dépenses d’investissement, la Banque postale relève que les aides versées par les régions baissent pour la quasi-totalité des politiques publiques (hormis l’action sociale et la santé) et restent axées essentiellement sur les transports. Elle vient également préciser que les dépenses d’équipement vont être consacrées majoritairement aux lycées bien que les transports y prennent une part croissante.

Le recours à des emprunts nouveaux destinés pour partie à financer ces dépenses serait ainsi en baisse de – 2 % par rapport à 2024. L’encours de dette serait quant à lui, en hausse de + 5,3 % avec un fonds de roulement à hauteur de + 0,1 Md€.

Les départements

Pour la Banque postale, les dépenses de fonctionnement des départements (68 Md€) resteraient en hausse sur 2025, en lien avec une baisse de l’inflation mais avec une évolution en décélération de + 2,2 % par rapport à 2024.

Si les dépenses de personnel sont en hausse de + 1,8 % et les dépenses d’intervention de + 3,6 %, les charges à caractère général sont en baisse de – 2 % ainsi que les autres dépenses (- 0,3 %).

Les intérêts de la dette évoluent, eux, de + 3,5 % pour atteindre 0,8 Md€ en 2025.

Après deux années de baisse, l’épargne brute des départements serait en hausse de + 14,4 % pour atteindre un montant de 6,2 Md€ (les recettes de fonctionnement étant plus dynamiques que leurs dépenses) ce qui leur permettrait de conserver une épargne suffisante pour financer leurs investissements.

Les recettes de fonctionnement (74,2 Md€) seraient en hausse de + 3,1 % avec des recettes fiscales (53,1 Md€) en augmentation de + 4,3 %, essentiellement sous l’impulsion d’une reprise des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) et des participations (7 Md€) en hausse de + 2,1 %. Les dotations et compensations fiscales (10,2 Md€) ainsi que les autres recettes (3,9 Md€) seraient quant à elles en baissent respectivement de – 0,4 % et – 0,6 %.

L’épargne nette atteindrait, elle, 3 Md€ soit une évolution de + 28,5 %.

Concernant les dépenses d’investissement (hors dette), celles-ci seraient en baisse de – 6,9 % pour atteindre 11,2 Md€.

À l’instar des régions, les dépenses d’équipement diminuent sur l’ensemble des politiques publiques avec des subventions largement consacrées à l’aménagement des territoires.

Les dépenses d’investissement seraient financées à hauteur de 6,6 Md€ par de l’autofinancement (- 3,3 %), 3,2 Md€ par des recettes d’investissement (+ 1,4 %, dont dotations d’investissement et FCTVA) et de 4,8 Md€ par des emprunts nouveaux (- 10 %).

L’encours de dette serait de 34,2 Md€ avec une augmentation de + 4,6 %.

Un moindre prélèvement sur la trésorerie serait possible en 2025.

Les communes

Les dépenses de fonctionnement seraient en hausse de + 2,5 % (88 Md€) mais de façon plus relative qu’en 2024 (+ 4,2 %) notamment en raison de la baisse de l’inflation.

Si les dépenses de personnel, les charges à caractère général et les dépenses d’intervention progresseraient respectivement de + 3,6, + 1,5 et + 1,9 %, les autres dépenses diminueraient de – 5 %.
Quant aux intérêts de la dette, ils seraient en baisse de – 2,8 %.

Les recettes de fonctionnement augmenteraient de + 2,1 % (102,1 Md€) mais là aussi de façon moins marquée qu’en 2024 (+ 3,1 %).

L’ensemble des recettes suivrait cette progression à savoir + 2 % pour les recettes fiscales (67,8 Md€), + 1,4 % pour les dotations et compensations fiscales (17,1 Md€), + 4,7 % pour les produits des services (8,1 Md€) et + 2,6 % pour les autres recettes (5,4 Md€) hormis les participations qui sont en baisse de – 0,5 % (3,7 Md€).

Leur épargne brute serait ainsi en légère baisse de – 0,4 % (14,1 Md€).

Les dépenses d’investissement seraient en hausse de + 4,2 % (30,7 Md€) financées à hauteur de 15,6 Md€ par de l’autofinancement (- 2 %), 13,3 Md€ par des recettes d’investissement (+ 4,8 %) et 8,1 Md€ par le recours à l’emprunt (+ 11 %).

Leurs dépenses d’équipement se porteraient plus sur la culture, les sports, la jeunesse et les loisirs ainsi que sur l’enseignement et l’aménagement des territoires. Cette dernière politique publique étant la plus représentative sur la partie subventions.

L’encours de dette des communes s’établirait à 68,3 Md€ soit + 2,7 % par rapport à 2024 avec un fonds de roulement à hauteur de – 1,5 Md€.

Bloc communal et groupements à fiscalité propre

La note de conjoncture fait état d’un léger effet ciseau pour le bloc communal dû au moindre dynamisme de leurs recettes de fonctionnement (+ 2,3 %) par rapport à leurs dépenses de fonctionnement (+ 2,8 %), et d’une épargne brute stable (30 Md€).

Leurs dépenses d’investissement (58,8 Md€), en hausse de + 4,9 %, seraient financées à hauteur de 31,8 Md€ par de l’autofinancement (+ 0,2 %), 22,1 Md€ par des recettes d’investissement (+ 5,2 %) et 18,1 Md€ d’emprunts nouveaux.

L’encours de dette serait en hausse de + 3,5 % pour atteindre 146,7 Md€ en 2025 avec un fonds de roulement à hauteur de – 1,8 Md€.

Une première analyse des annexes vertes La loi de finances pour 2024 (article 191) instaure l’obligation, pour les collectivités de plus de 3 500 habitants en M57 et M4, de prévoir à compter de l’exercice 2024, une annexe intitulée « Impact du budget pour la transition écologique » dans leurs comptes administratifs ou comptes financiers uniques.

Cette annexe doit présenter les dépenses d’investissement qui contribuent, négativement ou positivement, à tout ou partie des objectifs des six axes de transition écologique de la France. Au titre de l’exercice 2024, seul l’axe 1 intitulé « Atténuation du changement climatique » devait obligatoirement être pris en compte, les dépenses pouvant être typées en cinq catégories (favorable, défavorable, neutre, non cotée ou mixte).

L’étude de la Banque postale porte sur 15 régions, 87 départements et 110 villes d’au moins 50 000 habitants et de 34 EPCI d’au moins 200 000 habitants. Si les initiatives sont nombreuses, elle fait néanmoins ressortir une grande diversité dans la mise en œuvre de cette annexe verte.

À savoir :

Quelles perspectives pour 2026 ?

Si la Banque postale prévoit que les finances locales seront pour 2025, finalement moins impactées que prévu, elle prévoit également que l’année 2026, qui aurait pu être une année électorale classique, sera marquée par de nombreuses incertitudes, d’autant plus que le regain de forme des départements en lien avec les DMTO ne risquerait certainement pas de perdurer sur 2026.

Le contexte politique actuel conduit nécessairement à s’interroger sur l’impact que vont avoir les nouvelles contraintes financières qui vont peser sur les collectivités dès 2026, alors que certaines strates de collectivités, comme les départements ou les régions, connaissent déjà d’importantes difficultés financières.

Poursuite de l’effort attendu des collectivités locales (fixé à 5,3 Md€ pour 2026), ponction sur les recettes, contrainte directe sur les dépenses, reconduction du Dilico, fractions de TVA versées impactées par la conjoncture économique, évolution des dotations et des différents dispositifs en faveur de la transition écologique, gel de la DGF, baisse des variables d’ajustement, sont autant d’interrogations auxquelles les collectivités vont devoir faire face à partir de 2026.

Repères

  • Les aides versées par les régions baissent pour la quasi-totalité des politiques publiques (hormis l’action sociale et la santé) et restent axées essentiellement sur les transports.
  • Si la Banque postale prévoit que les finances locales seront pour 2025, finalement moins impactées que prévu, elle prévoit également que l’année 2026, qui aurait pu être une année électorale classique, sera marquée par de nombreuses incertitudes.
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AUTONOMIE
Vers une décentralisation de l’aide au maintien à domicile ?
Olivier Bonnin | A la Une santé social | Actu expert santé social | France | Publié le 15/12/2025

La perspective de confier aux départements tout le maintien à domicile inquiète, jusque dans les centres communaux d'action sociale.

aide à domicile-maintien à domicile-personne âgée

Sébastien Lecornu l’avait glissé parmi ses quelques surprises aux départements, en se rendant à leurs assises, le 14 novembre à Albi (50 600 hab., Tarn) : il allait leur confier de nouvelles compétences [34], notamment médico­sociales. Depuis, le Premier ministre a déballé son cadeau, par un courrier aux présidents de département : il leur promet toute « la planification, l’organisation et la responsabilité du maintien à domicile des personnes en perte d’autonomie », sans oublier les « recettes couvrant ces dépenses ­nouvellement transférées ».

Avec un tel présent, cependant, l’ancien président du département de l’Eure a ajouté un nouvel épisode au débat sur la décentralisation. Et cette fois, parmi les opposants, s’entendent même des centres communaux d’action sociale (CCAS).

Disparité massive

Car depuis cette annonce, pas moins de 18 organisations du domicile, de la santé et des solidarités [35], ont alerté d’une même plume Sébastien Lecornu, au nom de « l’égalité territoriale » – avec, parmi les signataires, l’Union nationale des CCAS (Unccas).

« Depuis des années, les disparités territoriales dans la prise en charge du handicap, du grand âge et de l’aide à domicile sont massives, alertent-elles. Loin de réduire ces inégalités, le transfert envisagé les amplifierait. »

Car si les soins infirmiers à domicile, pour l’heure, relèvent encore des agences régionales de santé, l’aide à domicile relève déjà « d’un pilotage strictement départemental ». Or « il s’agit du secteur où les professionnels sont les plus paupérisés » et où « les disparités territoriales sont les plus flagrantes », déplorent les signataires, qui plaident pour un « pilotage ­équilibré entre l’État, l’assurance-­maladie et les collectivités ».

« Cet argument de l’équité territoriale est toujours brandi contre la décentralisation, rétorque Emmanuel Gagneux, président de l’Association nationale des directeurs de l’action sociale et de santé [Andass]. C’est pourtant son essence même de permettre aux habitants d’un territoire donné de faire des choix différents d’un autre. »

« Que l’État prenne à sa charge une compétence n’est pas gage d’équité territoriale », ajoute ce directeur général adjoint chargé des solidarités. « Pour la médecine scolaire, par exemple, la Cour des comptes a pointé des résultats très différents d’un territoire à l’autre. »

« Pour un processus de décision efficient, pour une maîtrise des coûts de coordination, et pour une lisibilité de l’action publique », l’Andass approuverait donc de confier ainsi le maintien à domicile à « un seul opérateur, de préférence décentralisé ».

Mais comment les départements pourraient-ils assumer cette nouvelle charge, quand jusqu’à 60 d’entre eux devraient finir l’année en grandes diffi­cultés financières, selon l’association Départements de France (DF) ? « L’avancée importante est d’indiquer que tout ça devrait être financé par des ressources qui sont en lien avec ces compétences », balaie le président de département, Olivier Richefou (UDI), chargé du groupe sur le grand âge à DF.

Moyens appauvris

Au sein de l’Association des cadres territoriaux de l’action sociale (Actas), pourtant, la présidente, Isabelle Vatinel, redoute déjà un « appauvrissement des moyens alloués à la perte d’autonomie, ce qui sera répercuté sur les communes, tant qu’elles le pourront ».

Également convaincue d’un risque d’inégalités territoriales, cette directrice de CCAS craint par ailleurs une « ­méconnaissance » des soins par les départements. Les oppositions s’avèrent donc tranchées. Et « cela doit alerter les départements », reconnaît Emmanuel Gagneux…

La branche « autonomie » en question

Si Sébastien Lecornu confie aux départements les soins à domicile, ainsi que l’habitat intermédiaire, que devient la branche « autonomie » de la Sécurité sociale ? « C’est précisément pour garantir une solidarité nationale » qu’elle avait été créée et confiée à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), en 2020, soulignent les 18 signataires de la lettre ouverte au Premier ministre. « Confier la compétence médicosociale aux départements ­reviendrait à transformer cette nouvelle branche en ressource départementale, et la CNSA en banque des conseils départementaux », poursuivent-ils. Cela « risquerait de vider de son sens la branche autonomie cinq ans après sa création ».

« Ce sera sans doute le rôle de la CNSA de veiller à une harmonisation » des politiques menées par les départements, imagine pourtant le président de département, Olivier Richefou.

POUR ALLER PLUS LOIN