Économiser sur le dos des fonctionnaires malades ! Voilà la réaction que soulève le projet de décret qui prévoit d’abaisser l’indemnisation des agents en arrêt maladie de 100% à 90%. Un amendement à la loi de finance pour 2025, adopté par le Sénat le 23 janvier. Car si le ministre de la fonction publique, Laurent Marcangeli est revenu sur la mesure augmentant le nombre de jours de carence défendue par son prédécesseur, la baisse de 10% d’indemnisation maladie, reste d’actualité. Il l’a d’ailleurs confirmé, mercredi 29 janvier, au micro de RTL.
Elle figure d’ailleurs déjà à l’agenda du prochain Conseil Commun de la fonction publique qui doit se tenir le 11 février : un projet de décret sera en effet présenté, applicable à certaines catégories de fonctionnaires et aux agents contractuels, tandis que la situation des fonctionnaires relèvent de la loi.
Cette disposition, qui s’ajoute au gel du point d’indice et au non-versement de la garantie individuelle du pouvoir d’achat (Gipa), n’a pourtant pas tout de suite fait réagir les syndicats.
C’est le groupe de réflexion le Sens du service public qui alertait, la semaine passée, via ses réseaux sociaux, sur les conséquences salariales concrètes de cette baisse, couplée au jour de carence. « Les graphiques que nous avons postés montrent qu’elle engendre une perte salariale qui augmente avec la durée de l’arrêt maladie. On pénalise donc les arrêts longs », précise Johan Theuret son co-fondateur.
Absentéisme ou approche budgétaire ?
De leur côté, tous les syndicats de la fonction publique contactés affichent leur ferme opposition à la mesure. L’Unsa-fonction publique diffuse même depuis le 27 janvier, sur son site, une calculette permettant à chaque agent malade d’évaluer ce qu’il perdra si cette mesure est votée par le parlement.
Prévue par l’ancien locataire du ministère de la fonction publique, cette diminution de l’indemnisation visait, avec l’augmentation du nombre de jour de carence, à lutter contre l’absentéisme. Elle permettra surtout au gouvernement d’économiser 900 millions d’euros (d’après une estimation des inspections générales des finances et des affaires sociales).
« On passe ainsi d’un duo de mesures à la conservation du dispositif le plus ‘rentable’. Cela n’a plus rien à voir avec la question de l’absentéisme. Si cette baisse est maintenue, nous demanderons à rouvrir le dossier prévoyance pour prendre en charge la rémunération du jour de carence », commente Christian Grolier, le secrétaire général de l’union interfédérale FO des agents de la Fonction publique. Sur la même ligne, Johan Theuret, pour Le Sens du service public, ajoute : « le dossier absentéisme ne peut être pris dans le sens de l’économie budgétaire ».
Pour Mylène Jacquot, la secrétaire générale de la CFDT Fonction publique « c’est oublier que ce ne sont pas les agents qui décident de se mettre en arrêt, mais le médecin. Si abus il y a, traitons-les. Mais cette disposition sera sur le champ de l’absentéisme totalement inefficace ».
Possible boycott du Conseil Commun
Tous les syndicats s’insurgent en outre que cette mesure soit présente à l’ordre du jour du prochain Conseil Commun de la fonction publique alors que la disposition générale n’a pas été examinée par les députés.
Du côté de Force Ouvrière, la possibilité d’un boycott est envisagé. « Nous avons déjà eu le ministre, mardi 28 janvier, au téléphone pour lui demander ce retrait. S’il maintient, notre syndicat ne participera pas à la prochaine instance », assure Christian Grolier.
A la question de savoir ce que le ministre a répondu, le syndicaliste raille : « il avait l’air de découvrir l’ordre du jour de la DGAFP sur le Conseil Commun ! ».
Les autres syndicats ne semblent pour l’instant pas envisager de ne pas y siéger. « Notre position n’est pas arrêtée pour l’instant. Nous verrons comment les choses se présentent, la semaine prochaine en instance syndicale », explique Luc Farré, le secrétaire général de l’Union nationale des syndicats autonomes (UNSA fonction publique).
Pour l’heure une intersyndicale comprenant huit organisations syndicales (CGT, FO, CFDT, UNSA, FSU, Solidaires, CFE/CGC et la FA-FP) s’est réunie le 30 janvier pour adresser une interpellation au ministre sur le bien-fondé de présenter un tel décret en Conseil Commun alors même que le projet de loi de finance est toujours en discussion au parlement.
« Nous demandons tout simplement que ce projet de décret ne soit pas présenté », insiste Sylviane Brousse, la secrétaire fédérale de la fédération CGT des services publics. Le courriel est déjà dans la boite du ministre. Quoi qu’il en soit, la mesure est entre les mains des parlementaires réunis en CMP sur le projet de loi de finances depuis jeudi 30 janvier.
Mesure plancher, pas plafond
Selon nos informations, les élus locaux réunis au sein de la Coordination des employeurs territoriaux demandent une évolution du texte présenté en PLF afin de permettre aux collectivités qui le souhaiteraient de combler la perte de revenus de leurs agents consécutive à la baisse de couverture des arrêts maladie. La rédaction actuelle de l’amendement empêche en effet ce choix managérial.
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