Sept cent vingt-huit heures. C’est la durée moyenne d’exposition annuelle des enfants de 3 à 10 ans aux écrans. Cela revient à regarder onze fois les huit saisons de « Game of Thrones » en l’espace d’une année. C’est dire combien les écrans sont présents dans la vie de nos enfants : deux heures par jour au total, c’est long. Notons aussi qu’un tiers des enfants de 0 à 3 ans prennent leur repas devant un écran, à une période de la vie où ils ont des défis vitaux à relever, et où le développement du cerveau nécessite interactions et expériences. Il ne s’agit pas, ici, de condamner l’usage des écrans en soi, car ils peuvent être d’excellents outils pour la communication et la connaissance. L’enjeu est d’en faire un meilleur usage.
Trouble primaire du langage
Regarder un écran le matin avant l’école est en effet associé à six fois plus de risques de présenter un trouble primaire du langage et donc d’être en difficulté pour les apprentissages scolaires. L’usage excessif des écrans a également des conséquences sur la santé physique des enfants : des repas bios, c’est bien, mais s’ils sont pris devant « Sam le pompier », hypertension artérielle et obésité s’inviteront peut-être à leur table. Nos enfants sont aussi devenus une cible marketing des publicités agroalimentaires, intercalées entre deux dessins animés parfois conçus pour susciter d’impulsives envies de sucreries. Envies qu’ils pourraient d’autant plus avoir du mal à maîtriser s’ils sont en manque de sommeil car oui, les écrans affectent, à la fois, la qualité et la quantité de sommeil. Et qui dit altération du sommeil dit aussi moins bonne gestion des émotions, souffrances psychiques et affectation du fonctionnement de la mémoire.
L’irruption du numérique dans nos vies a d’ores et déjà provoqué un bouleversement sociologique majeur dont nous commençons à mesurer les effets sur nos comportements. Certains d’entre nous en tirent des conséquences sur leur utilisation des réseaux sociaux, leur rapport à l’information ou encore leurs interactions sociales. Pour les générations qui viennent au monde, c’est à nous qu’il revient de prendre les bonnes décisions pour les protéger.
Politique de prévention
La portée des enjeux qui nous font face et leur caractère inédit dans l’histoire humaine nous commandent d’agir. Raison pour laquelle j’ai défendu et fait adopter à l’unanimité par l’Assemblée nationale une proposition de loi pour construire une politique de prévention, sensibiliser les parents, former les professionnels et réguler l’utilisation des écrans dans les lieux d’accueil des enfants. La question des temps périscolaires – responsabilité des communes – comme celle de la formation des professionnels de la petite enfance – qui incombe aux départements – sont des axes clés. Reste désormais à faire adopter cette loi par le Sénat, où elle est en attente depuis un an, concurrencée par des sujets jugés plus prioritaires.
Par ailleurs, et dès à présent, il nous faut construire des alternatives aux écrans car ce sont souvent les parents débordés et les familles monoparentales qui cèdent à la facilité de l’écran « nounou ». Les élus locaux ont un rôle majeur à jouer dans l’organisation des modes de garde comme dans la proposition d’activités culturelles ou sportives, éminemment préférables aux écrans.
Thèmes abordés