Parvis de l’Hôtel de ville de Viry-Châtillon (Essonne). Non loin de là, le 4 avril, Shemseddine, 15 ans, a perdu la vie après avoir été roué de coups. Ce jeudi 18 avril, c’est depuis ce lieu symbolique que le Premier ministre, Gabriel Attal, a prononcé son discours sur « l’autorité au cœur de la République ».
Pour ses 100 jours à Matignon, Gabriel Attal a souhaité parler de cette « minorité d’adolescents que les Français ne comprennent plus ». Dénonçant un « déferlement de violence » qui s’est traduit par un certain nombre de faits divers et par les émeutes de l’été dernier, le Premier ministre a avancé plusieurs explications : affaiblissement du cadre familial, addiction aux écrans, montée de l’individualisme, entrisme islamiste et culture généralisée du « pas de vagues ».
« Tous les maires nous le disent : les délinquants, ils les connaissent. Les jeunes à la dérive, ils les connaissent. Ceux qui veulent faire leur loi et qui parfois pourrissent la vie de leurs voisins, ils les connaissent », a déclaré Gabriel Attal. Face à ce constat, il a plaidé pour un « sursaut d’autorité », évoquant une « République qui contre-attaque ».
Deux mois de travail
Et d’énumérer une longue série de propositions, dont certaines déjà sur les rails, incluant la responsabilisation des parents, le contrôle des écrans et l’autorité à l’école (lire l’encadré sur les propositions, ci-dessous). Parmi les mesures phares : l’instauration de travaux éducatifs pour les mineurs de moins de 16 ans avec une entrée en vigueur après les vacances de Pâques, la création de travaux d’intérêt général pour les parents démissionnaires, l’obligation pour les élèves d’être présents à l’école entre 8h et 18h dans les quartiers prioritaires notamment ou encore le placement en internat de l’enfant qui « commence à avoir de mauvaises fréquentations » .
Le Premier ministre a donné huit semaines pour un travail collectif. « Nous aurons besoin de toutes les bonnes volontés, de la société civile, des familles, des maires, des élus, des parlementaires, de la majorité comme de l’opposition », a-t-il plaidé, prévoyant un « point d’étape » d’ici quatre semaines. D’ici-là, le chef du gouvernement se dit ouvert aux discussions pour « enrichir » et « amender » ses propositions. Souhaitant s’appuyer sur les acteurs du continuum de sécurité, il a aussi tenu à rappeler que « la police municipale est bien souvent la meilleure connaisseuse de son terrain et de ceux qui y causent des problèmes ».
Vers un projet de loi « justice des mineurs »
Concrètement, sur quoi pourrait aboutir cette vaste concertation, dont, à ce stade, on ne connait pas le détail ?
D’ores et déjà, selon nos confrères de L’Opinion, qui le dévoile dans son édition du 14 avril, la Chancellerie plancherait sur un projet de loi « relatif à la responsabilité parentale et à la réponse pénale en matière de délinquance des mineurs ». Le texte reprendrait une partie des mesures destinées à « restaurer la parentalité » (aggravation des sanctions contre les parents de mineurs ayant commis « plusieurs crimes et délits », création d’une peine complémentaire de travail d’intérêt général pour le parent défaillant, versement d’une « contribution citoyenne éducative » à une association de défense ou d’assistance à l’enfance, stage de responsabilité parentale…).
Autre chapitre du projet de loi : le renforcement de la réponse pénale à l’égard des mineurs délinquants. Le texte, qui serait porté par le garde des Sceaux Eric Dupont-Moretti, pourrait être présenté « avant l’été ». Cependant, le discours de Viry-Chatillon ne le mentionne pas une seule fois.
Quid de la stratégie nationale de prévention de la délinquance ?
Aucune communication également sur la future stratégie nationale de prévention de la délinquance en cours d’élaboration et son articulation avec le plan Attal contre la violence des mineurs. Sans doute faudra-t-il attendre le Beauvau de la prévention de la délinquance annoncé pour le 24 mai. Mais là encore, le flou persiste. Dans un entretien à La Gazette des Communes, le secrétaire général du Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation, Étienne Apaire, annonçait une nouvelle stratégie nationale « avant l’été » et donnait le coup d’envoi d’une concertation avec les élus locaux et les professionnels, qui est en cours.
Lors d’une réunion organisée le 14 avril avec les associations d’élus, la secrétaire d’État chargée de la Citoyenneté et de la Ville, Sabrina Agresti-Roubache, aurait évoqué le lancement dès la fin du mois d’avril de CNR (conseil national de la refondation) consacré à la prévention de la délinquance, selon la méthode gouvernementale déjà éprouvée pour le logement ou l’éducation.
Les propositions du plan sur la violence des mineurs
Traiter les défaillances de parentalitéDésireux de « prendre le mal à la racine », Gabriel Attal a formulé plusieurs propositions sur la parentalité :
- accompagnement renforcé des familles monoparentales en difficulté ;
- répression des manquements aux obligations parentales ;
- peines de travail d’intérêt général pour les parents défaillants ;
- amendes pour les parents ne répondant pas aux convocations judiciaires ;
- responsabilité financière assumée par les deux parents pour la réparation des préjudices causés par leur enfant ;
- lutte contre l’oisiveté : scolarisation obligatoire pour tous les collégiens entre 8h et 18h les jours de semaine, dans les quartiers prioritaires et les réseaux d’éducation prioritaires ;
- proposition aux parents de mineurs « glissant vers la délinquance » d’une place en internat.
Dans la même optique, Gabriel Attal a indiqué vouloir « réguler les écrans » :
- poursuite des mesures de bannissement numérique ;
- contrôle plus efficace de l’âge d’inscription sur les réseaux sociaux, en lien avec la proposition de loi du député (Horizons) de Corse-du-Sud, Laurent Marcangeli, et la commission d’experts qui rendra ses conclusions d’ici la fin du mois d’avril ;
- travail sur le numérique et la petite enfance, en lien avec la proposition de loi portée par les deux députés (LR) du Doubs et de la Loire, Annie Genevard et Antoine Vermorel-Marques.
Autre sujet porté par le Premier ministre : la lutte contre le séparatisme islamiste :
- instauration d’une circonstance aggravante en cas d’agression pour non-respect de principes religieux.
Aussi, et alors que les 13-17 ans représentent 20 % des personnes mises en cause pour trafic de drogue, Gabriel Attal a indiqué vouloir renforcer la stratégie de lutte contre la drogue :
- présentation d’un nouveau plan stup’ dans les prochains jours par le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin.
- renforcement de la sécurité au sein et aux abords de 350 établissements ; supplémentaires, après une intervention déjà menée dans les 150 établissements les plus « à risque » ;
- généralisation des « cours d’empathie » dans l’ensemble des écoles primaires ;
- doublement des cours d’enseignement moral et civique ;
- instauration de mesures « de bon sens » : se lever lorsqu’un professeur entre dans la classe, participer aux tâches communes de l’établissement scolaire ;
- déploiement « dès la rentrée prochaine » de commissions éducatives à l’école primaire, à l’image du décret permettant les exclusions d’élèves du premier degré, ;
- signature par les parents d’un contrat de droits et d’obligations avec l’établissement scolaire dont les sanctions restent « à définir » ;
- sanction des élèves perturbateurs sur leur brevet, CAP ou baccalauréat et mention sur leur dossier Parcoursup dont la levée serait conditionnée à un bon comportement et à la réalisation d’activités d’intérêt général ;
- poursuite de l’expérimentation sur l’uniforme ;
- renforcement des équipes « valeurs de la République » pour lutter contre les atteintes à la laïcité ;
- signalement systématique aux procureurs en cas d’atteinte grave aux valeurs républicaines.
- sensibilisation des jeunes « qui commencent à partir à la dérive » en les faisant assister à une comparution immédiate au tribunal ;
- création de mesures d’intérêt éducatif équivalant aux travaux d’intérêt général pour les mineurs de moins de 16 ans : la circulaire sera signée dans les prochains jours pour une entrée en vigueur dès la rentrée des vacances de Pâques ;
- travail sur un dispositif de contrainte à l’accueil de nuit pour éviter l’errance nocturne ;
- mise en place d’une mesure de composition pénale sans juge pour les mineurs de 13 ans et plus reconnaissant les faits et acceptant leur sanction ;
- comparution immédiate devant le tribunal pour les jeunes à partir de 16 ans permettant un traitement similaire à celui des majeurs ;
- atténuations à l’excuse de minorité « dans le respect vigilant de nos principes constitutionnels ».
Parce que « la fermeté ne va pas sans l’accompagnement », le Premier ministre a par ailleurs égrainé plusieurs mesures de prévention :
- expérimentation d’un suivi des familles de mineurs délinquants par les cellules de prévention de la radicalisation et d’accompagnement des familles (CPraf) ;
- renforcement de la coopération entre l’école, les forces de l’ordre, la justice, les services sociaux et de l’emploi, collectivités et les associations.
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