Le pouvoir de police général des maires est sans doute l’une des prérogatives qui différencie le plus les Maires des autres chefs d’exécutifs locaux.
Conçu autour du quadrige bon ordre, sécurité, tranquillité et salubrité publics, il est un pouvoir propre qui distingue le Maire de son conseil municipal et en fait cet élu si particulier aux yeux des citoyens.
Pour contribuer à sa mise en œuvre concrète, des agents territoriaux peuvent être mobilisés. Ils interviennent sur un domaine souvent assimilé au régalien, qui dépend de l’Etat, alors même que les forces nationales sont mobilisées également. Dès lors cet article vise à faire le point sur les différents types de force qui œuvre en proximité pour la sécurité locale, ainsi que sur leurs interactions.
La police municipale, la police rurale, les gardes champêtres
Agents de catégorie C, les gardes champêtres exercent dans les communes. Les textes leur donnent des pouvoirs en matière de police rurale. Ils doivent exécuter les directives de leur l’autorité territoriale dans l’exercice de ses pouvoirs de police, le maire de la commune. Leurs missions s’élargissent avec les compétences locales en matière de sécurité. La police rurale, la protection des espaces naturels ne sont pas leurs seules activités.
Les agents de police municipale peuvent faire partie de trois cadres d’emplois de catégorie C à A (agent, chef de service, directeur). Leurs missions visent à faire appliquer les arrêtés de police des maires, ils secondent l’officier de police judiciaire, peuvent constater des infractions, selon les lois et règlements.
Mentionnons aussi les agents de surveillance de la voie publique (ASVP), qui sont des agents territoriaux de catégorie C, aux missions de police restreintes et contrairement aux deux précédents, ils ne sont pas agents de police judiciaire adjoints.
Des modalités de mutualisation existent entre communes. Comme l’indique le rapport parlementaire récent, déposé par les députés Lionel Royer Perreaut et Alexandre Vincendet, ces modalités observeraient être mieux communiquées aux communes pour faciliter leur emploi. Par ailleurs, ce rapport fait des propositions en termes de formation et d’évolution globale de ces métiers de la sécurité locale. On pourrait imaginer la création d’une police territoriale, qui réaménagerait l’ensemble de ces cadres d’emploi.
Les constantes entre ces différents types d’agents locaux sont le lien avec le Maire, et la compétence territoriale, liée au seul périmètre de la commune.
Il est à noter que la police municipale se voit interdire par principe les missions de maintien de l’ordre par l’article L512-4 du Code de la sécurité intérieure (CSI).
Les forces nationales
Les forces de l’ordre nationales, regroupées autour de deux composantes, la Police Nationale et la Gendarmerie Nationale, concourent au maintien ou au rétablissement de l’ordre, aux missions de polices judiciaire (constater les infractions, délits et crimes et en rechercher les auteurs), à la protection des biens et des personnes.
Les policiers sont des civils et les gendarmes des militaires mais partagent le même code de déontologie et exercent les mêmes missions mais selon des zones de compétences et des modes d’organisations différents.
La répartition géographique
Le découpage du territoire entre zone police et zone gendarmerie se basait initialement sur la différentiation entre zones urbaines (pour la police) et rurales (pour la gendarmerie). Pour autant, le développement urbain semble rendre nécessaire une redéfinition des zones. La Cour des Comptes appelle ainsi de ses vœux la suppression des commissariats des circonscriptions isolées et l’instauration à leur place de brigades territoriales de gendarmerie. Elle liste 89 commissariats installés dans des circonscriptions de moins de 30000 habitants.
Concernant les zones urbaines en forte progression démographique, la Cour cible certaines “brigades absorbées dans les agglomérations nantaise, bordelaise ou toulousaine ou enclavées en zone police, notamment dans les Bouches-du-Rhône”.
Nous ne pouvons parler de ces métiers sans aborder la question des difficultés de recrutement qui touchent également toutes les forces de l’ordre, nationales comme municipales.
Dans son analyse de l’exécution budgétaire 2022 de la mission Sécurité, la Cour des Comptes indique que le nombre de personnels de la police et de la gendarmerie nationales qui quittent ces administrations augmente. En cause en partie, le départ vers les polices municipales qui permettraient aux agents de pouvoir choisir plus finement leur lieu d’affectation, de réaliser des missions de proximité et de meilleures conditions de travail.
Ces départs vers la police municipale interviennent dans un contexte où son rôle s’affermit au sein du continuum de sécurité.
En juillet 2023, dans une note thématique sur les forces de sécurités intérieure, la Cour insiste sur l’importance de « prendre en compte le rôle croissant des polices municipales ». En effet, face à l’élargissement des compétences des polices municipales qui s’accompagne d’une augmentation du nombre d’agents, les communes via leurs polices municipales doivent être pleinement associées par l’Etat aux missions de tranquillité publique.
Les interactions et le dialogue entre forces locales et nationales
Le concept de continuum de sécurité s’est développé ces dernières années en particulier autour du rapport parlementaire Thourot-Fauvergue, qui aboutit à la loi Sécurité Globale de 2021. Quel que soit le concept utilisé, le sujet reste celui de la coopération entre les forces de police, qui toutes concourent à un même objectif de sécurité.
Rappelons qu’il existe des instances de coordination qui veille à garantir ce dialogue. C’est notamment le cas du Conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance, sous l’autorité du Maire s’il n’est pas intercommunal, ou du Président de l’EPCI dans le cas contraire. Le CLSPD permet la coordination des équipes, et le travail en commun sur la prévention.
Pour ce faire, il s’appuie sur des “conventions de coordination” conclues entre le maire de la commune, le représentant de l’Etat dans le département et le procureur de la République dès que l’effectif de la police municipale comporte au moins trois agents (ou à la demande du maire si l’effectif est moindre).
Cette convention est conclue après la réalisation d’un diagnostic des problématiques de sûreté et de sécurité auxquelles est confronté le territoire. Elle couvre les missions complémentaires prioritaires, notamment judiciaire, confiées aux agents de la police municipale, ainsi que la nature et les lieux de leurs interventions. Elle détermine, enfin, les modalités de coordination entre les missions de la police nationale, de la gendarmerie nationale et de la police municipale.
Si l’on prend un sujet concret comme les transports, la répartition des compétences peut s’avérer complexe.
Ainsi, la notion de police des transports est souvent trompeuse. La gendarmerie nationale assure la sécurité ferroviaire sur 90%, du territoire, mais, il existe également un service national de la police ferroviaire, qui agit dans les gares et sure les lignes nationales. L’existence de services particuliers dans de grandes agglomérations comme Lille, Lyon ou Marseille, les services interdépartementaux de sécurisation des transports en commun (SISTC), dépendant des DDSP.
L’intercommunalité devient pourtant un nouvel acteur, avec la création de polices intercommunales des transports (Nantes, Montpellier notamment). Cela fait écho au développement des transports en commun et à la nécessité de les sécuriser, comme au besoin de mieux encadre les mobilités. Ainsi, la mise en place effective des ZFE imposera des évolutions d’organisation locale et de réglementation pour permettre un contrôle-sanction efficace.
Après le développement de réseaux français, comme le Forum français pour la sécurité urbaine, le lancement par le Maire de Nice, Christian Estrosi d’un réseau européen des polices locales montre que la sécurité n’est plus un simple pouvoir personnel du Maire, une “chasse gardée” vue un peu à part de la logique classique de l’action publique. La sécurité urbaine (ou rurale) est une véritable politique publique qui doit être questionnée comme les autres au prisme des enjeux de ressources, de gestion du personnel, d’efficacité et d’évaluation de l’action publique. Plus que tout autre, elle doit se penser en lien avec les autres acteurs.
En conclusion, notre système français basé au niveau national sur un “dualisme policier” auquel se rajoute les polices municipales est le reflet d’une décentralisation “au milieu du gué”.
Il semble important de renforcer la coordination entre ces forces nationales et municipales et de clarifier le rôle de nos forces de police municipales quand, sur le terrain, elles sont confrontées à des situations de plus en plus complexes et évolutives.
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