Les élus de droite n’ont pas manqué de protester le 31 juillet après l’annonce, faite la veille en conseil des ministres, du remplacement du général Bertrand Soubelet, n°3 de la gendarmerie, qui avait exprimé en décembre dernier de fortes réserves sur la politique pénale du gouvernement.
Selon Eric Ciotti, Philippe Goujon et Georges Fenech, le général Soubelet « paye sans doute la liberté de ton avec laquelle il s’était exprimé devant la mission », ont-ils écrit à Jean-Pierre Blazy, député socialiste et président de la Mission d’information de lutte contre l’insécurité.
Foudre de la hiérarchie, sympathie des gendarmes – C’est dans le cadre de cette Mission que le général de gendarmerie avait été auditionné le 18 décembre 2013. Ses propos avaient alors surpris (lire l’encadré ci-dessous). Il s’était attiré les foudres de sa hiérarchie et du ministre de l’Intérieur Manuel Valls, mais avait gagné la sympathie de nombreux gendarmes de base saluant, sur les réseaux sociaux, le « général courage ».
« Le général s’était alors limité à faire son devoir en disant toute la vérité sur les conséquences de la politique pénale du gouvernement, qu’il avait eu l’occasion de décrypter à partir des remontées venant du terrain », écrivent les trois députés UMP.
« Aujourd’hui, nous ne pouvons que regretter la décision du gouvernement de changer d’affectation ce haut fonctionnaire à la réputation incontestée en se voyant confier le commandement de la gendarmerie en Outre-mer et ce, pour s’être exprimé avec sincérité devant la mission d’information à laquelle nous appartenons », ajoutent-ils.
« Une sanction qui ne dit pas son nom » ? – Les trois députés estiment que « ce changement d’affectation masque en réalité une sanction qui ne dit pas son nom ».
« Parce que nous n’avons pas l’intention de servir de caution à une commission qui censure les personnes qui sont auditionnées lorsque leurs constats ne sont pas en accord avec la politique gouvernementale, nous vous prions de bien vouloir noter que ne souhaitons plus faire partie de la mission d’information que vous présidez », terminent-ils.
Parallèlement à ce courrier Jean-Christophe Lagarde, député maire de Drancy et secrétaire générale de l’UDI a écrit au président de l’Assemblée Claude Bartolone.
L’UDI dénonce une « mise au placard » – Dans sa lettre, Jean-Christope Lagarde dénonce « une véritable rétrogradation », « une mise au placard » du général.
« Cette injustice me semble doublée d’un véritable danger pour les droits du Parlement(…) Désormais, sous le gouvernement actuel, un responsable public désigné par son administration ou invité par les parlementaires à venir éclairer nos travaux saura qu’il risque d’être sanctionné dans sa carrière s’il vient dire la vérité à la représentation nationale », écrit Jean-Chrisophe Lagarde.
Le député demande ainsi à Claude Bartolone, « sous la forme qui (lui) paraîtra la plus adaptée, une réaction vigoureuse auprès du président de la République et du Premier ministre ».
Une Mission en voie d’achèvement – Le président de la Mission parlementaire, Jean-Pierre Blazy, n’a pas réagi à cette série de protestations. Peu de temps après l’audition du général Soubelet, en revanche, il avait publié un communiqué pour fustiger la polémique provoquée par l’interprétation faite par le Figaro des déclarations du gendarme. « La polémique sur les propos du général Soubelet ne sert qu’à attiser la soi-disant rivalité entre justice et intérieur » avait-il alors déclaré.
La Mission parlementaire se trouve donc désormais amputée de trois de ses membres, dont le vice-président et co-rapporteur, le député UMP Philippe Goujon. Ces départs interviennent alors que la Mission touche à sa fin. Après avoir conduit plusieurs dizaines d’auditions depuis novembre 2013, Jean-Pierre Blazy devrait remettre son rapport en octobre prochain.
Une critique « très personnelle » de la politique pénale
Son audition devant la mission parlementaire de lutte contre l’insécurité remonte au 18 décembre 2013. Le général Bertrand Soubelet occupait alors les fonctions de directeur des opérations et de l’emploi à la direction générale de la gendarmerie (DGGN).
« Liberté de parole » – Invoquant sa « liberté de parole », le No 3 de la gendarmerie, selon la vidéo de cette audition, avait alors livré une « analyse pas très conventionnelle » de la délinquance qui « n’augmente pas en valeur absolue » bien qu’il y ait un « réelle insécurité dans notre pays ». Le haut gradé avait évoqué en préambule la lourdeur des procédures « sur le plan juridique » qui compliquent la tâche des enquêteurs. Les délinquants « le savent et profitent du système », avait-il dit.
« Les gendarmes sont inquiets car on prend plus soin des auteurs (d’infractions) que des victimes », avait ajouté le militaire, précisant qu’en 2013 il y a eu une hausse de 4 % de personnes mises en cause par ses services tandis que le nombre de placements sous écrou (incarcérations) « a diminué de 33 % ». La réponse (pénale) est « en décalage », avait-il estimé.
Doute sur l’efficacité de la politique pénale – Plus loin, dans le jeu des questions et des réponses avec les membres de la commission, il avait précisé que 65 % des cambrioleurs interpellés dans les Bouches-du-Rhône en novembre 2013 « sont à nouveau dans la nature ».
Sur le sujet des cambriolages en forte augmentation en France, il avait affirmé que « c’est deux poids deux mesures en termes de réponse pénale » et différent « selon les juridictions ». Il avait d’ailleurs exprimé, de manière feutrée, ses doutes sur la manière dont pouvait être appliquée la circulaire de la Garde des Sceaux Christiane Taubira pour lutter contre ces cambriolages.
Une PJJ « d’un autre temps » – Il avait également critiqué la politique de la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) qui lui « semble dater d’un autre temps » et avait affirmé qu’il y « a de moins en moins de réponses sérieuses sur les délinquants de moins de 14 ans ». « Quand on commence » à voler « à huit ans » il « faut un message clair », avait-il dit, estimant d’autre part que les « décrocheurs scolaires » étaient un « vivier délinquant de demain ».
« Dans un département » qu’il n’avait pas cité, avait-il affirmé, le parquet recommande de « mettre dehors » les présumés délinquants mineurs étrangers faute de « moyens » pour trouver un interprète. Il estime aussi que le « critère de valeur » pour une garde à vue est qu’à « moins de 300 euros » de préjudice « on remet tout le monde dehors ».