Faut-il légaliser l’usage du cannabis ou bien poursuivre et renforcer les politiques de prohibition ? Les salles de consommation à moindre risque, dites « salles de shoot », doivent-elles être généralisées dans toute la France ? A l’heure où les polémiques s’enchaînent sur ces sujets aussi passionnels et fortement idéologisés, la Fédération française d’addictologie (FFA) ne craint pas de prendre fait et cause de manière radicale.
Non seulement, ce groupement de vingt associations œuvrant dans différents domaines de l’addiction prône la dépénalisation ainsi que l’accompagnement d’un usage modéré, mais il dresse également une dizaine d’autres recommandations sur divers autres produits. Elles ne manqueront pas, elles non plus, de faire réagir. En voici quelques-unes :
- Etendre les méthodes de réduction des risques à l’ensemble des produits addictifs, illicites ou non, comme l’alcool ou le tabac et non plus seulement les opiacés ou les produits de synthèse ;
- Autoriser des espaces de consommation à moindre risque au sein des structures de conseils, telles que les centres de soins d’accompagnement et de prévention en addictologie (CSAPA) et des centres d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques pour usagers de drogues (CAARUD), mais aussi permettre la primo prescription de méthadone en ville et promouvoir les programmes d’échanges de seringues par voie postale ;
- Mettre en place des parcours de soins plus proches des parcours de vie, moins enfermés dans des filières et moins soumis à une organisation exclusivement sanitaire des réponses ;
- Former et valoriser les travailleurs sociaux comme des acteurs de première ligne, sensibiliser les professionnels de l’hébergement social afin de développer des lieux d’hébergement et de relogement acceptant le maintien de l’usage de produits addictifs ;
- Préparer et organiser un débat sociétal, en lien avec les collectivités territoriales, sur les enjeux des addictions et de la stratégie de réduction des risques et des dommages.
Diminuer les conséquences négatives des conduites addictives
Toutes ces propositions répondent au souhait de la FFA de « poursuivre l’adaptation des réponses aux problèmes d’addiction », en marche selon elle, notamment sous l’impulsion des méthodes de réduction des risques et des dommages (RdRD). Insistant sur la nécessité de diminuer les conséquences négatives, sanitaires et sociales des conduites addictives – comme les overdoses –, les pratiques professionnelles connaissent, en effet, depuis une dizaine d’années, un véritable « changement de paradigme », explique le rapport
La Fédération valide cette réorientation, mais souhaite aussi améliorer la diffusion de ce corpus de pensée. Pour cela, elle réaffirme « l’importance d’une action publique forte vis-à-vis des lobbies, au service des publics les plus vulnérables. » Leur message s’adresse tout particulièrement aux élus locaux, à la police, la justice, l’éducation nationale ou encore les acteurs du secteur social, pas assez impliqués, selon elle, sur les diverses problématiques liées à l’addiction. Car, à leurs yeux, le secteur est encore « trop médicalisé et trop criminalisé. »
Ce rapport, construit les 7 et 8 avril à partir de deux jours d’auditions d’une trentaine d’experts par un jury où siégeait entre autres la déléguée générale du Forum français pour la sécurité urbaine (FFSU) Elizabeth Johnston ou bien encore Jean-Pierre Havrin, ancien DDSP et adjoint à la sécurité à la mairie de Toulouse, a été rendu public lundi 18 avril.
Envoyé au ministère de la Santé, il est consultable en ligne sur le site de la FFA, ainsi que les différentes contributions de spécialistes ayant nourri les travaux de la Fédération française d’addictologie.
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