Intitulé « Faire face aux pseudo-sciences et à l’obscurantisme », le « petite guide militant » diffusé depuis le mois de mars par les bibliothécaires du syndicat Sud-CT (collectivités territoriales) vise tous les professionnels de la lecture publique.
En substance, il s’agit de faire vivre le pluralisme des collections et ressources – principe inscrit dans la loi du 21 décembre 2021 relative aux bibliothèques et au développement de la lecture publique – tout en garantissant l’accès à des informations fiables grâce à une sélection pertinente.
Fiabilité de la politique documentaire (« poldoc »)
Comment déterminer la pertinence d’une information, d’un propos ? Comment évaluer la fiabilité d’un auteur, d’une source ? Parfois, écarter un ouvrage ne nécessite pas une grande perspicacité, tant la dérive vers des thèses complotistes ou la sortie du champ scientifique sautent aux yeux. Mais il arrive aussi que le glissement soit moins évident. Son repérage demande alors un peu d’expertise sur le sujet, que ne maîtrisent pas nécessairement les bibliothécaires.
« Dans l’idéal, expliquent les auteurs, nous devrions disposer de tous les moyens et les savoir-faire pour effectuer une veille éclairée. » Dans la réalité, cela ne peut évidemment pas être le cas.
Au nom du pluralisme des collections, le risque est grand d’acquérir des ouvrages en marge des connaissances scientifiques, ou « à teneur spirituelle, ésotérique ou confusionniste », alertent les auteurs. Risque d’autant plus grand, ajoutent ceux-ci, que la production éditoriale dans certains domaines, comme ceux du développement personnel et des médecines alternatives, est pléthorique.
Des thèmes qui appellent à la vigilance
Tout en se défendant d’avoir « la prétention d’être exhautif·ves », les auteurs proposent une liste de thèmes, concepts et courants de pensée, devant mettre les professionnels en alerte.
A commencer par tous ceux qui relèvent de la cote 100 (philo/psycho) de la classification Dewey, qu’utilisent les bibliothécaires : « Ésotérisme, féminin sacré (déterminisme de genre), neurosciences appliquées au développement personnel, pensée positive, astrocoaching, lecture d’auras, psychogénéalogie, tests de personnalité, méditation de pleine conscience, communication non-violente, sagesse toltèque, dogmes de la psychanalyse, masculinisme… »
D’une façon générale, les ouvrages sur les thématiques du new age, du management quantique etc., et tout ce qui tourne autour des « pseudo-sciences » doivent, selon les auteurs, être regardés avec prudence.
Des ressources professionnelles pour aiguiser la réflexion
Enfin, les bibliothécaires militants de Sud-CT invitent leurs collègues à ne pas forcément se fier au nom de l’éditeur : certains, renommés, éditent des ouvrages potentiellement controversés, pour des motifs de rentabilité. Il en va ainsi, par exemple, des maisons d’édition tentées par la mode du développement personnel.
Le guide se poursuit par une série de ressources proposées aux professionnels pour aiguiser leur réflexion et affuter leurs critères de sélection lors des acquisitions : références d’ouvrages, comptes-rendus de journées d’études, articles en ligne, podcasts.
Des revendications syndicales pour affiner la « poldoc »
Activité syndicale oblige, les auteurs terminent le guide par une dizaine de « revendications de Sud-CT concernant la politique documentaire et les connaissances professionnelles. »
Parmi celles qui concernent plus spécifiquement le travail des bibliothécaires, citons :
- « instaurer et/ou pérenniser des temps d’échanges de pratiques entre professionnel.les à diverses échelles territoriales » ;
- «que chaque agent.e, quelle que soit sa catégorie et son statut, puisse apporter son expertise des savoirs et du monde éditorial dans le processus de veille et d’acquisition » ;
- « inclure dans le cahier des charges des marchés, s’il y a un système d’office ou équivalent, que les livres puissent être consultés avant d’être acquis, pour éviter toute mauvaise surprise », car une notice de présentation s’avère souvent insuffisante ;
- « proposer des acquisitions au public avec un accompagnement des bibliothécaires : comités de lecture et/ou d’acquisitions, sorties en librairie »
- « développer des outils qui valorisent les savoirs professionnels et l’esprit critique au sein des groupes d’acquisition et de veille documentaire ».
Enfin, Sud-CT appelle la profession à « défendre une réelle indépendance vis-à-vis de tout pouvoir politique. »
Références
- Bibliothèques : ne donnons pas notre langue au chat ! Faire face aux pseudo-sciences et à l'obscurantisme
- Restez informé de l'actualité des politiques culturelles, inscrivez-vous à la Newsletter Culture de la Gazette
Thèmes abordés