Les professionnels de la politique de la ville réunis au sein de l’Inter-Réseaux des professionnels du Développement Social Urbain ont pris connaissance cet été de la nomination de Monsieur Vergriete et de Madame Agresti-Roubache, respectivement Ministre délégué au Logement et Secrétaire d’État à la Ville.
Les professionnels du DSU ont noté que cette nouvelle nomination séparait de facto les questions du Logement et de la Ville, la Secrétaire d’Etat étant rattachée au Ministre des Transitions écologiques et au Ministre de l’Intérieur. Cette division des portefeuilles doit se caractériser par une multiplication des interventions, plutôt que par la (re)création d’une séparation, de « silos » qui sont combattus jour après jour sur les territoires tant ils limitent les capacités d’action sur le terrain.
Après la période d’embrasement que notre pays a connue fin juin, il faut trouver des réponses prenant en compte la complexité du contexte et les difficultés persistantes dans lesquels se trouvent les habitants des quartiers prioritaires. Cette question ne peut recevoir une réponse uniquement sécuritaire. La tutelle de la Secrétaire d’État à la Ville par le Ministre de l’Intérieur ne doit pas se traduire par une réponse qui ignore cette complexité.
La question du logement et de la politique de la ville sont intimement liées, comme le sont la lutte contre les discriminations, les enjeux éducatifs, l’emploi, la sécurité alimentaire, le non recours aux soins et tant d’autres. Il faut poursuivre sur la voie d’une approche intégrée dans laquelle l’ensemble des modes d’actions se complètent à destination des habitants des quartiers prioritaires de la politique de la ville. Un projet de territoire local plutôt qu’un empilement de dispositifs semble être le bon sens. Et pourtant…
Ces nominations et ce rattachement au ministère de l’intérieur ne peuvent pas être, nous l’espérons, une nouvelle façon de tenter de poser le couvercle sur une marmite qui bouillonne depuis trop longtemps. Si tel est le cas, alors le couvercle sautera à nouveau un jour et tout débordera, irrémédiablement. Est-ce cela l’ambition de Quartiers 2030 ?
Arrêtons d’invoquer le serpent de mer du droit commun pour changer de prisme et assumer l’histoire de France, la géographie des quartiers, la sociologie de leur population, leurs besoins et le fait que c’est à l’ensemble des politiques publiques de se mobiliser. Oui c’est à la totalité des politiques publiques de se préoccuper des quartiers populaires en mettant des moyens humains, financiers, de la coopération et du dialogue pour actionner de vrais leviers.
Il est temps de changer de lunettes, de dézoomer et d’accepter de travailler au-delà des quartiers sur les questions de mémoire, de colonisation, d’immigration, d’histoire de France et de discriminations.
Il est temps d’arrêter de pointer du doigt la politique de la ville et ses 40 ans d’échec pour enfin accepter que les quartiers populaires sont et resteront des sas d’accueil des populations les plus fragiles, même s’ils ne sont pas les seuls à accueillir de la précarité, ils sont ceux où se cumulent le plus de difficultés et où la densité est la plus élevée.
Il est temps de donner vraiment les moyens aux acteurs qui interviennent sur ces territoires de relever les défis qu’ils affrontent au quotidien, car lorsque c’est le cas, trop rarement malheureusement, cela fonctionne (par exemple les Programmes de Réussite Educative ou les cités de l’emploi).
Il est temps de valoriser et d’accompagner le travail sur mesure, individualisé, de dentelle qui permet d’accompagner, de lever les freins et autorise les publics des quartiers prioritaires à rêver d’un avenir. Oui cette approche coûte, mais surtout elle rapporte ! C’est un investissement pour l’avenir, et les évènements tragiques récents nous l’ont une fois de plus démontrés, le prix de la réparation est bien plus élevé que celui de la prévention.
N’opposons pas les citoyens, n’opposons pas les territoires, n’opposons pas les politiques publiques en place. Il ne s’agit pas que de moyens, il s’agit également de réformer les institutions et de lutter contre les discriminations dès le plus jeune âge pour un changement de société qui devient urgent.
Il est impensable de laisser seule la politique de la ville comme responsable alors que c’est un pansement sur une plaie béante.
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