En 2001, la municipalité fraîchement élue met fin au détachement sur emploi fonctionnel de cinq cadres supérieurs de la mairie : le directeur général des services, trois directeurs généraux adjoints et le directeur général des services techniques.
Si deux d’entre eux ont rapidement retrouvé un emploi dans la fonction publique, trois autres (le DGS et deux DGA) sont toujours gérés, ou l’ont été pendant plusieurs années, par le CNFPT, moyennant une substantielle participation de la collectivité. C’est ce qu’a découvert avec effarement le maire de Charleville-Mézières élu en mars 2014, Boris Ravignon (UMP), en épluchant la masse salariale de la ville.
Prévu dans le statut
Le nouvel édile, qui est aussi inspecteur des finances, en a fait l’annonce le 11 décembre devant un conseil municipal médusé. D’autant plus que la note est salée pour la ville : « Notre contribution financière s’élève à 2,35 millions d’euros depuis treize ans, et pourrait s’alourdir de 375 000 euros environ si la situation n’évolue pas », indique l’élu. Lequel évoque un « prodigieux gâchis financier » dans le courrier qu’il a adressé le 9 décembre dernier à la ministre de la Décentralisation et de la Fonction publique, Marylise Lebranchu.
Le mécanisme qui s’est mis en place est pourtant parfaitement légal et procède de ce que l’on appelle la « fin de détachement sur emploi fonctionnel ». A l’issue d’une année de « maintien en surnombre » dans les effectifs de la ville, les trois fonctionnaires ont été pris en charge par le CNFPT à partir de 2002.
Jusqu’à la retraite
Aux termes des articles 97 et 97 bis de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, la collectivité d’origine doit verser 150 ou 200 % (selon les cas) du traitement brut et des cotisations sociales pendant les deux premières années, 100 % les deux années suivantes, et 75 % à compter de la cinquième année, jusqu’à la fin de la prise en charge.
A Charleville-Mézières, cette fin de prise en charge approche mais va s’échelonner dans le temps. « L’un des trois agents est parti à la retraite début 2015, explique Jean-Marc Marchetti, l’actuel DGS. Un autre sera mis à la retraite d’office en 2016 à l’issue du congé spécial dont il bénéficie depuis 2011. Quant au troisième, il sera admis à faire valoir ses droits à la retraite dans un délai de trois à six ans, selon son bon vouloir. »
Un dispositif « inefficace » ?
Pour Boris Ravignon, on touche là aux limites du système : « Je m’interroge sur la pertinence de ce dispositif dont je ne conteste pas le principe, mais qui me paraît totalement inefficace en termes de reclassement des agents concernés. » Le maire dénonce d’un même élan des dispositions « financièrement ruineuses pour les collectivités » autant que « psychologiquement difficiles pour les intéressés ».
« On peut aussi s’interroger sur l’employabilité des agents victimes d’un “accident de carrière” au bout d’un certain nombre d’années, et même seulement de quelques mois », observe pour sa part Jean-Marc Marchetti.
Fort de toutes ces considérations, le maire carolomacérien invite la ministre à étudier toute solution qui permettrait de « rendre le dispositif de retour à l’emploi des cadres en “décharge de fonction” plus compatible avec une bonne gestion des ressources humaines des collectivités territoriales ».
Précisions et point de vue du CNFPT
Le CNFPT, par la voix de sa directrice des concours et de la mobilité des cadres de direction, Francine Levannier, affirme qu’aucun des trois agents concernés « n’a refusé trois offres d’emploi », ce qui aurait été une cause de licenciement. Elle précise que deux d’entre eux ne sont plus gérés par le CNFPT depuis 2010, mais par le centre de gestion des Ardennes. Autre détail qui a son importance : le tribunal administratif avait prononcé en 2003 la réintégration de l’un des agents, mais la ville l’avait à nouveau déchargé en 2004, « marquant ainsi sa volonté de s’en séparer », comme le souligne Francine Levannier.
« Si la majorité des collectivités essaient de trouver la meilleure solution en interne, observe cette dernière, d’autres ont plus de mal à assumer leurs décisions, quitte à se priver de certaines compétences. ». A ses yeux, le manque d’anticipation, de mobilité ou de formation de certains agents peut également constituer un frein à leur employabilité.
C’est pourquoi le CNFPT fait porter ses efforts sur la prévention, la formation et l’accompagnement, ainsi que sur la sensibilisation des DRH, comme en témoigne la plaquette qu’il a publiée sur « La fin de détachement sur emploi fonctionnel ». La directrice des concours et de la mobilité des cadres de direction rappelle toutefois que le CNFPT a « une obligation de moyens, pas de résultats », et qu’il n’est pas en son pouvoir d’obliger une collectivité à recruter quelque fonctionnaire que ce soit.
Le CNFPT gère actuellement onze fonctionnaires déchargés de fonction de catégorie A+ en France, dont deux détachés dans des ministères.
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