C’est une délinquance d’un nouveau genre qui frappe les Pyrénées-Orientales. Depuis l’été, des centaines de plaques d’égout et de grilles d’évacuation ont disparu dans une douzaine de petites communes du département. Probablement, selon la gendarmerie, pour être revendues et fondues.
Au cours actuel des métaux, le profit du vol de fonte peut paraître maigre comparé à ce que rapporte le dépeçage de câbles au détriment de la SNCF ou l’arrachage de colliers aux dépens de vieilles dames, selon un gendarme. Mais la nuisance est réelle.
Coût pour la mairie – Le phénomène a déjà été observé un peu partout en France, notamment à Agen, Dunkerque, Toulouse ou Valence, mais il est nouveau dans les Pyrénées-Orientales. « On est nombreux à être touchés. On est tous consternés, révoltés même », déplore Jacqueline Irles, maire de Villeneuve-de-la-Raho, localité de 3700 habitants, où une trentaine de plaques se sont volatilisées. Montant de la facture – non remboursée par les assurances parce que le vol a été commis sans effraction, souligne Mme Irles -: 3.000 euros.
Des communes comme Le Boulou, Sainte-Marie-la-Mer, Elne ou encore Saint-Estève ont subi le même sort. Des larcins, qui, selon le journal l’Indépendant, « occasionnent un réel déficit financier pour les budgets des petites communes ».
Attention au trou – Pas question non plus de laisser la voirie béante: il a fallu intervenir à la hâte pour signaler ces avatars de nids-de-poule avant de remplacer leur couverture pour éviter qu’un piéton ne tombe dedans ou qu’une voiture n’ait un accident. La municipalité serait alors responsable.
Encore Villeneuve-de-la-Raho s’en tire-t-elle moins mal que Sainte-Marie, dont le maire Pierre Roig, à raison d’une cinquantaine de plaques et grilles volées il y a quelques jours et de 150 euros en moyenne le coût de rachat, chiffre l’indélicatesse à 7.500 euros.
Il n’y a pour ainsi dire qu’à se servir – « Il suffit de passer dans la rue au moment où il n’y a personne », dit le commandant Joël Feiche, adjoint chargé de la police judiciaire au groupement de gendarmerie des Pyrénées-Orientales. Certes, une plaque d’égout pèse une bonne vingtaine de kilos, mais dans le département au moins, ce sont surtout aux grilles pour les eaux pluviales, mieux manipulables, que s’en prennent les voleurs. « C’est quand même plus facile que d’aller couper du câble sur des voies SNCF, mais ça n’a pas la même valeur non plus ».
A peut-être 30 centimes le kilo de fonte à la revente (quatre euros pour le cuivre), le voleur a intérêt à viser les grandes quantités, d’autant qu’il faut trouver un repreneur capable de fondre la fonte et que les nouvelles contraintes imposées aux ferrailleurs en France (interdiction d’achat en liquide, identification obligatoire du vendeur) compliquent les trafics.
Coopération transfrontalière – Aussi les regards se sont-ils tournés dans les Pyrénées-Orientales vers les voisins espagnols. Des témoins ont signalé sur les lieux de certains vols un fourgon immatriculé de l’autre côté de la frontière.
Gendarmes, policiers et douaniers français coopèrent avec leurs homologues espagnols, dit le commandant Feiche qui n’écarte pas complètement l’hypothèse que des plaques d’égout aient attiré l’attention de collectionneurs, mais sans trop y croire.
Attention aux trous – Le préfet des Pyrénées-Orientales René Bidal a publié le 13 novembre un communiqué pour mettre en garde les voleurs contre les risques qu’ils courent et font courir, et pour inciter les populations à ouvrir l’oeil.
« Les services sont en alerte et multiplient les surveillances. Mais j’incite l’ensemble de nos concitoyens à la vigilance » pour aider les gendarmes à interpeller les auteurs, dit le représentant de l’Etat.
Trafic de métaux – Il en profite pour « rappeler que le vol de bien public constitue un délit puni de peines qui peuvent aller jusqu’à cinq ans d’emprisonnement et 75.000 euros d’amende ». Les gendarmes suspectent des trafiquants participant à un marché organisé de revente ou de refonte de métaux de revendre leur butin de l’autre côté des Pyrénées, en Espagne voisine où il serait beaucoup plus facile à écouler.
L’AMF interpellée – Malgré les plaintes déposées, la maire de Villeneuve dit ressentir « un sentiment d’impuissance ». Elle a l’intention d’interpeller le président de l’association des maires de France, réunis en congrès la semaine prochaine à Paris, et s’interroge sur la possibilité pour les fournisseurs de collectivités de recourir à un autre matériau que la fonte.