La fonction publique manquant de candidats, France Stratégie a voulu vérifier si la promesse de mobilité sociale constituait toujours un argument pour les attirer, et un avantage concurrentiel par rapport au privé. Tel est l’enjeu de la note intitulée « Entrer et progresser dans la fonction publique », publiée en février dernier, et présentée le 6 mars lors d’un webinaire, et dont les conclusions ne sont pas totalement rassurantes.
A partir de différentes études de l’Insee, France Stratégie a comparé la mobilité sociale entre le secteur privé et les trois fonctions publiques. Autrement dit, quand on vient d’un milieu populaire (parents ouvriers ou ouvrier et employé), a-t-on plus de chance d’accéder à un poste de cadre dans une des fonctions publiques que dans le privé ? Et quand on y entre comme employé, a-t-on plus de chances de devenir cadre ?
L’importance du niveau de diplôme
Autour de 25 %, la part de cadres d’origine populaire en 2020 est « significativement plus élevée » dans la fonction publique territoriale (FPT) et dans la fonction publique d’État (FPE) hors professeurs que dans le secteur privé (autour de 20 %), relèvent les auteurs de la note. La progression sociale d’une génération à l’autre fonctionne donc mieux dans le public que dans le privé. « A niveau de diplôme égal, une personne d’origine populaire à moins de chance d’être cadre, dans le public comme dans le privé, mais cette pénalité est moins forte dans la FPE et dans la FPT » que dans le privé, explique Camille Peugny, professeur de sociologie à l’université Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines, conseiller scientifique à France Stratégie.
Dans les trois fonctions publiques, c’est le niveau de diplôme qui permet aux personnes d’origine populaire de progresser socialement par rapport à leurs parents. Ainsi, 80% des hommes diplômés de bac +3 et plus issus d’une famille ouvrière sont cadres dans la fonction publique, contre seulement 65% dans le privé. Revers de la médaille, c’est le mouvement inverse pour les moins diplômés (bac ou moins), « qui deviennent plus souvent cadres dans le privé que dans le public », signale Camille Peugny.
Mobilité stagnante
L’ascension sociale se mesure aussi aux échelons gravis au cours de la carrière. Novateurs, les chercheurs de France stratégie ont voulu savoir où les personnes ayant démarré comme employé avaient plus de chances d’accéder à un poste de cadre ou à une profession intermédiaire. Cette fois, le privé fait un peu mieux. Si, dans le public, 21 % des personnes entrées sur le marché du travail comme employé sont cadres ou professions intermédiaires, elles sont 25 % dans le privé. Mais il faut distinguer selon le versant. La fonction publique d’État, qui, il est vrai, emploie davantage de cadres que les autres versants, fait presque aussi bien que le privé. La territoriale fait moins bien (19 %), mais mieux que l’hospitalière (17 %). « La mobilité sociale pendant la carrière est plus faible dans la fonction publique en raison des concours, qui demandent davantage d’investissement que la progression à l’expérience » pratiquée dans le secteur privé, explique Clément Peruyero, doctorant en économie, co-auteur de la note.
Le concours a ses avantages, notamment il est moins discriminatoire que d’autres méthodes de recrutement ou d’évaluation. Il n’en reste pas moins que « les carrières [dans la fonction publique] sont vues comme stagnantes » par rapport au privé, admet Emmanuelle Prouet, coordinatrice du rapport pour France Stratégie. Or, « cela pose question, d’autant que les fonctions publiques devront recruter de plus en plus de personnes venant du privé », pointe-elle en citant les difficultés des collectivités qui doivent recruter des spécialistes du numérique.
Thèmes abordés