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Trois orientations décisives, dont le sort se joue actuellement, détermineront si la région a réellement vocation à devenir la collectivité du transport interurbain et de l’intermodalité : l’encadrement de la libéralisation du transport par autocar, la répartition des compétences avec les départements (transport scolaire, à la demande…) et le sort de certaines lignes Intercités. Décryptage de ces débats à quelques jours du Congrès des régions, qui doit se tenir les 25 et 26 juin à Rouen.
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Loi Macron : un cran en dessous des attentes
Avec le rejet de la motion de censure du gouvernement, jeudi 18 juin, le projet de loi « Macron » est considéré comme adopté en deuxième lecture par l’Assemblée nationale. Certes, le texte n’a pas achevé son parcours parlementaire, puisqu’il sera examiné une dernière fois au Sénat à partir du 29 juin, François Hollande souhaitant son adoption définitive à l’Assemblée « avant le 14 juillet ». Mais les régions craignent de voir confirmé le sort qui leur est promis en matière d’encadrement du transport interurbain. Alors que le Sénat avait relevé à 200 km entre deux arrêts le seuil en dessous duquel les liaisons pouvaient être régulées par les autorités organisatrices régionales, les députés l’ont rétabli à 100 km. Le Gart et de l’ARF, qui rappellent que l’autorité de la Concurrence avait plaidé en février 2014 [PDF] pour un seuil de 200 km, n’ont manifestement pas été entendues.
Coordination partielle – Au-delà de la question du seuil, la loi Macron pourrait constituer un véritable désaveu de la loi Maptam, adoptée en janvier 2014, qui conférait aux régions le chef-de-filât en matière de politiques d’intermodalité. Sur l’ouverture d’une ligne par un autocariste, les régions n’auront pas le dernier mot, les députés ayant confié cette responsabilité à l’Arafer (ex-Araf). Si le projet de loi demeure en l’état, les régions n’auront donc pas les moyens de protéger leur offre TER, et le schéma régional de l’intermodalité sera notamment impuissant en matière d’implantation des gares routières.
Réforme territoriale : la moitié du gâteau ?
Entre le projet de loi portant Nouvelle organisation territoriale de la République (Notre) originel et celui qu’a adopté le Sénat en deuxième lecture, le 2 juin dernier, les compétences régionales en matière de transport ont été fortement rabotées. « La collectivité de la mobilité », appelée de ses vœux par le rapporteur du texte à l’Assemblée, Olivier Dussopt (PS), n’a pas pris forme. Outre le transfert de la voirie interurbaine, très vite oublié, le transport à la demande (TàD) et le transport scolaire sont retournés dans le giron départemental après l’examen du texte au Sénat. La commission des lois de l’Assemblée vient tout juste de rétablir le transfert de ces deux compétences aux autorités régionales (article 8). Reste à savoir si cette version demeurera à l’issue de son examen en plénière, qui doit démarrer le 29 juin, et de la commission mixte paritaire qui suivra. En attendant, le Groupe de gauche de l’Assemblée des départements de France (ADF) milite, dans un communiqué, pour que « des équilibres puissent être trouvés » en faveur d’une « cohérence de la compétence transport ». Pas sûr toutefois que "départementalistes" et "régionalistes" s’accordent sur une vision tout à fait convergente de ladite « cohérence ».
Transfert de lignes TET : pas à n’importe quel prix
La publication du rapport de la commission sur l’avenir des trains d’équilibre du territoire (TET, plus communément désignés Intercités) a donné lieu à de nombreuses réactions sur les quelques suppressions de lignes préconisées. Une autre proposition du rapport, passée davantage inaperçue, pose également question : la commission présidée par le député (PS) du Calvados et président de l’Afitf(1), Philippe Duron, préconise de transférer plusieurs lignes de l’État aux régions. Il s’agit de celles comportant d’ « importants flux pendulaires vers Paris » et qui présentent une « imbrication des services TET et TER ». Les fusions de régions en cours devraient en outre permettre de faciliter la gestion de ces lignes, en diminuant le nombre d’autorités concernées par leurs tracés, estime Philippe Duron.
Une telle hypothèse « suppose de transférer [aux régions] bien évidemment les moyens financiers adéquats et nécessitent également une amélioration significative de la performance de la SNCF et du système ferroviaire » a réagi, prudemment, Jacques Auxiette, président de la commission Transports de l’ARF. Cette dernière considère ainsi comme un « prérequis indispensable » l’établissement de principes de compensation « actés au niveau national » et permettant de couvrir « à la fois les charges d’exploitation et d’investissement ».
L’antécédent TER – Les régions sont échaudées par l’expérience du transfert de la gestion des TER : la charge leur incombant « a doublé depuis 2002 alors que l’offre TER n’a augmenté que de 24% en dix ans » assure l’ARF, qui met en balance la dotation de l’Etat de « 2 milliards d’euros » avec leur dépense annuelle de « 3,6 milliards d’euros en 2012 ». Luc Bourduge, vice-Président (FdG) du conseil régional d’Auvergne et membre de la commission Duron – mais non signataire du rapport – abonde : « En Auvergne, en 2004, les charges d’exploitation payées par la région à la SNCF pour le TER étaient de 54,5 millions d’euros, aujourd’hui elles sont de 106,7 millions d’euros. Elles ont donc quasiment doublé, et la compensation de l’État s’est arrêtée à 60 millions d’euros ». Le rapport Duron pointe également cette situation, et, rappelant que la subvention d’équilibre pour l’exploitation des TET a « augmenté de 55 % » entre 2011 et 2013, souligne que « la poursuite d’une telle tendance rendrait une prise en charge par les régions d’une partie de l’offre TET difficilement réalisable dans de bonnes conditions ».
L’État donnera-t-il les moyens aux régions d’assumer la prise en charge de nouvelles lignes ferroviaires ? « Lorsque nous l’avons auditionné, le directeur du Budget a clairement laissé entendre qu’il n’y aurait aucune compensation de l’État sur les liaisons qui seraient transférées aux régions », assure Luc Bourduge, pour qui de tels transferts constitueraient dès lors « une suppression de service qui ne dit pas son nom », puisque les régions n’auraient pas d’autre choix que de fermer des lignes.
« Je pense au contraire que l’État a intérêt à compenser les transferts que nous préconisons », estime pour sa part Philippe Duron. « Nous allons avoir des régions plus grandes, qu’il faudra mieux mailler. Cette évolution plaide pour le transfert des lignes qui ne vivent aujourd’hui que du cabotage régional», assure-t-il, citant en exemple la ligne Caen-Tours, « correctement fréquentée en ce qui concerne les voyages infra-régionaux, mais qui compte en moyenne 7 personnes qui empruntent la ligne de bout en bout». Au-delà, le président de l’Afitf affirme « la nécessité de revisiter le modèle ferroviaire français, en questionnant le modèle économique et de production de la SNCF ». Et déplore l’explosion du coût des TER pour les régions, « devenu leur premier budget » : « ça va devenir un problème ».
L’écotaxe ressuscitée ? – Une esquisse de solution vient toutefois de resurgir. La ministre de l’Écologie juge la mise en œuvre d’une écotaxe poids-lourds régionale comme « une bonne idée ». « Cela peut-être une bonne solution » abonde Philippe Duron, qui rappelle que les régions « demandent une recette pérenne pour le financement de leurs compétences en matière de mobilité ». Le versement transport interstitiel, qui devait y pourvoir, n’avait finalement jamais vu le jour.
Le Gouvernement doit présenter une feuille de route concernant le sort des TET le 4 juillet prochain. Mais celle-ci « ne répondra pas forcément » à la question des transferts de lignes aux régions, nous précise le cabinet du secrétaire d’État aux Transports, Alain Vidalies. Elle devrait en revanche acter la tenue d’une « indispensable concertation avec les régions ».
Je suis très étonné par l’irritation des représentants des collectivités locales sur les compétences transférées.
Dans un premier temps, les élus sollicitent des transferts de compétences, tout en sachant qu’à terme l’Etat ne reversera pas la somme correspondant aux charges.
L’Ettat a, de tout temps, procédé ainsi. Comment imaginer un changement dans ce domaine?
Concernant la positionn de l’Etat, on pourrait la résumer par un dicton: « qui coure après plusieurs lièvres n’en attrape aucun ».
L’Etat souhaite développer l’emploi, tout en préservant le maillage actuel, voire même en le développant, tout en réduisannt le prix payé par l’usager.
Que le contribuable soit obligé de payer la différence n’est pas pris en compte. L’Etat affirme que ce point est de la responsabilité des élus concernés.
On dit que ce n’est pas le changement qui est source d’anxiété mais la manière dont il est conduit.
Ne peut-on pas se demander si ce postulat s’applique aux décisions de l’Etat???