J. Ber
L’Association des ingénieurs territoriaux de France (AITF) organise à Nice, les 23 et 24 mai les Rencontres nationales de l’ingénierie publique. Retrait des services de l’Etat, inflation normative, cadre d’emploi des ingénieurs territoriaux, formation..., son président, Jean-Pierre Auger, fait un point d’actualité.
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Quel est le principal enjeu des rencontres nationales de l’ingénierie publique des 23 et 24 mai ?
Les rencontres nationales de l’ingénierie publique des 23 et 24 mai relèvent d’abord d’un nouveau concept. D’abord, elles sont élaborées selon des « parcours » : le programme est conçu de façon à ce que les thématiques ne se concurrencent pas entre elles.
À partir de quatre parcours métiers (Management et risques professionnels ; Observation valorisation et préservation de l’environnement ; Mobilités durables & Espaces publics et Aménagement du territoire) sont proposés 3 ateliers par thématique, dont les sujets concourent à approfondir l’information et les échanges dans les domaines concernés. Autre nouveauté, nous organisons à nouveau des visites techniques de partage d’expérience.
Ces rencontres ne sont pas spécifiquement dédiées à l’ingénierie territoriale…
La manifestation est ouverte à toute l’ingénierie. Nous avançons dans un esprit d’ouverture et de mutualisation. Nous travaillons de plus en plus avec l’ingénierie privée et nous sommes ouverts, même si c’est à sens unique, à l’ingénierie de l’Etat. En effet, les ingénieurs, quels qu’ils soient, travaillent désormais sur les mêmes projets. Nous avons tous intérêt à mieux nous connaître et à échanger sur nos méthodes de travail. L’ingénierie privée est désormais convaincue de l’intérêt d’une ingénierie publique territoriale forte : cela leur facilite leur travail quotidien !
Quelles sont vos relations avec les ingénieurs de l’Etat ?
Nos relations restent bonnes avec les ingénieurs de l’Etat même si l’équité n’existe pas entre nos statuts. Les ingénieurs divisionnaires des travaux publics de l’Etat peuvent être détachés dans les emplois fonctionnels du 2ème et du 1er groupe (échelon 10 : indice 1015 e échelon 11 : indice HEA). Les indices correspondants ont été créés dans la territoriale sous forme d’indices provisoires accessibles aux seuls agents de l’Etat en détachement.
Les ingénieurs de la fonction publique territoriale qui exercent les mêmes métiers que leurs collègues doivent pouvoir bénéficier de ces indices provisoires. Ces mêmes emplois fonctionnels d’ingénieurs des travaux publics de l’Etat peuvent bénéficier d’une NBI de 40 points. Il est demandé que les emplois équivalents dans la territoriale puissent bénéficier de ces mêmes dispositions en fonction de la strate démographique de la collectivité.
Quelle est votre position par rapport à l’ingénierie privée ?
Les marchés publics ouvrent des possibilités et il faut savoir s’en saisir. Le dialogue compétitif peut être très intéressant pour une collectivité. Recourir au dialogue compétitif, c’est reconnaître la complexité de certains dossiers et que la collectivité ne possède pas nécessairement tous les éléments pour les traiter. L’expertise « privée », très variée, peut s’avérer plus pointue sur certains sujets. On peut ainsi finaliser un programme plus approfondi et adapté. La collectivité se trouve alors véritablement en position d’acheteur et peut optimiser un marché. En ce sens, à nouveau, une ingénierie publique forte permet aux élus de prendre des décisions cohérentes.
Le couple ingénieur /élu est donc amené à se renforcer ?
Dans le contexte actuel, tendu financièrement et complexe au regard du respect des normes (RT, accessibilité et autres…) il doit se renforcer. Nous avions une vraie présence à affirmer. En effet, un programme doit être décidé en toute connaissance de cause, c’est-à-dire avec la maîtrise de tous les coûts de fonctionnement induits. Ainsi, entre un bâtiment existant et un bâtiment à construire, il peut y avoir des différences importantes et le bâtiment à réhabiliter coûtera bien plus cher ! Il faut entrer dans une logique patrimoniale qui va au-delà. Encore une fois, cela justifie une ingénierie publique forte en amont, même s’il s’agit par la suite d’externaliser. En ce sens, je crois que ce sont les ingénieurs qui permettront de dépasser les éléments de crise.
Quel regard porte l’AITF sur les trois projets de loi de décentralisation ?
Nous nous intéressons évidemment à la question de gouvernance pour envisager comment nos métiers et les services vont en conséquence évoluer et s’adapter. En ce sens, nous nous intéressons à la généralisation de la mutualisation, au renforcement de l’intercommunalité et à la création de métropoles. Nous devons rester disponibles pour adapter l’ingénierie territoriale aux mutations de gouvernance.
Les capacités des petites communes restent toujours une préoccupation ?
Je constate effectivement un isolement de certains élus. Nous restons cloisonnés et ne pouvons répondre à toutes les sollicitations. La mutualisation n’est pas obligatoire et les situations varient énormément d’une collectivité à l’autre, et en fonction des élus. Je suis convaincu depuis longtemps qu’une des réponses se trouve dans le renforcement de l’intercommunalité. Il me paraît clair que les services rendus hier par les services de l’Etat le seront demain par l’intercommunalité ou la commune centre Mais ce n’est pas suffisant, car ce mouvement n’est ni homogène, ni automatique.
L’AITF formule-t-elle des préconisations ?
Je n’y vois pas particulièrement d’intérêt. Les élus connaissent le fonctionnement de l’échelon local et savent qu’ils doivent s’appuyer sur les fonctionnaires territoriaux. En principe, ils n’oublieront pas le « fonctionnement local ». Je pars du principe que les ingénieurs territoriaux sont d’abord en charge d’une mission de service public. Pour autant, il faudrait éventuellement lutter contre d’autres lobbyings.
A quels lobbyings pensez-vous ?
La presse se fait beaucoup échos des urbanistes. Notre association restera vigilante pour que les étudiants possédant des diplômes sans formation scientifique et technique ne puissent pas accéder à la filière technique. Le métier d’urbaniste nécessite selon nous des connaissances et des expertises dans les domaines techniques, opérationnels et de conception ainsi qu’en sciences humaines.
En effet, le métier d’urbaniste reste largement recherché par les collectivités territoriales et il est reconnu par ces dernières. En ce sens, l’AITF a réalisé un référentiel de compétences pour le métier d’urbaniste. L’exercice de la profession d’urbaniste en tant qu’ingénieur territorial requiert la maîtrise de sciences et techniques au même titre que les autres domaines de compétences de l’ingénieur territorial, complétés par des connaissances de l’environnement territorial (juridique, social, politique, géographique….).
Quels sont les domaines de formation des ingénieurs qui seraient à développer ?
Tout la technique est d’ores et déjà entouré de réglementaire ! C’est notre quotidien, qu’il s’agisse d’urbanisme, de marchés publics ou de normes. Nous n’ignorons évidemment pas les questions financières. Nous devons être en mesure de conseillers les élus sur tous ces aspects.
Ainsi, par exemple, nous travaillons avec le CNFPT afin que pour l’accès au grade d’ingénieur en chef, il y ait des formations et des sujets adaptées aux collectivités, qu’il s’agisse de management ou de finances publiques. Par ailleurs, une étude prospective a été menée par le CNFPT et l’AITF sur l’évolution des métiers des ingénieurs territoriaux fondée sur 216 témoignages (élus, directeurs généraux, ingénieurs). Cette étude est construite sur 3 axes : le passé (l’évolution depuis 10 ans) ; le présent (les tâches, les responsabilités et les enjeux actuels) ; le futur (départ des baby-boomer, le recrutement, la formation…).
En tant que jeune urbaniste, je subit de plein fouet cette discrimination d’accès au titre d’ingénieur. Alors que mon niveau d’étude me le permettait (bac +5) ainsi que mes compétences, jamais je n’aurai ce grade ! Nous assistons en fait à un coup de force des grandes écoles contre le monde universitaire public !
L’AITF devrait faire attention. Je demande ici l’arrêt de cette position corporatiste et demande la démission de JP AUGER. La pétition du CNJU a été signée par plus de 10000 personnes dont des personnalités politiques importantes.
François Hollande avait promis un accès aux universitaires au grade d’ingé. On attend toujours !!
Stop le corporatisme !