Les annonces d’Elisabeth Borne concernant le projet de réforme des retraites et son report de l’âge légal à 64 ans ont fait vivement réagir les fonctionnaires sur les réseaux sociaux… tout en réalimentant le fonctionnaire bashing.
Déjà, à quelques jours de ces déclarations, l’intervention de Stanislas Guerini, ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, au micro d’Europe 1 le 6 janvier, n’est pas passée inaperçue.
Une agente interpellait déjà, sur Twitter, le ministre : « Bonjour Monsieur @StanGuerini, est-il prévu dans vos discussions avec les organisations syndicales de revoir le calcul des retraites des fonctionnaires pour y inclure les primes ? Les catégories C se retrouvent aujourd’hui avec des retraites faibles autour de 1 000 € ».
Bonjour Monsieur @StanGuerini, est-il prévu dans vos discussions avec les organisations syndicales de revoir le calcul des retraites des fonctionnaires pour y inclure les primes ?
Les catégories C se retrouvent aujourd'hui avec des retraites faibles autour de 1000€. https://t.co/4bZ2sCznJr— VeraLynn22 (@VeraLynn22) January 6, 2023
Calcul « équitable »
Considérés comme avantagés sur le calcul des pensions portant sur les 6 derniers mois de leurs carrières, contre les 25 dernières années pour les salariés du privé, les agents publics ont recadré le débat sur les réseaux en mettant l’accent sur la non-prise en compte des primes dans ce calcul.
Ainsi, une internaute répond qu’il n’y a pas d’injustice à dénoncer « puisqu’une partie de nos revenus est donnée sous forme de primes qui ne rentrent pas dans le calcul des retraites des fonctionnaires. Si nous passons sur le mode de calcul du privé, les primes seront alors intégrées et je ne suis pas sûre que l’État sera gagnant ! »
« La retraite des fonctionnaires, c’est 75 % du dernier traitement, mais HORS PRIME, sachant que les fonctionnaires n’ont pas de retraite complémentaire, à part la RAFP, qui représente peanuts. Mon dernier traitement était de 4 500 € ma retraite globale est de 2 500 €, soit 55 % », témoigne un autre.
La retraite des fonctionnaires, c'est 75 % du dernier traitement,
mais HORS PRIME, sachant que les fonctionnaires n'ont pas de retraite complémentaire, à part la RAFP ,qui représente peanuts.
Mon dernier traitement était de 4500 €
ma retraite globale est de 2500 €, soit 55 %— Papou 😎 (@MichelF29015597) January 11, 2023
« C’était contre la réforme Touraine en 2014 qu’il fallait s’opposer et les 43 années de cotisation. De facto, ça vous amène à 64 ans si vous avez commencé à travailler vers 21-22 ans. La réforme Dussopt entérine ce principe et l’étend aux générations qui n’étaient pas concernées par la réforme Touraine. L’impression que les syndicats se réveillent un peu tard sur le sujet », commente un lecteur de la Gazette des communes sous notre article « Réforme des retraites : les mesures pour la fonction publique » en date du 10 janvier.
Pénibilité
D’autres concentrent leurs contre-arguments au fonctionnaire bashing – dont certains éditorialistes se font l’écho -, sur la pénibilité de leurs métiers : « Je suis fonctionnaire (aide-soignante) [et] bientôt, j’espère, une de moins. Nous sommes pour vous l’espèce à abattre !!! Retraite à 64 ans !! Dos cassé de porter des résidents plusieurs fois par jour, 5 ou 6 jours par semaine… Seriez-vous d’accord !!! »
@PascalPraud bonsoir, je suis fonctionnaire…aide soignante…. bientôt, j'espère, une de moins.
Nous sommes pour vous l'espèce à abattre !!! Retraite à 64ans!! Dos cassé de porter des résidents plusieurs fois par jour, 5 ou 6 jours/semaine…seriez vous d'accord !!!— GRANGE Edith (@GRANGE64845911) January 11, 2023
Sous notre interview de Philippe Laurent, publiée le 4 janvier, un lecteur argumente encore : « Comment ne pas avoir le cœur serré d’imaginer ces agents territoriaux souffrir au travail, penser aux personnels hospitalier, mobilisable à chaque instant, travaillant de jour comme de nuit, semaines et weekends ? Quid du sort des forces de l’ordre ? Les éboueurs, les personnels attachés à la sûreté nucléaire civile et bien d’autres. On en bave partout mon bon monsieur et l’avantage de travailler dans une collectivité territoriale n’expose pas à un danger, mais demeure une chance font bien des Français aimeraient disposer… »
Excédée, une agente territoriale y va aussi de son commentaire sur Twitter : « Y a pas que les profs, les agents territoriaux ont perdu beaucoup sous prétexte qu’on a trois jours de carence. Genre, on est tous en arrêt 1 fois par mois. Une retraite sur les six derniers mois, on est payé comme des merdes, pendant 40 ans. Oui, on pourrait partir, mais qui ferait notre job??? »
Ya pas que les prof , les agents territoriaux ont perdu bcp sous prétexte qu on a 3j de carence..genre on est tous en arrêt 1 fois par mois..et une retraite sur les 6 dernier mois on est payé comme des merde pendant 40ans..
Oui ont pourrait partir mais qui ferait notre job???— Mélanie Guivarch (@MlanieGuivarch) January 5, 2023
La question de l’efficience d’un service public, avec des agents vieillissants aux métiers pénibles comme ceux de la sécurité civile, fait également partie des craintes : « Personnellement, je ne souhaite avoir besoin de l’assistance d’un SP d’un « certain âge » dont les performances physiques pourraient nuire à la qualité de l’intervention. On se demande ce qui traverse l’esprit de nos gouvernants si ce n’est de la malveillance et du mépris pour l’ensemble des travailleurs de ce pays », s’indigne un lecteur de notre article « Les syndicats de sapeurs-pompiers vent debout contre la réforme des retraites » du 4 janvier.
Certains territoriaux épinglent également l’inégalité du projet de réforme pour les femmes. Ainsi, une abonnée regrette « que l’on applique pas les mêmes droits pour les femmes dans les secteurs privé et public lorsqu’elles ont eu des enfants. Pourquoi valide-t-on plus de trimestre en étant dans le privé ?
Même sujet pour le temps partiel qu’effectuent souvent les femmes. Pourquoi les femmes travaillant dans le public perdent-elles tous les 5 ans 1 an lorsqu’elles travaillent à 80%, alors que ce n’est pas le cas dans le privé ? », toujours en réaction à notre article du 10 janvier.
Postes « placards » en attendant le départ
Une comptable à la Direction régionale des Finances publiques de Loire atlantique et des pays de la Loire fait le même constat sur LinkedIn, réseau où se concentrent beaucoup de cadres territoriaux. « Née en 67, je prends deux ans de plus et un rallongement des cotisations. En plus je suis fonctionnaire, ma pension est calculée sans les primes… Je devrai travailler jusqu’à 67 ans pour avoir une pension complète… Je ne suis pas sûre d’être à la hauteur des exigences de mon métier à 67 ans….. j’ai tenté de progresser en grade pour compenser, mais avec les suppressions de postes au ministère des Finances, je suis « bloquée ». J’aurais accepté de faire un an de plus pour éviter à mes enfants de payer ma retraite, mais deux, voire quatre de plus… je suis en colère », commente-t-elle.
Une DRH de la région parisienne pointe, elle, les conséquences concrètes pour les collectivités : « A nouveau, pour des questions d’équilibre financier douteux, ce recul de l’âge de départ va peser sur les collectivités territoriales… Il reviendra encore plus aux administrations de « trouver » aux employés fatigués par la pénibilité, des postes placards en attendant le départ. Le coût sera répercuté en frais de personnel non seulement du fait de l’absentéisme, du manque d’efficience du personnel et de la mobilisation des RH incessante afin de s’engouffrer dans des longues procédures, stériles et inévitablement chronophages. Et ce constat fait, on viendra pointer du doigt la fonction publique territoriale ou hospitalière qui coute trop cher… »
Loin des idées reçues, les territoriaux se mettent rarement à la retraite à l’âge légal de départ de 62 ans comme en témoigne un lecteur de la Gazette des communes en réponse à notre article du 21 juillet, « Les territoriaux partent-ils vraiment à la retraite quand ils le veulent ? « . « La DRH de nos structures instruit une trentaine de départs par an depuis quelques années. Moins de la moitié des agents partent en carrière longue, à 60 ans. Un plus grand nombre partent dans leur 63ᵉ année. Mais chaque année, nous avons des départs à 65 et plus et une demande de dépassement au-delà de 67 ans par an. »
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