Avec l’inflation, la hausse des tarifs des cantines scolaires est-elle inéluctable ?
Les villes de France Urbaine, qui comme Paris, ont une politique alimentaire, gardent en tête l’enjeu de préserver le pouvoir d’achat des convives. Au sein de la commission Stratégies alimentaires territoriales, les villes membres ont fait voter des subventions supplémentaires pour boucler leur budget. Nous agissons aussi sur le gaspillage de la nourriture, qui permet de faire beaucoup d’économies.
Les cuisiniers et gestionnaires de cantines doivent adapter les menus pour respecter des tarifs contraints et parer aux pénuries. Ces difficultés pourraient-elles ralentir les efforts déjà nombreux pour se conformer à « Egalim » (bio, circuits courts, sans plastique…) ?
Les membres de France Urbaine sont en avance ou en chemin par rapport à la loi Egalim. Ce serait un mauvais prétexte d’utiliser l’inflation pour ralentir le soutien aux producteurs et diminuer la qualité des denrées.
France Urbaine représente les villes de plus de 100 000 habitants et les agglomérations à partir de de 250 000 habitants (soit près de 30 millions de français sur 108 territoires). Ce ne sont pas ces villes qui ont le plus de facilité à s’approvisionner en circuits courts et en bio, à cause des volumes dont elles ont besoin. Et pourtant, nous sommes un certain nombre, très volontaristes, à ne pas baisser la part du bio, comme Paris, Dijon, Grenoble, Strasbourg, Montpellier, Nantes…
À Paris, nous avons voté en juin notre plan alimentation durable, fixant la part du bio ou durable à 100 % en 2026-2027 (fin du mandat) dont 75 % de bio (contre 54 % aujourd’hui). Ces denrées bio devront venir à 50 % de moins de 250 km de la capitale.
Dans cette perspective, la gestion en régie et la maîtrise des outils de production sont-ils une tendance pour les métropoles ?
En tout cas, la tendance est à la relocalisation de la production. Le souhait de France Urbaine est d’accompagner l’agriculture vers plus de bio, de permaculture, d’agro-foresterie… Et d’aller vers moins, voire pas du tout d’agrochimie. Les villes veulent accélérer cette transition, en se fournissant sur leur territoire et en le dynamisant… Sans vision d’auto-suffisance pour autant.
Pour Paris, en fournissant la restauration collective publique pour 50 % à proximité, on change le paysage agricole ! C’est une tendance de fond d’utiliser le levier de la commande publique à cet effet.
Pour ce faire, vous faites partie des organisations de collectivités qui demandez une exception alimentaire dans les règles de marchés publics…
Oui, car aujourd’hui on peut se fournir localement à condition de mettre des contraintes fortes dans nos marchés. Par exemple : les convives doivent pouvoir se rendre sur l’exploitation qui les fournit en légumes. Il y a encore le critère des gaz à effet de serre mais ils restent difficiles à mesurer… Nous devons user de ficelles, de pirouettes, or il s’agit de défendre l’intérêt général ; en amont pour défendre le revenu des agriculteurs et en aval pour la qualité des repas et la protection de l’environnement. L’exception pourrait concerner au moins une partie de nos appels d’offres. La France peut se saisir de ce sujet pour le défendre au niveau européen. Ce n’est pour l’instant pas à l’agenda de l’État même si certains députés commencent à s’en emparer – de tous bords d’ailleurs.