A l’heure où l’accès à internet conditionne radicalement celui aux droits fondamentaux comme le logement, l’emploi, la santé et les prestations sociales, ne plus pouvoir payer sa connexion accentue l’exclusion des Françaises et des Français les plus pauvres. Lutter contre l’exclusion par le numérique, c’est avant tout assumer les règles républicaines qui posent que le service public doit être non marchand, égal et solidaire. La gratuité des services publics fondamentaux doit être assurée et, avec elle, celle des services publics numérisés.
Gratuité des services publics numériques
Les études prouvent successivement depuis les années 2000 que le principal obstacle à l’accès à internet (obtention du matériel informatique et connexion au réseau de télécommunications) réside dans son coût financier. Dans ces conditions, « dématérialiser 100 % des services publics en 2022 » est une disposition favorable au secteur de l’économie numérique, mais qui n’engage pas à la solidarité avec les plus démunis. L’école, la santé et l’action sociale sont « gratuites » grâce à une fiscalité dédiée à la justice sociale, basée sur un principe d’équité verticale. Comme le rappelle l’économiste Emmanuel Saez : « La pauvreté présente dans les pays développés est un résultat négatif du marché que les gouvernements doivent corriger par la redistribution. »
Le secteur de l’économie numérique ne doit pas échapper à cette règle et le gouvernement doit lui imposer d’assumer sa part contributive. Garantir la gratuité des services publics numériques fondamentaux passe ainsi par la mise en place du fameux tarif social de l’internet, avec une grille commençant par la gratuité pour les foyers en dessous du seuil de pauvreté. Tarif qu’aucun gouvernement n’a voulu imposer sans restrictions aux opérateurs.
Pass numérique
Ceux qui ont le plus besoin de l’aide publique sont les plus éloignés des services dématérialisés, en premier lieu les familles monoparentales et les femmes en situation de fragilité. Le coût du matériel et de la connexion à internet constitue le premier frein à l’accès au numérique. Sans l’instauration d’un tarif social de l’internet, les mesures récentes de formation sont des pansements sur une jambe de bois. La sécurisation de la connexion des aidants (médiation familiale pour l’accès aux services), FranceConnect aidants, le financement de dix hubs France connectée pour la médiation numérique dans les territoires et le pass numérique pour accéder à vingt heures de formation au numérique ne sont pas des mesures qui installent à elles seules durablement le service social numérique qui s’impose.
Le courage politique appelle à faire du service public numérique un bien public, au même titre que l’eau ou l’énergie. Ce que l’ONU a proposé dès 2012, en reconnaissant « l’accès à internet comme un droit fondamental ». Une décision qui peut déjà être prise à l’échelle des collectivités locales et mise en œuvre collégialement entre les acteurs académiques, économiques et politiques. Encore une fois, les villes et les départements pourraient bien montrer l’exemple d’une pratique à généraliser dans la loi !
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