Le décret publié fin janvier qui organise l'optimisation de la gestion des réseaux d'eau et d'assainissement par les collectivités territoriales impose des conditions très lourdes pour les gestionnaires. Au plan technique comme financier.
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Le décret paru le 27 janvier 2012 lance officiellement le grand chantier inscrit dans la loi Grenelle 2 qui impose aux collectivités d’optimiser la gestion patrimoniale de leurs réseaux d’eau et d’assainissement.
En clair, il leur est demandé de réaliser avant le 31 décembre 2013 un inventaire détaillé de leurs réseaux d’eau potable et d’assainissement, ainsi que d’évaluer les fuites sur les réseaux d’eau.
Le niveau d’exigence fixé par le ministère de l’Ecologie est élevé : le rendement des réseaux d’eau doit en effet être supérieur à 85% en milieu urbain et à 70% en milieu rural.
Si le seuil n’est pas atteint, les collectivités devront lancer un plan d’action sur 3 ans avec un programme de travaux de réparation. Celles qui ne le feront pas se verront sanctionner par une majoration de la redevance pour prélèvement sur la ressource en eau.
Inventaire des réseaux – Le cadre de cet inventaire a été précisé par le nouveau décret : "Le descriptif doit inclure, d’une part, le plan des réseaux mentionnant la localisation des dispositifs généraux de mesure, d’autre part, un inventaire des réseaux comprenant la mention des linéaires de canalisations, la catégorie de l’ouvrage, des informations cartographiques ainsi que les informations disponibles sur les matériaux utilisés et les diamètres des canalisations", indique-t-il. Ce descriptif devra être mis à jour tous les ans.
La tâche risque de ne pas être simple, tant les collectivités connaissent mal leurs réseaux et leurs caractéristiques. Certes, depuis plusieurs années, les collectivités se sont lancées dans cette démarche en s’équipant de logiciels spécifiques – des systèmes d’information géographique (SIG) -, souvent en intégrant le déploiement de cet outil dans le cadre d’un avenant à leur contrat de délégation de service public, d’une renégociation de contrat ou du changement de délégataire.
Mais le niveau d’équipement en SIG des collectivités reste encore limité. En juin 2010, 28 000 communes déclaraient avoir des plans à jour de leurs réseaux, dont 15000 qui disposaient d’un SIG pour tout ou partie de leur réseau.
Un lourd effort financier – Les collectivités ne cachent pas leurs inquiétudes face à ce vaste chantier, car les sommes en jeu sont conséquentes.
« Actuellement, le renouvellement des réseaux d’eau est compris entre 5 000 et 5 500 km de linéaires de canalisations par an, ce qui représente un coût de 0,8 milliard d’euros, souligne Denis Merville, président de la commission développement durable de l’Association des maires de France. Pour atteindre les objectifs prévus par le décret, il faudrait doubler ces investissements. On s’attend à un montant annuel compris entre 1,4 et 2 milliards (équivalent à 10 000 à 15 000 km de canalisations renouvelées, ndlr ) ».
Impact sur la facture d’eau – Etant donné que les services d’eau doivent fonctionner selon le principe de « l’eau paie l’eau », les investissements vont logiquement se reporter sur les consommateurs et entraîner une hausse de la facture d’eau.
Le budget général des collectivités ne sera donc pas impacté, à l’inverse du pouvoir d’achat des citoyens. L’équation sera encore plus difficile en milieu rural, car le nombre d’abonnés au service est faible, les réseaux très longs, et les fuites plus nombreuses.
Dans ce contexte, les collectivités ont obtenu du ministère que les sommes résultant de la majoration de la redevance pour prélèvement sur la ressource en eau soient regroupées puis affectées, sous forme de subventions des agences de l’eau, à la rénovation des réseaux d’eau.
Dernière solution pour les collectivités qui ont fait le choix de la délégation de service public : essayer de reporter cet effort financier sur leurs délégataires, dans le cadre d’un avenant, d’une renégociation ou d’un renouvellement de contrat.
Beaucoup de collectivités s’intéressent peu à ce qui se passe en sous-sol car cela ne se voit pas, d’autres refusent de mettre en place un SIG… Quant aux usagers, il paie déjà d’une certaine façon, vu le martèlement des distributeurs pour obliger leurs clients à prendre une assurance fuites ; ainsi, ces distributeurs constituent déjà leur trésorerie.