Lors de la rencontre d’ESS France, le 13 septembre, vous avez annoncé votre volonté de relancer les pôles territoriaux de coopération économique (PTCE). Qu’en est-il ?
J’ai fait beaucoup de consultations depuis que j’ai été nommée, et j’ai pu constater que les PTCE sont plébiscités par les acteurs territoriaux et notamment les élus. Un PTCE, cela peut être une dirigeante d’association, un chef d’entreprise, un entrepreneur individuel, une coopérative, une collectivité locale, un chercheur, un citoyen… qui se rassemblent. Tous avec un objectif commun : répondre ensemble à des besoins du territoire, dans un but innovant et durable.
2,5 millions d’euros sont investis pour les PTCE, dans le but de garder les emplois dans les tissus économique locaux, et aussi bien sûr de pouvoir favoriser la coopération et l’innovation entre les acteurs économiques, associatifs et les collectivités territoriales.
Un AMI avait déjà été lancé l’an dernier par votre prédécesseure, Olivia Grégoire…
Il ne faut pas arrêter ce qui fonctionne sous prétexte qu’on change de ministre ! Il y a eu un premier AMI qui a été lancé l’année dernière et, là, on met de l’argent en plus pour poursuivre et soutenir ces nouveaux PTCE. Sur les 2,5 millions que j’évoquais, 1 million est attribué pour un bouquet de services qui accompagne près de 120 PTCE existant déjà et pour lesquels on amplifie la démarche d’accompagnement.
C’est un bouquet de services important qui va de l’accompagnement par les pairs, au mentorat, visites apprenantes… qui sont gérés par le Conseil national de l’animation des PTCE, dans un optique de coconstruction. C’est le lancement d’une « phase 2 » pour relancer et intensifier les PTCE, de façon plus forte.
Les 1,5 million d’euros restants seront répartis entre 15 lauréats à l’issue de l’AMI qui sera publié demain [15 septembre] pour une durée d’un mois et qui a pour but de permettre aux PTCE choisis de changer d’échelle et d’aller plus loin. Cela fera 100 000 euros pour chaque lauréat sur deux ans.
Certains acteurs de l’ESS craignent que les financements ne soient pas pérennes, qu’après les deux ans de soutien au départ, il n’y ait plus de moyens mis sur la table. Pouvez-vous les rassurer ?
Les PTCE ont vocation à durer et à être soutenus par l’Etat. Peut-être qu’on pourra réfléchir ensemble sur le nom, car ce n’est pas facile de promouvoir les « PTCE » auprès des gens qui ne sont pas connaisseurs du sujet ! Mais cela reste des formes de promotion de l’économie circulaire, des antidotes à la délocalisation. Ils permettent de renforcer l’écosystème d’un territoire et de faire travailler tous les acteurs de la chaîne.
Ce sont aussi de belles aventures humaines qui se construisent quand les horizons se mêlent. C’est dans cette démarche que je suis allée rendre visite à de nombreuses actions de PTCE, soit de coportage de nouvelles activités économiques, soit de mutualisation de locaux, salariés, compétences…
Il y a beaucoup d’attentes concernant le PLF 2023 pour le secteur de l’ESS plus globalement…
Je souhaite pouvoir continuer à financer toutes les têtes de réseau, je le leur ai d’ailleurs annoncé. Et, au-delà des financements annoncés pour les PTCE, je vais chercher de l’argent partout où on peut en trouver pour l’économie sociale et solidaire, y compris dans l’économie dite « de droit commun ». Par exemple, début 2023, on aura plus d’une dizaine de contrats à impact signés et financés à hauteur de 45 millions d’euros, ce qui est énorme.
Nous avons publié, conjointement, avec le ministre du Travail, Olivier Dussopt, deux appels à projets dans le cadre du FSE. L’un avec 6,5 millions d’euros en soutien aux actions de professionnalisation des têtes de réseau nationales de l’insertion par l’activité économique ou pour des associations d’envergure nationale qui opèrent dans le champ de l’insertion. Le deuxième appel à projets, de 15 millions d’euros, en soutien aux actions de structuration et de professionnalisation des têtes de réseau nationales de la création d’entreprises et des structures nationales de l’ESS. Nous invitons tous les acteurs à s’en saisir.
Je vais continuer à les soutenir dans le cadre de France 2030, dans le cadre de tous les budgets qui pourront être dégagés pour aller chercher la part qui doit revenir à l’ESS.
Y a-t-il beaucoup de leviers ?
Je pense qu’il y a des leviers et il faut les activer. Je ne dirais pas qu’il y a beaucoup de leviers. Nous sommes dans une période d’équilibre budgétaire, après la fin du « quoi qu’il en coûte » pour soutenir l’économie pendant la pandémie de Covid. Je ne vais donc pas faire croire que ce sera une économie entièrement subventionnée. D’ailleurs, les acteurs de l’ESS ont souvent dit que dans « économie sociale et solidaire », il y a « économie ». Ca leur importe d’être à l’équilibre dans leurs projets. Mais, pour moi, l’idée est de trouver tous les financements possibles, y compris au niveau européen.
Et le financement est aussi une question avec les collectivités. Quelle que soit leur bord politique, certaines mettent des moyens pour soutenir l’ESS. Des collectivités s’engagent et cofinancent avec l’Etat de nombreuses initiatives. C’est important de le souligner.
Il y a enfin une source de financement de l’ESS dans l’économie traditionnelle. Des grandes entreprises ont vocation à financer l’ESS. Je suis en charge du mécénat, de la philanthropie et des fondations d’entreprises, j’aurai donc vocation à être la « VRP » de l’ESS auprès d’elles.
Les collectivités sont présentes, mais les situations sont très différentes d’une région à l’autre, avec des élus plus ou moins sensibilisés. Allez-vous faire un travail sur ce point ?
Oui, j’ai d’ailleurs entendu l’interpellation de Jérôme Saddier hier lors de la rentrée politique du plaidoyer d’ESS France, où il a expliqué que, dans la région Auvergne-Rhône-Alpes, la chambre régionale de l’ESS était marginalisée par le président de région. J’ai entendu cette alerte et je vais regarder ce qu’il en est. Cela fait pleinement partie de mon travail en tant que ministre de faire mieux connaître l’ESS.
Il peut y avoir des postures politiques de gens qui méconnaissent encore l’ESS. Mais je crois que quand on crée les rencontres, on ne peut être que convaincu par les modèles de l’économie sociale et solidaire. Il faut battre en brèche les idées reçues que certains peuvent avoir sur ce secteur.
Face aux défis budgétaires, par exemple l’augmentation des tarifs énergétiques, pensez-vous que les collectivités vont pouvoir continuer à investir dans l’ESS ?
C’est un choix politique qui incombe à chaque élu dans le cadre de la libre administration de sa collectivité. Ce sera aux élus de rendre compte de ces choix. Mais je pense qu’il ne faut pas opposer la volonté de sobriété ou l’augmentation des prix dans le cadre de la transition énergétique, d’une part, et l’économie sociale et solidaire, d’autre part. Au contraire, elle est pourvoyeuse de solutions en matière de sobriété, en matière de pouvoir d’achat.
Quand on promeut l’économie circulaire, les circuits courts, les coopératives, les formes dans lesquelles les collectivités peuvent avoir voix au chapitre comme les SCIC, on apporte des solutions. Ce serait une erreur de prendre ce prétexte pour ne pas mettre en avant l’économie sociale et solidaire. Au contraire, il faut s’en inspirer.
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