Les mesures économiques d’urgence financées par l’Etat et les collectivités se multiplient ces derniers jours. Pourtant le ministre des collectivités locales, Sébastien Lecornu, rappelle dans une interview à la Gazette « qu’il n’y a pas d’argent magique » et que « tout le monde devra faire des efforts ». Comment expliquez-vous ce paradoxe ?
Ces propos de Sébastien Lecornu sont scandaleux en pleine crise sanitaire. Il ne faut pas oublier que cette expression « il n’y a pas d’argent magique » a été prononcée quelques mois avant par Emmanuel Macron a une infirmière qui l’interpellait sur le manque de moyens à l’hôpital. En fait notre ministre des collectivités locales, comme Macron et une partie des hauts fonctionnaires, traite les collectivités locales avec dédain. Elles sont perçues comme des gaspilleurs d’argent public. Donc le message est clair, après la crise, les coupes sur les collectivités territoriales seront encore plus fortes.
En quoi cette rhétorique « austéritaire » est-elle dangereuse ?
Depuis les coupes appliquées sous le quinquennat Hollande, l’investissement dans les collectivités locales n’a jamais autant chuté depuis la seconde guerre mondiale. Il faut arrêter de penser que les économies n’ont pas d’impacts concrets sur des vies humaines. La logique austéritaire sur les collectivités locales amène une dégradation des services publics locaux comme les bibliothèques, les transports urbains, les crèches, les écoles ou les services de nettoyage. Dans les zones rurales ou très petites villes, elle accélère la fermeture des services publics. Tout cela impacte directement des populations.
Craignez-vous une baisse des ressources des collectivités et un recul des services publics locaux après l’urgence sanitaire ?
Compte tenu de la grille de lecture idéologique de nos dirigeants, j’ai bien peur qu’ils nous refassent l’après crise de 2008 en accusant les populations de vivre au dessus de leurs moyens ou d’avoir trop de protections. Les économies sur les collectivités territoriales n’avaient qu’un seul but réduire le déficit public. Rappelons que dans son programme Emmanuel Macron voulait supprimer 70000 postes de fonctionnaires dans les collectivités locales dont les ¾ sont des catégories C. J’ai bien peur qu’après la crise du Covid-19, ce gouvernement prépare un véritable carnage.
Ne faut-il pas profiter des comptes assainis des collectivités pour leur demander des efforts et pour pouvoir soutenir les entreprises ?
Il n’y a rien de plus bête que de demander des efforts budgétaires supplémentaires en période de crise. Cela accroît même la crise. Il faut plutôt faire l’inverse. Mais j’ai bien peur qu’avec les compétences de ceux qui nous gouvernent, on nous refasse le même scénario qu’après la crise de 2008 qui a consisté à vouloir réduire trop rapidement le déficit public pendant que les Etats-Unis faisait l’inverse. Le résultat a été que la France a mis huit ans a retrouver son niveau de PIB d’avant crise lorsque les Etats-Unis ont mis trois ans. Il y a encore des territoires en France qui pâtissent de cette politique et dont les habitants sont plus pauvres qu’il y a 10 ans.
Les collectivités se mobilisent à travers de nombreuses initiatives. Quel est le (nouveau) rôle des acteurs publics et notamment des pouvoirs locaux dans cette période de crise que nous traversons ?
Je pense que les élus locaux font comme ils peuvent avec les moyens dont ils disposent. Il ne faut pas cesser de rappeler pendant cette crise que les premières personnes mobilisées sont les personnels soignants, de l’éducation, de l’animation, de l’entretien, les aides à domicile… Ces gens dont on a mis en cause pendant des années leur utilité, les assimilant souvent à du gaspillage d’argent, sont aujourd’hui en première ligne. Macron rêvait de jeunes qui voulaient être millionnaires et de start-up nation, aujourd’hui les gens en première ligne face à la crise sont à mille lieues de ça. S’il ne s’en souvient pas, il faudra que les français lui rappellent.
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