Adopter un enfant impose de satisfaire à de nombreuses exigences juridiques. Un dispositif qui pourrait évoluer dans les prochains mois.
Quelle est la différence entre adoption simple et adoption plénière ?
Dans le cadre d’une adoption plénière, l’enfant adopté possède les mêmes droits que l’enfant légitime. S’il est né à l’étranger, il acquiert automatiquement la nationalité française. En revanche, dans le cadre d’une adoption simple, des liens sont maintenus avec la famille biologique, l’enfant adopté conserve son droit à l’héritage dans les deux familles, biologique et adoptive.
L’adoption simple peut être révoquée en cas de motif grave, à la demande de l’adoptant si l’adopté est âgé de plus de 15 ans, de l’adopté majeur ou, si ce dernier est mineur, du ministère public. Les père et mère biologiques ou, à défaut, un membre de sa famille biologique jusqu’au degré de cousin germain inclus peuvent aussi demander la révocation. Le jugement révoquant l’adoption doit être motivé.
Quelles sont les conditions requises pour une adoption plénière ?
Les articles 343 et suivants du Code civil fixent les conditions préalables à l’adoption plénière. Une personne célibataire doit ainsi être âgée de plus de 28 ans et avoir une différence d’âge avec l’enfant de 15 ans au moins. Si l’enfant adopté est celui du concubin, cette différence est ramenée à dix ans minimum (article 344 du Code civil). Toutefois, le tribunal peut, s’il existe de « justes motifs », prononcer l’adoption lorsque la différence d’âge est inférieure.
Si l’adoption est demandée par deux époux, non séparés de corps, ceux-ci doivent être mariés depuis plus de deux ans ou être âgés l’un et l’autre de plus de 28 ans. L’adoption plénière n’est permise que si l’enfant a moins de 15 ans, et s’il est accueilli au foyer du ou des adoptants depuis au moins six mois. Toutefois, si l’enfant a plus de 15 ans et a été accueilli avant d’avoir atteint cet âge par des personnes qui ne remplissaient pas les conditions légales pour adopter ou s’il a fait l’objet d’une adoption simple avant d’avoir atteint cet âge, l’adoption plénière pourra être demandée, si les conditions en sont remplies, pendant la minorité de l’enfant et dans les deux ans suivant sa majorité. Enfin, s’il est âgé de plus de 13 ans, l’adopté doit consentir personnellement à son adoption plénière.
Comment engager une procédure d’adoption ?
Toute demande d’adoption est conditionnée par la délivrance d’un agrément, qui doit être demandé auprès du service de l’aide sociale à l’enfance (ASE) du conseil général (art. R.225-1 à 8 du Code de l’action sociale et des familles – CASF). Le service de l’ASE, après avoir fait remplir un dossier administratif de demande d’agrément, va procéder à une enquête sociale et à des examens psychologiques du ou des candidats à l’adoption. L’agrément est délivré par le président du conseil général.
Une notice décrit le projet d’adoption des personnes agréées. Elle peut être révisée par le président du conseil général sur demande du ou des candidats à l’adoption. Elle indique par exemple leurs préférences en termes d’âge de l’enfant.
L’agrément, qui est valable cinq ans, doit être renouvelé chaque année. Au terme de la deuxième année, le dossier sera actualisé par le service de l’ASE pour vérifier que les conditions d’accueil demeurent satisfaisantes. Tout changement dans la situation des candidats à l’adoption doit être signalé. Par exemple, en cas de déménagement dans un autre département, le titulaire d’un agrément doit, dans un délai de deux mois, informer le conseil général de sa nouvelle résidence.
Quels sont les recours en cas de refus d’agrément ?
Le refus d’agrément est toujours motivé. La personne concernée peut alors déposer un recours gracieux auprès du président du conseil général dans un délai de deux mois après la notification de la décision ou exercer un recours devant les juridictions administratives (tribunal administratif puis cour administrative d’appel).
Selon l’article 353-1 du Code civil, si l’agrément a été refusé ou n’a pas été délivré dans le délai légal, le tribunal peut prononcer l’adoption s’il estime que les requérants sont aptes à accueillir l’enfant et que celle-ci est conforme à son intérêt. En cas de refus, une nouvelle demande ne pourra être déposée qu’après un délai de trente mois suivant cette décision.
Quel est le rôle de l’Agence française de l’adoption ?
La loi du 4 juillet 2005 portant réforme de l’adoption a créé l’Agence française de l’adoption (AFA). Celle-ci a pour missions d’informer, de conseiller et de servir d’intermédiaire pour l’adoption de mineurs étrangers jusqu’à 15 ans. L’AFA est autorisée à intervenir comme intermédiaire pour l’adoption dans tous les départements. Elle est également habilitée à intervenir comme intermédiaire pour l’adoption dans les Etats parties à la convention de La Haye (lire la question n ° 6). Elle doit obtenir l’habilitation du ministre chargé des affaires étrangères pour les autres pays.
Dans chaque département, le président du conseil général désigne, au sein de ses services, au moins une personne chargée d’assurer les relations avec l’AFA (art. L.225-16 du CASF).
Quel est l’objet de la convention de La Haye ?
La convention de La Haye sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale, conclue le 29 mai 1993 et entrée en vigueur le 1ermai 1995, a été ratifiée ou adoptée par cinquante et un pays. Elle a pour objet » d’établir des garanties pour que les adoptions internationales aient lieu dans l’intérêt supérieur de l’enfant et dans le respect des droits fondamentaux […], d’instaurer un système de coopération entre les Etats contractants pour assurer le respect de ces garanties et prévenir ainsi l’enlèvement, la vente ou la traite d’enfants, d’assurer la reconnaissance dans les Etats contractants des adoptions réalisées selon la Convention» (art. 1).
L’article 21 de la convention internationale des droits de l’enfant du 20 novembre 1989, signée et ratifiée par 191 pays, pose également cinq conditions aux Etats parties qui admettent et/ou autorisent l’adoption.
Quelles sont les modalités à suivre en cas d’adoption internationale ?
Les titulaires d’un agrément devront demander un visa « long séjour adoption », qui sera délivré par le consulat de France du pays d’origine de l’enfant, après accord de la Mission de l’adoption internationale (MAI), laquelle vérifiera notamment la validité de l’agrément.
Le titulaire d’un agrément peut entreprendre une démarche individuelle, dans les pays d’origine qui l’autorisent et ne sont pas signataires la convention de La Haye de 1993. Il peut aussi choisir d’être accompagné par l’AFA et le service de l’aide sociale à l’enfance. L’AFA deviendra alors l’intermédiaire pour l’adoption de mineurs étrangers dans les pays parties à la convention de La Haye de 1993, ainsi que dans ceux où elle est habilitée à intervenir. Troisième solution, le titulaire de l’agrément peut solliciter l’assistance d’un organisme autorisé pour l’adoption (OAA) par le ministère des Affaires étrangères.
3 162 enfants originaires de 74 pays étrangers ont été adoptés par des familles françaises en 2007 : 37,9 % d’adoptions individuelles, 41,8 % avec l’assistance d’une OAA et 19 % par le biais de l’AFA. Près de 80 % des enfants adoptés en France sont nés à l’étranger.
Comment l’adoption est-elle prononcée ?
Dans le cas d’une adoption internationale, les parents doivent, dès qu’ils reviennent en France, signaler leur retour au service de l’ASE. Une décision étrangère d’adoption sera reconnue de plein droit en France sans procédure d’exequatur.
L’adoption plénière est prononcée à la requête de l’adoptant par le tribunal de grande instance, qui vérifie, dans un délai de six mois à compter de la saisine du tribunal, si les conditions de la loi sont remplies et si l’adoption est conforme à l’intérêt de l’enfant. Le jugement prononçant l’adoption n’est pas motivé.
En cas d’adoption d’un pupille de l’Etat, d’un enfant remis à un OAA ou d’un enfant étranger qui n’a aucun lien avec l’adoptant, le tribunal vérifie que les requérants ont obtenu l’agrément pour adopter ou qu’ils en ont été dispensés.
La décision prononçant l’adoption plénière est transcrite sur les registres de l’état civil du lieu de naissance de l’adopté, à la requête du procureur de la République. Il en est de même pour l’adoption simple. La transcription ne contient aucune indication relative à la filiation réelle de l’enfant. La transcription tient lieu d’acte de naissance pour l’adopté.
Est-il possible d’adopter l’enfant de son conjoint ?
L’adoption plénière de l’enfant du conjoint est permise lorsque l’enfant n’a de filiation légalement établie qu’à l’égard de ce conjoint, lorsque l’autre parent s’est vu retirer totalement l’autorité parentale ou lorsqu’il est décédé et n’a pas laissé d’ascendants au premier degré ou, enfin, lorsque ceux-ci se sont manifestement désintéressés de l’enfant. L’adoption simple est autorisée même lorsque l’enfant a une filiation établie à l’égard de ses deux parents biologiques.
Quelles sont les préconisations du rapport « Colombani » ?
Le président de la République a commandé, en octobre 2007, un rapport sur l’adoption à Jean-Marie Colombani. Celui-ci préconise, dans ce document rendu le 19 mars dernier, un plan d’action gouvernemental de deux ans axé notamment sur l’amélioration de la procédure d’agrément. Celle-ci inclurait des sessions de préparation collective des familles candidates à l’adoption avant leur évaluation et serait basée sur des référentiels communs à l’ensemble des départements.
Jean-Marie Colombani plaide pour la création d’une autorité centrale de coordination réunissant l’Agence française de l’adoption et des organismes autorisés pour l’adoption, à charge pour cette autorité de gérer un fonds de coopération afin d’appuyer les demandes des pays qui le souhaitent.
Remarque : une communication portant sur la réforme de l’adoption devait être faite en Conseil des ministres fin août. Sont prévus la création d’un comité interministériel chargé de préparer la réforme, l’envoi de volontaires dans des pays tiers pour faciliter l’adoption et le développement des déclarations judiciaires d’abandon en France.
Repères :
Convention sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale
Adoption internationale – Conférence de La Haye de droit international privé (HCCH)
Convention des Nations-Unies du 20 novembre 1989
Loi n ° 2005-744 du 4 juillet 2005 portant réforme de l’adoption
Rapport sur l’adoption, par Jean-Marie Colombani, La Documentation française, 2008
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