De nos entretiens avec les collectivités menés dans le cadre de notre étude, il ressort que le plan de relance a créé de fortes attentes dans les territoires. Il est souvent évoqué sous deux angles : son volet “écologie” d’une part (l’Etat annonce 30 milliards pour la transition) et ses objectifs de cohésion territoriale, d’autre part, à travers des moyens dédiés aux collectivités (1 milliard délégués aux régions, actions de soutien à l’économie de proximité, etc.). Si l’on croise les deux enjeux, qu’en ressort-il ?
Des opportunités de financement existantes pour les collectivités
Deux secteurs font l’objet de mesures et de moyens importants. D’une part, la rénovation thermique des bâtiments publics avec une enveloppe de 4 Md dont 300 M€ délégués aux régions. D’autre part, sur les mobilités, avec par exemple 200 M€ dédiés au développement du vélo. En plus de ces deux mesures, de nombreux autres thèmes sont abordés par le plan de relance : alimentation dans les cantines, préservation des forêts, sécurisation des infrastructures d’eau potable, etc.
Par ailleurs, la décentralisation et la déconcentration des financements est une opportunité de verdir le plan de relance. Dans la mesure où elles assument 60% de l’investissement public, les collectivités pourront proposer des projets “verts” et participer à leur cofinancement dans le cadre des accords régionaux de relance (2021-2022), des contrats de plan 2021-2027 ainsi qu’au niveau infrarégional, dans le cadre des nouveaux Contrats de Relance et de Développement Écologique.
Elles auront aussi à jouer un rôle de lanceur d’alerte si la relance devait se faire au détriment des objectifs de transition. Les Régions auront à cet égard un rôle clé à jouer, notamment parce qu’elles pourront co-présider les comités de région créés pour assurer le suivi territorial de la relance. Il pourrait d’ailleurs être utile que ce suivi soit appuyé sur des indicateurs d’impact environnementaux.
Défaut de lisibilité et d’ingénierie
Pour être efficace, la relance devra réussir à lever certains freins liés à sa difficile lisibilité et au manque d’ingénierie de certaines CT
L’un des biais du plan de relance est sans doute la grande diversité des mécanismes qui le composent. S’entremêlent ainsi des appels à projets, des fonds spécifiques, comme celui sur le recyclage des friches, des crédits aux mains des préfets ou contractualisés avec les exécutifs régionaux. Et, pour tous ces financements, aucun guichet unique n’a été prévu (au-delà de l’accessible site internet France Relance, ou du site https://aides-territoires.beta.gouv.fr/), l’ANCT devant pouvoir jouer, progressivement, ce rôle. On ressort de la lecture des mesures du plan avec une légère impression de fouillis.
Ces mécanismes disparates et difficilement lisibles risquent de renforcer le sentiment, souvent ressorti des entretiens que nous avons menés avec des décideurs locaux, que les appels à projet ne bénéficient qu’à certaines collectivités (et toujours les mêmes) porteuses des grands projets et lauréates usuelles. C’est directement lié au manque d’ingénierie de certaines collectivités : toutes n’ont pas en interne les compétences techniques nécessaires à la poursuite de projets ambitieux ou même les ressources humaines dédiées à la veille en matière d’appels à projets. Des solutions existent cependant : Marie Dégremont, qui a réalisé une note pour France Stratégie sur la solidarité entre territoires, a par exemple proposé que pour être lauréat, chaque projet de grande collectivité puisse prévoir le soutien à une plus petite collectivité, comme le fait Brest.
Relance à court terme, écologie de long terme
Plus largement, les temporalités de la relance et de l’écologie peuvent-elles faire bon ménage dans les CT ?
Il y a d’abord la question de l’ambition écologique que l’on peut porter via des financements qui doivent avoir un impact tourné vers le court terme. L’urgence de la relance a également poussé Bercy à ne pas opter pour de l’éco-conditionnalité, mais plutôt pour une vérification ex-post des impacts écologiques des projets. Si l’on comprend le raisonnement économique, on peut légitimement se demander si une telle vérification systématique sera viable dans les territoires et suivie de mesures en cas d’impact défavorable avéré sur l’environnement.
Par le peu de temps que la relance laisse aux collectivités, il existe enfin un risque que le plan constitue surtout un effet d’aubaine (ce qui limiterait l’accélération de la transition) : ne bénéficieraient de ces financements que les collectivités qui avaient, de toute façon, décidé de financer des projets à teneur écologique par d’autres moyens, et dont les projets étaient déjà prêts à être financés. Charge aux nouveaux exécutifs et nouvelles équipes installées depuis juillet 2020 de passer à la vitesse supérieure, malgré le contexte, pour traduire les promesses de campagne dans le plan de mandat.
Cet article fait partie du Dossier
Relance : quels leviers pour les collectivités ?
Sommaire du dossier
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- [DATA] Plan de relance : Où vont les 100 milliards d’euros ?
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- Le baptême du feu des sous-préfets à la relance
- Les pôles territoriaux de coopération économique veulent s’inviter dans le plan de relance
- Plan de relance : les régions ne ménagent pas leurs efforts
- Relance : les premiers contrats signés par des régions et des départements
- Plan de relance : Jean Castex en service après-vente
- Plan de relance : frein ou levier pour les collectivités ?
- Plan de relance : ce qui attend les collectivités locales
- Relance : territorialiser l’enveloppe annoncée, oui mais comment ?
- Le guide pour tout savoir sur le plan de relance
- Relance : la promesse qui valait presque 100 milliards d’euros
- Les travers du plan de relance
- Plan de relance : quelle déclinaison territoriale ?
- Des « sous-préfets à la relance » pour faire remonter les blocages dans les territoires
- Les collectivités jonglent avec leur plan pluriannuel d’investissement
- Les collectivités revoient leur modèle de développement économique
- Ferroviaire, bâtiment, eau… 30 milliards pour relancer quelle transition écologique ?
- Le Plan de relance efface les pauvres
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- Relance : les régions devraient augmenter leurs investissements
- Relance : les intercommunalités se lancent dans la mêlée !
- Plan de relance du spectacle vivant : encore beaucoup de points à préciser
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