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Implanter 24 000 logements dans le parc de La Courneuve, l’un des rares sites urbains classés Natura 2000 : c’est le projet très controversé que défend Roland Castro. Le rêve d’architecte pose la question de la compensation écologique en ville : l’exercice peut-il réellement s’envisager dans une zone aussi dense que la Seine-Saint-Denis?
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« Le parc habité » ou le «Central Park du Grand Paris » : dans le parc de La Courneuve (Seine-Saint-Denis), dont 310 des 417 hectares sont classés en zone « Natura 2000 », est prévue la construction de 24 000 logements. En intégrant les alentours du parc, ce sont au total 45 000 logements qui devraient sortir de terre, soit 65 % de l’objectif annuel assigné à terme au Grand Paris.
Le projet, conçu par l’architecte Roland Castro et le cabinet Constructions et développement urbains, fait partie des 30 opérations d’intérêt nationale (OIN) du Grand Paris. En avril dernier, le Premier ministre annonçait avoir confié à l’Agence foncière et technique de la région parisienne la mission de « faire travailler ensemble tous les acteurs du territoire » sur ce projet. Manuel Valls précisait que, pour les grandes opérations de logement, le choix des sites interviendrait en septembre prochain. Fondé sur l’idée de densification de la ville, « Le parc habité » retient donc l’intérêt du cabinet du locataire de Matignon … sans emporter la pleine adhésion du département de Seine-Saint-Denis.
Une sensibilité exacerbée
Pour le président du conseil départemental, Stéphane Troussel, « il ne s’agit que d’une initiative privée ». Rappelant que « 24 000 logements correspondent à 80 000 nouveaux habitants », l’élu socialiste « ne partage pas l’objectif de construire autant, sans fixer un calendrier précis ni penser à l’équipement public nécessaire ». Pour autant, le projet en question « a le mérite de poser la question de l’insertion urbaine du parc, dont le lien avec la ville doit être retravaillé », admet l’élu de La Courneuve depuis vingt ans.
Plus largement, l’ambitieux projet de « Central Park » à la française pose la question de la compensation écologique en zone urbaine. « Le sujet est particulièrement complexe en milieu urbain dense, où la gestion et la préservation des espaces verts sont beaucoup plus sensibles qu’ailleurs, relève Jérôme Petitjean, directeur général adjoint en charge du pôle aménagement et développement durable au conseil départemental. Tout aménagement et construction autour du parc doivent se faire en maintenant la cohérence écologique du milieu. ».
Une solution illusoire
L’opération projetée grignoterait 70 des 310 hectares classés. Pour ses promoteurs, il n’est question ni d’éviter, ni de réduire les pertes de biodiversité, seulement de les compenser par le biais d’une coulée verte d’une surface de 140 hectares, située au nord du parc. Ces terrains avaient été achetés par l’Etat, dans les années 1970, en vue de créer une liaison avec la Francilienne. Le projet autoroutier n’a pas vu le jour et la zone ainsi réservée a été classée en espace vert.
Le président de la Fête de la nature, François Letourneux, s’étrangle : « Les aménageurs veulent faire de la compensation sur une zone dédiée à la trame verte et bleue ! » C’est-à-dire, sur une zone déjà préservée, ce qui n’offrirait aucun gain en matière de biodiversité. Les associations locales de défense de l’environnement sont tout aussi critiques. « Le parc, conçu dans les années 1920 et finalisé dans les années 1950, arrive maintenant à maturité, observe Francis Redon, président d’Environnement 93. Et l’idée de compenser 70 hectares détruits sur un site Natura 2000 par 140 hectares localisés dans la partie nord du parc est un leurre. On ne reconstruit pas une zone Natura 2000 en un claquement de doigt », affirme le farouche opposant au projet.
Vers un droit à détruire la nature ?
Définie par la loi sur la protection de la nature du 10 juillet 1976, la doctrine « ERC » – pour «Eviter-Réduire-Compenser » – a été précisée par le projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, adopté par l’Assemblée nationale en première lecture le 24 mars dernier, notamment sur le chapitre « compensation ». Certaines associations environnementalistes craignent de voir le volet « Compenser » supplanter les volets « Eviter » et « Réduire », censés être prioritaires. Serait alors accordé aux aménageurs un droit à détruire la nature, dont le Central Park de La Courneuve serait l’un des premiers bénéficiaires.
« Construire dans un espace vert classé comme celui-ci, je croyais que cela ne faisait plus », s’emporte François Letourneux. Pour l’ancien président de l’antenne française de l’Union internationale pour la conservation de la nature, « on veut transformer en réserve foncière le rêve de la Seine-Saint-Denis de protection de la biodiversité. »
Ne pas amputer le poumon vert
Depuis sa création en 1967, le département déploie en effet une politique de préservation des espaces verts, qui a abouti au classement de ses sites les plus remarquables. « La Seine-Saint-Denis a toujours affirmé une volonté politique forte pour donner aux populations défavorisées le droit à la nature, explique Antoine Valbon, urbaniste de formation et fils de Georges Valbon, premier président du CG93 – à l’origine du parc qui porte son nom. Le parc a besoin d’une ouverture vers la ville, non d’une amputation ! Il est le poumon vert du département. Un lieu de loisir, de repos et de découverte qui a permis, en trente ans de façonnage, de faire passer la densité en espaces verts en Seine-Saint-Denis de 1 m2 par habitant à 11 m2. »
L’inscription au réseau communautaire Natura 2000, obtenue en 2006, concerne un ensemble de 15 parcs et forêts de Seine-Saint-Denis. Celui-ci couvre une surface de 1 157 hectares répartis sur 20 des 40 communes du département. « Il s’agit de l’unique classement en Europe à être entièrement implanté en ville et, en France, de l’unique site Natura 2000 en zone urbaine dense », souligne Stéphane Troussel.
Le site n’est « pas à vendre »
Compenser 70 hectares concernerait 20 % de la surface classée Natura 2000. Ce n’est pas rien. « Quel serait le préjudice infligé par les constructions ?, s’interroge François Letourneux. Comment estimer les pertes de biodiversité ? Faudra-t-il compenser les surfaces détruites par 2 ou par 40 ? » Ce à quoi le président du conseil départemental répond fermement : « Le parc n’est pas à vendre. Et ce n’est pas encore un sujet. Il n’y aura pas de concertation autour d’une initiative privée », assure Stéphane Troussel.
Pour l’Etat, intéressé par le potentiel logement du « Central Park » et maître de la politique d’urbanisme en cas de sélection du projet, l’idée de Roland Castro ne représente actuellement qu’une « potentialité » parmi d’autres, selon Thierry Lajoie, missionné par Manuel Valls pour approfondir l’examen du dossier. « On peut écrire le meilleur scénario du monde, sans les études, la concertation politique et l’association des habitants au projet, ça ne suffit pas », a-t-il récemment déclaré à l’AFP.
Pour Jérôme Petitjean, « la compensation, dans un département tel que le nôtre, n’est possible que si les zones à compenser sont de petite taille, après évaluation très précise des impacts du projet ». François Letourneux juge la compensation possible si elle s’opère sur les friches industrielles du département. Le DGA de la Seine-Saint-Denis abonde : « Les mutations urbaines se feront grâce à la reconversion du tissu industriel, sur les périmètres des anciennes friches », conclut Jérôme Petitjean.
Ecoquartier ou « zone à défendre » ?
Le futur site est présenté comme un écoquartier, développant une politique « zéro déchets », l’utilisation de l’eau en circuit fermé, la végétalisation des toitures et terrasses, un chauffage par géothermie profonde et des constructions en bois, selon le dossier de presse – qui ne va pas jusqu’à détailler les aménagements prévus. Le cabinet Castro et associés estime le coût total du développement à 477 millions d’euros. Côté transport, les promoteurs du projet misent sur l’arrivée, dans les prochaines années, de la ligne Tangentielle Nord qui améliorera l’accessibilité au parc, avec deux gares prévues à Stains et à Dugny. De plus, le réseau Grand Paris Express et le prolongement des lignes 7 et 13 du métro devraient améliorer l’intermodalité à l’échelle locale.
Dans l’immédiat, le parc devient le terrain de pique-niques de protestation. A l’occasion du troisième rassemblement de ce type, le 24 mai dernier, les élus locaux ont appelé à amplifier la mobilisation contre le projet. S’élevant contre « le coup de force » que représente l’inscription du projet dans le cadre d’une OIN, le maire de la Courneuve, Gilles Poux (PCF), estime qu’il faut " tout faire pour que nous restions propriétaires de ce parc et que l’on ne nous le vole pas ". Rappelant que nombre d’habitants passent leur vacances dans le parc, la députée (PCF) Marie-Georges Buffet déclare refuser le "couperet de septembre", date à laquelle le Premier ministre doit décider du maintien ou non du projet. Certains opposants, parlant de "déni de démocratie", appellent à constituer une « zone à défendre » si le projet est confirmé.
Ce projet sera une CATASTROPHE a court moyen et long terme! Le parc Georges Valbon est le poumon vert de la région – construire des tours tout autour, implanter 50 000 ou 100 000 habitants sur sa superficie signifie sa disparition en tant que parc public! ALORS que la population souhaite son EXTENSION plus d’écologie plus de développement durable – ALORS que des méga cités comme les 4000 ont été détruites – cités qui ont donné de très MAUVAIS résultats – ce projet de 24 000 ou 48 000 logements est une totale REGRESSION!