Vingt ans après la loi handicap de 2005, le 11 février dernier au Sénat, cinq commissions ont présenté leur bilan. Les sénateurs souhaitent aujourd’hui aller plus loin dans l’accessibilité, la simplification d’accès aux compensations, et préconisent de créer un label « ville inclusive ».
Car l’objectif de permettre la « compensation » du handicap, l’un des deux piliers de la loi du 11 février 2005, « n’est pas totalement réalisé ». Le constat est formulé par Marie-Pierre Richer, de la commission des affaires sociales du Sénat. Notamment, « il y a encore une limite d’âge à la prestation de compensation du handicap (PCH) » qui oblige à basculer vers l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) à 60 ans. « Il faut une réflexion sur l’articulation des prestations », estime la sénatrice, qui pointe aussi la hausse constante « des dépenses de PCH » qui « met les départements en difficulté financière ».
Marie-Pierre Richer souligne encore « la complexité » d’accès à la PCH « enfant », dont elle aimerait voir « simplifier les règles », et note que malgré les prestations, « le handicap reste un facteur de pauvreté ».
En outre, le fonctionnement des Maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), vingt ans après leur création, laisse encore à désirer. La sénatrice Chantal Deseyne mentionne la « complexité des démarches », des « formulaires », et des courriers « incompréhensibles », qu’il faut absolument « simplifier ».
Elle appelle également à « réduire les délais de traitement » – qui sont de 4 mois et demi en moyenne mais atteignent 6 mois, voire 10 dans certains départements –, et à « harmoniser les pratiques des MDPH ». Un début de réponse est apporté, relève-t-elle toutefois, avec « l’aide au remplissage des dossiers », et « la mission d’appui de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) » pour les MDPH les plus en difficulté.
Améliorer l’emploi et la scolarisation
Concernant l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés (OETH), étendue au secteur public en 2005, « on est arrivés à 5,6 % dans le secteur public et plus de 6 % dans les collectivités locales », indique la sénatrice Corinne Féret, à la commission des affaires sociales. Les collectivités sont donc de bonnes élèves par rapport au privé, où ce taux plafonne à 3,6 %. Néanmoins, le handicap reste « le premier motif de saisine de la Défenseure des droits », souligne Marie Mercier, de la commission des lois.
La scolarisation aussi a beaucoup progressé puisqu’en vingt ans, on est passé « de 150 000 à 500 000 enfants handicapés scolarisés », le nombre d’accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH) augmentant chaque année.
Cependant, « l’école inclusive est en train de craquer, les enseignants sont en plein désarroi », alerte Laurent Lafon, sénateur membre de la commission de l’éducation. Il dénonce « le manque de matériel et d’outils pédagogiques adaptés », recommande de « former les enseignants à produire des cours accessibles » et appelle à « faire entrer le médicosocial dans l’école ». En ce sens, des « pôles d’appui à la scolarité », note-t-il, sont justement testés dans quatre départements.
Accès au logement et aux commerces
L’accès à un logement adapté, quant à lui, reste difficile et « le mal-logement » concerne « 5 % des personnes handicapées, soit 220 000 ménages », rappelle Martine Berthet, sénatrice à la commission des affaires économiques. Le dispositif « MaPrimeAdapt’ a bénéficié à 36 000 ménages l’an dernier, précise-t-elle. L’objectif du gouvernement est d’arriver à 680 000 logements adaptés d’ici à 2033 ». Elle suggère de « préserver les marges de manœuvre financières des bailleurs sociaux », dont « 23 % ont réalisé des travaux d’adaptation en 2023 ».
Concernant l’accessibilité des commerces, elle constate que « l’objectif de 2005 n’est pas atteint. Si 700 000 ERP sont engagés dans des travaux, 900 000 ne le sont pas – surtout les commerces de proximité », souligne la sénatrice, qui conseille « des outils mieux calibrés pour les petits commerces » et « un renforcement des contrôles ».
Accessibilité des transports et du numérique
Le bilan est « contrasté » également en matière d’accessibilité des transports publics, qui se heurte à « des obstacles financiers et techniques », selon le sénateur Jean-François Longeot, de la commission aménagement du territoire. Sur les « 736 gares définies comme prioritaires en 2014, 91 % sont devenues accessibles », ce que « les JO ont permis d’accélérer ».
Mais « les associations déplorent la lenteur des progrès », notamment pour le métro parisien. Il reste par ailleurs « des problèmes de qualité d’usage » et de « rupture dans la chaîne des déplacements », note le sénateur, qui souhaite « une meilleure coordination entre acteurs » et de « mieux s’appuyer sur l’expertise des usagers ».
Enfin, l’accessibilité du numérique reste un vrai point noir, puisque « moins de 1 % des 34 000 sites internet publics sont conformes, précise la sénatrice Marie Mercier, de la commission des lois. Il faut sensibiliser et former les agents publics ». Et pour les sites des petites communes, faits avec peu de moyens, elle demande un accompagnement de l’Arcom.
Sur tous ces enjeux, la sénatrice envisage enfin de « mettre en valeur les bonnes pratiques et les initiatives innovantes des élus locaux », en créant un label « ville inclusive » » pour les plus exemplaires.
Ce bilan du Sénat, en définitive, doit inciter à « aller plus vite et plus loin en matière d’accessibilité », à « lancer un chantier de simplification » sur le volet des compensations, et à poser « la question des moyens financiers », résume Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales.
Le comité interministériel du handicap (CIH) du 6 mars constitue le prochain rendez-vous sur ce dossier. En clôture du colloque, la ministre déléguée Charlotte Parmentier-Lecocq a déjà annoncé vouloir « réunir dans les prochaines semaines un groupe de travail transpartisan associant les deux chambres du Parlement ».
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