Vous avez évoqué l’idée de créer un pont aérien entre l’hôpital de Dijon et de Nevers pour rompre votre désert médical. Pourquoi ?
L’éloignement de notre capitale régionale, Dijon, est rédhibitoire pour que les personnels soignants, infirmières ou sages-femmes acceptent d’effectuer le trajet quotidiennement. Cela représente, au minimum, cinq heures en voiture ou en train, alors il faut du pragmatisme. Nous réduisons ce temps de voyage à trente-cinq minutes. Le but est de proposer un moyen de transport provisoire le temps que les médecins s’intéressent un peu plus à notre territoire.
Quelle est l’ampleur du déficit de médecins à Nevers ?
Rien que pour l’hôpital d’agglomération, il en faudrait une vingtaine de plus, une dizaine d’infirmières, notamment en bloc pour davantage d’opérations, ce qui générera des recettes et réduira le déficit.
Les intérimaires ne comblent-ils pas ce manque de main-d’œuvre ?
Le pont aérien permettra de moins dépendre des intérimaires et donc de moins dépenser, car ils coûtent très cher… trop cher. Réduire leur coût, c’est avant tout faire venir davantage de médecins.
Avez-vous eu des retours à la suite de cette proposition depuis vos déclarations, il y a deux semaines ?
J’ai des appels des médecins de Dijon et d’ailleurs qui sont intéressés par ce mode de transport. Je suis en contact avec différentes compagnies aériennes pour monter ce pont aérien. Le premier avion devrait décoller fin janvier 2023.
Est-ce bien raisonnable, au regard des contraintes climatiques ?
Quand il faut transporter un blessé, du sang ou d’autres choses vitales par avion ou par hélicoptère, je n’entends personne s’y opposer. Pour moi, l’accès égalitaire aux soins des Nivernais est vital ! Elle n’est pas présente aujourd’hui.
L’écologie passe donc au second plan ?
Je suis pour le respect de l’environnement, mais pas pour une écologie bloquante, aussi bien dans le domaine économique que dans celui de la santé. Il y a des priorités et je ne pense pas que nos avions vont compromettre la planète, même si chacun doit prendre sa part. De plus, nous travaillons sur des formats d’avions propres à dix places et non un Bœing.
Comment allez-vous financer ce projet ?
L’argent, je le dépense en surpayant du personnel soignant, alors il est déjà là. Aujourd’hui, je finance 6 millions d’euros de déficit par an. La moitié de cette somme permettrait de couvrir les frais d’un aller-retour par semaine durant une année entière. J’ai également demandé des financements auprès de l’ARS, qui m’a suggéré de monter un dossier, ainsi qu’auprès de la région Bourgogne – Franche-Comté, qui, selon moi, doit veiller à protéger la santé dans les territoires les plus éloignés.
Malgré la construction récente d’un internat mitoyen à l’hôpital Bérégovoy, comment expliquer que Nevers ne soit pas assez attractif pour les nouveaux soignants ?
Ce manque de médecin est présent dans tout le territoire. Je n’aime pas dire que Nevers est un désert médical, mais on y tend de plus en plus en raison du non-renouvellement des médecins. La première difficulté est le temps de trajet. Les efforts pour nous rapprocher de la capitale régionale n’ont jamais vraiment existé. Il faut pourtant les assumer aujourd’hui.
Est-ce que vous ne déshabillez pas Dijon pour habiller Nevers ?
Si un jour Nevers déshabillait Dijon, cela se saurait. Mon but n’est pas de recruter la moitié des médecins du CHU de Dijon mais, au contraire, que l’on vienne nous renforcer de temps en temps et qu’il y ait, également, des dispositifs incitant davantage les gens à s’installer sur notre territoire et qu’ils décident de rester y vivre. Nous dépendons du CHU de Dijon qui nous doit plus d’internes. Malgré la construction du nouvel internat, je n’ai pas eu plus de volontaires. Notre capitale régionale doit aussi mener des projets pour qu’il y ait des retombées sur nos territoires.
Seront-ils obligés de venir travailler chez vous ?
Aucune obligation ne sera mise en place pour les médecins dijonnais, car nous ne faisons pas face à une hostilité de terrain, mais à une hostilité de contrainte de déplacement.
Auront-ils une prime d’incitation ?
La prime sortirait des relations entre les deux hôpitaux. Le dossier qui se monte avec l’ARS pourrait permettre une bonification. J’en discute également avec la présidente de la région Bourgogne – Franche-Comté, Marie-Guite Dufay.
La recommandation des stages de quatrième année des médecins généralistes en zone sous dense, votée au PLFSS, vous paraît-elle suffisante ?
Je suis pour une incitation plus forte. Cela fait huit ans que je m’époumone avec mon équipe pour trouver des solutions. L’incitation gentille ne fonctionne pas. Beaucoup d’étudiants en médecine se font payer leur cursus par l’Etat, comme d’autres professions. Cela ne me dérangerait pas qu’on leur impose d’aller exercer dans les territoires en manque de soignants.
Faut-il le rendre obligatoire ?
Oui, c’est ce que je prône depuis des années.
Que manque-t-il aux maires pour mieux organiser l’offre de soins sur leur territoire ?
La compétence « santé » devrait s’organiser d’autant plus à l’échelle territoriale et départementale. Durant la crise sanitaire, le couple maire-préfet avait très bien fonctionné mais son organisation avait par la suite perdu en efficacité lorsqu’elle est revenue aux mains des régions. Il faut rendre plus de pouvoirs aux territoires locaux et à ceux qui les animent, à savoir les maires, les présidents d’intercommunalités et les autres élus. Nous serons encore plus à même de prendre ces décisions.
Cet article est en relation avec le dossier
Thèmes abordés