Le 8 février, la caisse nationale des allocations familiales a donné un avis favorable au projet de décret transférant aux CAF, à titre expérimental, l’agrément et le contrôle de la qualité des établissements d’accueil de jeunes enfants. Une mission jusqu’ici dévolue à la protection maternelle et infantile, sous l’égide des départements. Les coprésidents du syndicat national des médecins de la PMI ont tiré la sonnette d’alarme dans une tribune publiée le 23 février par Le Monde.
Manque de neutralité
Selon Pierre Suesser, l’un des coprésidents du syndicat et signataires de cette tribune, « la neutralité de l’institution délivrant les agréments et assurant les contrôles ne serait plus assurée, les CAF finançant la création de places en crèche et cherchant avant tout à les développer ». Surtout, « les services de la PMI ont les compétences nécessaires en matière de santé et de développement du jeune enfant que ne possèdent pas les CAF », souligne-t-il encore.
Le rapport Peyron de 2019, très réservé à l’égard de ce projet de transfert, soulignait qu’« en donnant à la PMI un pouvoir d’agrément (en réalité il ne s’agit que d’un avis, mais il semble que les présidents de département ne s’en écartent jamais), le législateur a instauré une sorte de garde-fou, de vigie, dont la seule préoccupation est celle du bien-être des enfants. » Quant à la plateforme Assurer l’avenir de la PMI, qui fédère les organisations syndicales et professionnelles du secteur, elle réclamait dès octobre 2019 le maintien des missions de la PMI et des créations de postes pour les assurer pleinement.
Des postes à créer
Or, selon le projet de décret, la CAF « n’est pas tenue d’avoir recours à un professionnel de PMI ou titulaire d’un diplôme dans le domaine médical ou de la petite enfance pour l’appréciation des projets d’ouverture, d’extension ou de modification des structures », nous précise la Cnaf. C’est seulement « en matière de suivi et de contrôle » que « le projet de décret prévoit que la CAF doit s’adjoindre les compétences d’un EJE [éducateur de jeunes enfants, NDLR], ou médecin, ou puériculteur », détaille encore la caisse nationale.
Cette activité d’agrément et de contrôle, qui concerne aussi les assistantes maternelles, mobiliserait « de l’ordre de 20 à 30 % du temps des agents », et l’attribuer aux CAF reviendrait « à transférer une charge de travail qui mobilise aujourd’hui entre 2 000 et 3 000 ETP au sein des PMI », estiment les auteurs du rapport Peyron. Ceux-ci jugent nécessaire de créer ces postes dans les CAF, ce qui paraît impossible au moment où, « à la demande de l’État, la Cnaf s’est au contraire engagée à supprimer 2 100 emplois sur la durée de la COG signée fin 2018 pour cinq ans ».
Expérimentation en cours
En Haute-Savoie, la CAF expérimente le transfert de compétence en matière d’agrément (création de structure et augmentation du nombre de places) depuis le 1er avril 2021, en accord avec le conseil départemental. Il est précisé dans un communiqué de la CAF que « si les résultats sont concluants, [cette démarche] pourra être généralisée sur l’ensemble du territoire national ».
Selon le syndicat national des médecins de PMI, ce projet est d’autant plus inquiétant que d’autres évolutions en cours tendent à réduire la qualité des accueils de jeunes enfants, dont une partie est créée ou reprise par le secteur privé lucratif. Ainsi, il est possible de réduire le quota de professionnels par enfants et d’accueillir des enfants en surnombre. Par ailleurs, nombre de structures souffrirait d’un manque de personnel qualifié, en raison des difficultés de recrutement.
D’après les coprésidents du syndicat national des médecins de PMI, dont la tribune était intitulée « Après le scandale des Ehpad, assurons-nous du bien-être des bébés accueillis », en retirant aux professionnels de la protection maternelle et infantile l’agrément et le contrôle des accueils, le gouvernement ajouterait un facteur de risque à cette situation, très similaire à celle qui a permis la dangereuse dérive de certains Ehpad privés lucratifs.
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