La comptabilité des établissements sociaux et médico-sociaux ainsi que de leurs structures gestionnaires a été harmonisée.
Pourquoi existe-t-il deux comptabilités distinctes ?
Le financement des établissements à but non lucratif du secteur social et médico-social étant essentiellement d’origine publique, les tarifs des prestations sont fixés et contrôlés par l’autorité administrative. Cette relation est formalisée au moyen de comptes dits «administratifs» et de la procédure d’arrêté budgétaire qui s’y rattache. Ces comptes sont le plus souvent établis par l’établissement et traduisent essentiellement ses réalisations de dépenses au regard des budgets qui lui ont été accordés.
D’autres comptes, dits «sociaux», doivent être produits en parallèle. Il s’agit des comptes de l’entité juridique (association, fondation, fédération, syndicat…) qui gère l’établissement. Ils mentionnent, le cas échéant, l’activité patrimoniale de la structure gestionnaire, c’est-à-dire ses activités de gestion immobilière et ses revenus de trésorerie.
Les comptes sociaux présentent donc une vision globale des actifs et des dettes de l’entité, au-delà de la seule performance de l’exercice. Les comptes administratifs en constituent de fait un sous-ensemble.
Quels risques présente une double comptabilité ?
Au fil du temps, les comptabilités administrative et sociale se sont considérablement éloignées et complexifiées. Des «vides» réglementaires sont apparus, qui ont pu donner lieu à des interprétations différentes, voire contradictoires, de la part des financeurs locaux.
De nouveaux textes ont donc été publiés : les arrêtés des 19 et 22 décembre 2008 relatifs au plan comptable applicable aux établissements sociaux et médico-sociaux publics et privés, ainsi que l’instruction de la Direction générale de l’action sociale du 17 août 2007 relative au plan comptable actualisé applicable aux établissements privés. Ils modifient les règles à respecter pour l’arrêté des comptes des établissements sociaux et médico-sociaux, et ceux des opérateurs gestionnaires. Ces évolutions, établies en accord avec les organismes régulant le droit comptable (Conseil national de la comptabilité, Compagnie nationale des commissaires aux comptes) et les principaux financeurs nationaux et locaux (assurance maladie, Etat, conseils généraux…), ont vocation à harmoniser les référentiels comptables et à combler les vides réglementaires existants.
De nouvelles charges doivent-elles être inscrites aux comptes administratifs ?
Les nouvelles dispositions réglementaires prévoient une inscription de charges complémentaires aux comptes administratifs des établissements. Auparavant, certaines charges, présentes dans les comptes sociaux de l’entité, ne figuraient pas dans les comptes administratifs. C’était le cas notamment des provisions pour indemnité de départ à la retraite et des provisions pour congés à payer. Ces charges pouvaient également être minorées, notamment lorsqu’un financeur imposait un plan d’amortissement (pour un investissement immobilier, par exemple) établi sur des durées notoirement excessives. Certains plans pouvaient ainsi prévoir un amortissement d’un cinquantième des charges tous les ans pendant cinquante ans. Le but pour les financeurs était, dans les deux cas, de limiter le montant des financements publics.
A présent, l’ensemble des charges de l’établissement (provisions, amortissement…) doit apparaître dans les comptes administratifs et deviennent opposables aux financeurs. Par ailleurs, il est dorénavant obligatoire d’établir les plans d’amortissement de charges en fonction de durées réalistes.
Pourquoi identifier les dépenses rejetées par le financeur ?
Par le passé, lorsqu’un financeur refusait de prendre en charge certaines dépenses, ce rejet n’était pas explicitement mentionné dans les comptes administratifs. Les nouvelles dispositions réglementaires ont donc introduit des comptes permettant d’identifier clairement le montant cumulé des éventuelles dépenses rejetées, en distinguant les rejets temporaires des définitifs. Les financeurs restent toujours libres d’accepter ou de refuser une dépense, mais la lisibilité du système comptable est améliorée, car ces rejets sont traduits et suivis.
Que doit désormais contenir l’annexe comptable ?
L’annexe comptable contient un certain nombre d’informations permettant d’éclairer la lecture des comptes administratifs et sociaux. Les récentes évolutions du droit comptable ont enrichi ce document, dans le but de rendre les comptes de l’opérateur plus intelligibles pour le lecteur et de favoriser une analyse comptable pertinente.
Désormais, l’annexe devra contenir, entre autres documents, un «tableau de passage», c’est-à-dire un outil de conversion établissant des passerelles entre les comptes sociaux et administratifs, et facilitant une lecture comparative des deux comptabilités.
Quelles sont les conséquences de ces évolutions ?
Les évolutions du droit comptable se traduisent par des précisions apportées aux schémas comptables et par une harmonisation des règles communes. Elles vont donc permettre à tous les acteurs de l’exercice comptable de parler un langage commun, afin de sécuriser la relation.
Elles constituent par ailleurs une opportunité majeure pour les directions opérationnelle et politique des opérateurs, qui peuvent, au cas par cas, apporter des arguments techniques débouchant éventuellement sur des financements complémentaires qui contribueront à renforcer leur fonds de roulement. Ces évolutions doivent enfin aider les opérateurs à avoir une analyse financière de leurs structures non plus limitée au constat des écarts entre les budgets accordés et les dépenses réalisées, mais étendue à une approche des grands équilibres financiers (autofinancement, trésorerie…).
Ces évolutions vont-elles engendrer des financements supplémentaires ?
En aucun cas ces évolutions ne se traduiront par l’allocation automatique, aux établissements, de moyens financiers complémentaires. En effet, si les dépenses qui ne figuraient pas dans les comptes administratifs des exercices antérieurs doivent désormais être comptabilisées (lire la question 3), l’autorité de tarification reste souveraine s’agissant de l’acceptation ou du refus de leur prise en charge.
Cependant, la négociation de la prise en charge de ces dépenses non constatées par le passé peut être «tentée», notamment au sein des établissements présentant des excédents – hors impact de l’inscription de ces nouvelles dépenses – ou en cours de négociation d’un contrat pluriannuel, par exemple d’objectifs et de moyens (CPOM).
Des financements supplémentaires pourront également provenir de la réduction des durées d’amortissement des actifs (lire la question 3). Pour les nouveaux investissements, les durées retenues par l’établissement et acceptées par les financeurs devront en effet être plus réalistes, ce qui se traduira par un allongement des budgets alloués aux établissements.
A l’inverse, existe-t-il un risque de perte de financement ?
Le risque, pour les établissements, que l’application de ces dispositions entraîne une perte de financement est réel. Il nécessite des travaux précis et formalisés par les services comptables, afin de mesurer l’impact de ces évolutions sur les futurs financements de l’établissement. Un suivi sera notamment nécessaire s’agissant du devenir de certaines provisions, dotées antérieurement et interdites désormais.
Comment se préparer à ces changements ?
Pour les opérateurs de droit public, ces évolutions comptables sont applicables depuis l’exercice 2008. Pour ceux de droit privé, elles le sont depuis l’exercice 2007.
Quoi qu’il en soit, elles vont nécessiter un travail approfondi des services comptables en termes de recensement, puis de chiffrage, des charges désormais obligatoires dans les comptes administratifs. Ces services devront bien entendu être attentifs à la comptabilisation éventuelle, partielle ou totale, de ces charges dans les comptes sociaux de l’entité.
Il leur faudra ensuite tenir compte de ces changements dans les commentaires des comptes afin, idéalement, de distinguer les variations de dépenses liées à ces évolutions de celles qui résulteraient d’une modification de la «performance de gestion» de l’établissement.
Pour la première année de leur application, ces dispositions nécessiteront un effort particulier de la part de la direction de l’établissement et du conseil d’administration de l’organisme gestionnaire en matière de présentation des comptes administratifs et sociaux. Si les nouvelles normes comptables ont un impact sur le résultat net de l’établissement, un retraitement des comptes de l’exercice précédent selon les nouvelles méthodes comptables sera indispensable. Ces comptes pro forma, placés en annexe, faciliteront la comparaison des deux exercices.
Par conséquent, l’analyse des données financières devra porter sur le triptyque classique «exécution budgétaire» (recettes et dépenses de l’exercice), «vision patrimoniale» (actifs et trésorerie normative disponibles, endettement à long terme) et «perspectives à court terme» (liquidités, position des financeurs).
Cette réglementation signe-t-elle la fin de la dualité des systèmes comptables ?
Ces changements ne signifient pas la fin de la dualité des documents comptables à produire, pour deux raisons essentielles. La première est liée au périmètre des systèmes comptables, qui reste le même. La seconde tient aux principes sous-tendant l’arrêté des comptes. En effet, si les nouveaux textes instituent un langage commun entre les deux comptabilités, il semble probable que certaines des charges qui s’imposent dans les comptes sociaux pour des raisons de prudence (notamment en matière de provisions pour gros entretien ou litige) seront mal comprises par les autorités de financement si elles sont intégrées aux comptes administratifs. Dans ce cas, certains dirigeants et/ou commissaires aux comptes préféreront ne les constater qu’au niveau des comptes sociaux, générant ainsi de nouvelles distorsions.
Afin de permettre aux nouveaux textes réglementaires d’être efficaces, il serait donc pertinent que les autorités comptables communiquent, au gré des situations rencontrées par les établissements, des «règles de bonne pratique» précisant la traduction comptable de situations particulières qui n’ont pas été abordées dans le détail.
Repères :
Avis n ° 2007-05 du 4 mai 2007 du Conseil national de la comptabilité